Plusieurs experts font le point sur la situaiton
L'attaque de l'armée russe a plongé l'Ukraine dans une nouvelle phase de doutes

La Russie a lancé une attaque de grande envergure contre l'Ukraine, un missile a notamment touché le barrage du réservoir de Kiev. Des experts expliquent ce que Poutine a en tête et à quel point la situation pourrait désormais être dangereuse pour l'Ukraine.
Publié: 27.08.2024 à 06:02 heures
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Dernière mise à jour: 27.08.2024 à 11:09 heures
Guido Felder

L'Ukraine est prise dans la tourmente. Depuis le début de la guerre, les attaques aériennes les plus lourdes sur les villes ukrainiennes arrivent par la mer Noire, au sud, et par l'est.

Lundi matin, des missiles se sont abattus sur le réservoir de Kiev, un lac de barrage situé à 20 kilomètres au nord de la capitale. Au moins un projectile a touché le barrage, qui retient un volume d'eau comparable à celui du lac de Zurich. Une rupture entraînerait l'inondation de vastes surfaces ainsi que de nombreuses victimes. Que va faire Poutine maintenant?

Une attaque prévisible?

Denis Trubetskoy, correspondant politique à Kiev, déclare à Blick: «L'attaque contre la centrale hydroélectrique s'inscrit globalement dans la logique de toutes les attaques qui durent depuis mars 2024. Les Russes n'osent pas s'attaquer directement aux centrales nucléaires. Mais ils ne s'arrêtent pas aux centrales hydroélectriques et thermiques.»

Attaque contre le barrage du réservoir de Kiev: cette image montre l'impact d'un missile russe.
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Durant les attaques, les Ukrainiens de Kiev se sont réfugiés dans les stations de métro.
Photo: imago/Ukrinform
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Pour les Russes, il s'agit plus de détruire l'infrastructure énergétique plutôt que d'inonder Kiev. Denis Trubetskoy ajoute: «Détruire le barrage avec des missiles est une tâche extrêmement compliquée, voire impossible.»

Lors de la destruction du barrage de Kachovka le 6 juin 2023, d'autres circonstances auraient conduit à la catastrophe qui a inondé une grande partie du sud de l'Ukraine et fait au moins 62 morts. Le barrage de Kachovka était alors sous contrôle russe, ce qui a laissé suffisamment de temps aux envahisseurs pour préparer des actes de sabotage.

Guerre contre l'infrastructure énergétique

Ralph D. Thiele, président de la société politico-militaire allemande et président d'Eurodefense Deutschland, qualifie les frappes aériennes massives de lundi de «guerre dans la guerre en vue de l'infrastructure énergétique mutuelle».

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«L'Ukraine ne pourra probablement allumer le courant que quelques heures par jour en hiver»
Ralph Thiele, expert militaire et président de Eurodefense Deutschland
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L'expert qualifie l'impact russe de «considérable». Selon ses prédictions: «L'Ukraine ne pourra probablement allumer le courant que quelques heures par jour en hiver.» D'un autre côté, la Russie doit s'accommoder d'une réduction de 15% de sa production de gaz, ce qui a déjà des répercussions sur les prix du marché mondial. Selon Ralph Thiele, il fallait s'attendre à une «riposte dévastatrice» après l'avancée des Ukrainiens sur le territoire russe.

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L'armée biélorusse se met en position

Parallèlement aux tirs massifs, l'armée biélorusse se déploie de manière menaçante à la frontière au nord et met en place des chars, des avions de combat, de l'artillerie, des lance-roquettes multiples et des systèmes de défense aérienne près de la ville de Homel. «Ce n'est qu'un exercice», rassure le dirigeant Alexandre Loukachenko, souvent de qualifié de «marionette de Poutine».

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«Ils sont trop nombreux pour être ignorés.»
Ralph Thiele, expert militaire et président de Eurodefense Deutschland
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Ralph Thiele met en garde contre le nouveau «vecteur d'attaque possible» que l'Ukraine doit garder à l'œil avec vigilance. La Biélorussie pourrait en ce moment déployer environ 60'000 soldats. L'expert précise: «Bien que leur force de frappe ne soit pas significative, ils sont trop nombreux pour être ignorés.»

Le président d'Eurodefense Deutschland estime toutefois que les chances d'une intervention effective de l'armée biélorusse dans la guerre sont faibles. «Elle se tient jusqu'à présent avec succès à l'écart de la guerre régulière, mais doit participer à la guerre de l'information.»

Les soldats biélorusses changent-ils de camp?

Ces déclarations sont soulignées par Andrei Sannikov, qui a quitté son poste de vice-ministre des Affaires étrangères en 1994 sous Loukachenko en signe de protestation et qui est aujourd'hui président du mouvement «Biélorussie européenne».

Andrei Sannikov déclare à Blick: «Poutine hésite parce qu'il ne sait pas ce qu'il doit attendre de l'armée biélorusse et de quel côté elle se rangera.» Selon lui, l'opposition déclare depuis longtemps qu'elle se joindrait aux Ukrainiens en cas d'ordre de marche.

Des mercenaires du groupe Wagner se mettent également en place à la frontière entre la Biélorussie et l'Ukraine. Mais l'armée privée russe est fragmentée depuis la mort de son chef Evgueni Prigojine il y a un an. Selon Andrei Sannikov, il devrait y en avoir «quelques centaines» en Biélorussie, qui pourraient être utilisées pour tout type de provocation à la frontière.

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«Si Poutine ordonne, Loukachenko obéira»
Andrei Sannikov, ancien vice-ministre des Affaires étrangères de la Biélorussie
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La Biélorussie a surtout aidé les Russes au début de l'invasion. Alexandre Loukachenko a permis à l'armée de Poutine de lancer des attaques contre l'Ukraine à partir de la Biélorussie. Jusqu'à présent, la Biélorussie n'a pas été activement impliquée dans la guerre.

Le président biélorusse est considéré comme une marionnette de Poutine. Son ancien ministre raconte: «Depuis le début de la guerre, il est devenu encore plus dépendant de Moscou, Poutine étant la seule source de son soutien financier.» Dans la perspective d'une éventuelle entrée en guerre de l'armée biélorusse, une chose est donc sûre pour Andrei Sannikov: «Si Poutine ordonne, Loukachenko obéira.»

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