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Ce que les Européens (et les Suisses) doivent retenir du débat Trump-Harris

Pour les Européens, et aussi pour les Suisses, le débat présidentiel télévisé entre Donaléd Trump et Kamala Harris a apporté d'intéressantes indications sur la manière dont ils dirigeront les Etats-Unis, s'ils sont élus. Explications.
Publié: 12.09.2024 à 10:56 heures
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Dernière mise à jour: 12.09.2024 à 10:58 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Kamala Harris a-t-elle remporté le débat présidentiel télévisé retransmis dans la nuit de mardi à mercredi (heure suisse) par ABC News depuis le «Constitution Center» de Philadelphie, en Pennsylvanie? Oui selon les sondages réalisés auprès des téléspectateurs et oui pour la plupart des commentateurs.

Mais attention: cette présumée victoire n’a rien du KO médiatique. La vice-présidente des États-Unis, qui affrontait pour la première fois devant les caméras l’ex locataire de la Maison Blanche (2016-2020) a surtout réussi à imprimer sa marque. Pugnace, empathique, multipliant les références au peuple américain qu’elle affirme avoir toujours servi (contrairement à Trump selon elle), la candidate démocrate s’est surtout montrée insensible aux attaques de son adversaire. Une femme d’État a-t-elle émergé? Vu d’Europe et de Suisse, voici 5 leçons à retenir.

Leçon 1: Trump peut perdre

C’est la leçon la plus importante pour les gouvernements de ce côté-ci de l’Atlantique, où la vague trumpiste existe aussi dans les urnes, vu la progression forte des partis nationaux populistes dans toutes les élections récentes, à commencer par les Européennes du 9 juin, les législatives françaises des 30 juin et 7 juillet et les régionales allemandes en Saxe et en Thuringe. Tous les experts prédisent une poursuite de ce mouvement si Donald Trump revenait à la Maison-Blanche, et mettait en œuvre son programme de renvoi massif des migrants, de négociations immédiates avec la Russie à propos de l’Ukraine, et de barrage protectionniste anti-chinois pour protéger le marché américain. Or Donald Trump n’est pas apparu gagnant à tous les coups. Il n’a pas pu – les règles du débat ne le permettaient pas – interrompre Kamala Harris. Il a répété ses obsessions. Bref, l’éternel «winner» (gagnant) est apparu comme un possible «loser» (perdant).

La vice-présidente américaine et Joe Biden se sont retrouvés le 11 septembre sur le site des Twin Towers disparues, à New York, pour un dommage aux victimes des attentats de 2001.
Photo: Getty Images
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Leçon 2: Kamala Harris a le vent en poupe

Le constat est symétrique. Trump n’a pas crevé l’écran. Kamala Harris, en revanche, a démontré qu’elle était désormais installée dans le rôle de candidate à la présidence des États-Unis, même si elle n’a pas été désignée par son parti à l’issue d’une primaire, comme cela aurait dû être le cas. La preuve: l’équipe de la vice-présidente a aussitôt demandé un nouveau débat télévisé, alors que Donald Trump semble hésiter. Après avoir dit aux journalistes en marge du plateau d’ABC News qu’il n’avait jamais été aussi bon, l’ancien président a critiqué ce débat «truqué» en faveur de son adversaire. Il est possible que Kamala Harris connaisse maintenant une remontée dans les prochains sondages. Pour les Européens, cela veut dire qu’il faut se préparer à sa possible victoire. Ce qui est plus facile: son administration ressemblera sûrement à celle de Joe Biden.

Leçon 3: Des Américains obsédés par les migrants et l’économie

Vus de ce côté-ci de l’Atlantique, les États-Unis sont souvent dépeints, à juste titre, comme un pays fracturé, parfois au bord de la guerre civile, entre ultra-conservateurs et «libéraux». C’est le cas dans les sept État clés qui décideront de l’élection présidentielle du 5 novembre en raison du système des «Grands électeurs» (Arizona, Caroline du Nord, Géorgie, Michigan, Nevada, Pennsylvanie et Wisconsin). La réalité du débat est que l’Amérique est obsédée par deux thématiques, qui résonnent avec le climat politique en Europe et en Suisse: les migrants et l’économie. Comment stopper les vagues migratoires et comment renouer avec une prospérité durable qui évite la noyade des classes moyennes? Des deux côtés de l’Atlantique, la donne politique se ressemble énormément.

Leçon 4: Pas de cadeaux aux alliés européens

L’Oncle Sam demandera à être payé rubis sur l’ongle pour tous ses efforts en matière de défense et de sécurité sur le continent européen. Étonnamment lors de ce débat, le grand absent a été la Chine, pourtant adversaire numéro un des États-Unis. Il a en revanche été question de l’Ukraine, et Donald Trump a répété ce qu’on sait: sa grande fierté est d’avoir fait davantage payer les alliés de l’OTAN, contraints d’acheter plus de matériel militaire américain durant son mandat. Moralité: n’attendons aucun cadeau de la première puissance mondiale. Et cela, même si plusieurs gouvernements européens ont, comme la Suisse opté pour l’achat (très onéreux) d’avions de chasse américains F35 de Lockheed Martin. L’Amérique version Trump ou Kamala se paiera cash. Il faudra passer à la caisse. Ou être capables de répondre de façon autonome, entre Européens, aux défis de sécurité posés par la Russie, la Chine ou d’autres menaces comme celles en provenance d’Iran.

Leçon 5: Kamala Harris apportera du sang neuf en politique

Il faut bien se préparer à cette affirmation, plusieurs fois répété par Kamala Harris. La candidate démocrate a insisté: «Ce que j’offre, c’est une nouvelle génération de dirigeants pour notre pays, une génération qui croit en ce qui est possible et qui apporte un sentiment d’optimisme sur ce que nous pouvons faire au lieu de toujours dénigrer le peuple américain». Comment? Sans doute en s’appuyant sur une nouvelle garde d’hommes et de femmes politiques, en allant recruter dans les think-tanks (les centres de réflexion) ou dans les États. A vos fiches! Les diplomates européens en poste aux États-Unis ont du pain sur la planche: Il faut maintenant identifier les atouts humains de la «génération Kamala».

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