Plus de 1000 hommes sauvés
Ces Russes aident les déserteurs de Poutine à fuir

Anastasia Sukhanova et Viktoria Romanova-Gok collectent des fonds et des miles aériens pour faire venir les Russes qui ne veulent pas partir au front. A Zurich, elles expliquent à Blick qu'elles ont déjà aidé un millier de personnes à fuir.
Publié: 11.10.2022 à 21:40 heures
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Dernière mise à jour: 11.10.2022 à 22:28 heures
Fabian Babic

Des nombreux Russes sont désormais contraints de faire leur service militaire. Ils veulent s'enfuir, mais les moyens leur manquent. Pour leur éviter de devenir de la «chair à canon», Anastasia Sukhanova et Viktoria Romanova-Gok ont lancé un projet pour aider les déserteurs.

Pour rappel: la contre-offensive réussie des Ukrainiens a mis le chef du Kremlin Vladimir Poutine dans l'embarras. Il y a trois semaines, il a donc annoncé la plus grande mobilisation de la Russie depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon le chef du Kremlin, près de 300'000 réservistes seront appelés.

Des pots-de-vin pour les gardes-frontières

Le projet des deux Russes porte le nom de «Na krivoi koze Airlines», en français «Sur une chèvre boiteuse Airlines». Il s'agit selon elles d'une allusion à un proverbe: «Sur une chèvre boiteuse, on ne voyage certes pas très confortablement, mais on arrive à destination», explique Anastasia Sukhanova à Blick.

Les deux Russes veulent aider les hommes appelés sur le front à fuir la Russie.
Photo: Fabian Babic
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Dans la plupart des cas, la destination est le Kazakhstan, la Géorgie ou l'Arménie. Pour organiser les voyages, les deux femmes collectent des dons sur Internet, mais aussi des miles aériens. «Cela nous permet d'acheter des billets moins chers», explique Anastasia Sukhanova. Jusqu'à présent, environ un million de roubles (environ 15'000 francs) ont été récoltés.

Mais les vols à l'étranger sont difficiles à obtenir. C'est pourquoi, les «passagers» sont acheminés vers des aéroports proches de la frontière. De là, ils traversent la frontière par voie terrestre.

Le risque est élevé. Anastasia Sukhanova l'affirme: «A la frontière, c'est comme à la roulette russe. Celui qui veut s'enfuir a aussi besoin de chance.» Un avantage est que la liste des personnes appelées sur le front n'est pas toujours à jour. Ceux qui ont reçu l'avis du gouvernement peuvent donc éventuellement s'échapper. «Mais parfois, nous pouvons aussi soudoyer les douaniers à la frontière avec le Kazakhstan», ajoute-t-elle.

Plus de 1000 voyages organisés

«Ce qui me motive, c'est de tout faire pour lutter contre la guerre», explique Viktoria Romanova-Gok. Cette styliste originaire de Sibérie a quitté la Russie lorsque la guerre a éclaté. Des mandats d'arrêt sont en cours contre elle parce qu'elle a participé à des manifestations critiques à l'égard du régime.

La Moscovite Anastasia Sukhanova, qui vit en Espagne depuis 15 ans déjà et travaille dans le marketing, l'explique par un calcul simple: «Moins il y a d'hommes qui partent à la guerre, moins le gouvernement a de moyens pour continuer la guerre.»

Le projet existe depuis à peine deux semaines. Selon les deux Russes, elles ont déjà organisé plus de 1000 voyages. «Nous ne dormons presque plus», dit Anastasia Sukhanova.

«Un appel au réveil»

Les fugitifs sont principalement des hommes âgés de 18 à 45 ans. «Mais pratiquement tout le monde peut être appelé, précise Anastasia Sukhanova. Même les femmes, en particulier les femmes médecins et les personnes ayant une expérience militaire.» Selon elle, il y a quelques jeunes hommes issus de régions plus pauvres qui ne savent pas ce qui se passe dans le pays et qui craignent désormais pour leur vie.

Pour les deux femmes, il est clair qu'elles se mettent aussi en danger avec leur projet: «Nous sommes à peu près sûres qu'il y aura des conséquences pour nous, mais nous devons prendre ce risque.»

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