Provoquer un conflit juridique
Un médecin viole exprès la loi texane contre l'avortement

Le gynécologue Alan Braid a déclaré avoir violé la nouvelle loi controversée contre l'avortement du Texas, dans l'espoir d'être poursuivi et que la justice statue sur la constitutionnalité du texte.
Publié: 22.09.2021 à 12:09 heures
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Dernière mise à jour: 22.09.2021 à 13:46 heures
16 - Jocelyn Daloz - Journaliste Blick.jpeg
Jocelyn Daloz

«Pourquoi j'ai violé l'interdiction extrême d'avorter au Texas.». Le titre de sa prise de position dans le «Washington Post» donne la couleur: Alan Braid a décidé en connaissance de cause de s'exposer à des poursuites en avortant une femme au-delà de la limite de six semaines imposée par la nouvelle loi texane sur l'avortement.

Mieux: le gynécologue de San Antonio a ouvertement admis l'avoir fait, espérant même que quelqu'un le dénonce. En effet, ce pourrait être l'un des ultimes recours de ceux qui estiment que la nouvelle loi ultra restrictive du Texas va à l'encontre du droit des femmes à disposer de leur corps.

Une loi qui compte sur des dénonciations citoyennes

La loi est entrée en vigueur en début du mois de septembre, au grand dam des activistes «pro-choice» et de la classe politique démocrate américaine. L'état conservateur dominé par le gouverneur républicain Greg Abbott impose dorénavant que les femmes ne pourront plus interrompre leur grossesse à partir de l'instant où un battement de coeur est détectable, soit après à peu près six semaines. Bien avant que la plupart des femmes ne sachent qu'elles sont enceintes. La loi ne prévoit pas d'exception en cas d'inceste ou de viol.

De femmes manifestent contre la nouvelle loi restrictive sur l'avortement devant le Capitole à Austin.
Photo: keystone-sda.ch

L'autre aspect qui choque est la façon dont l'Etat entend faire appliquer la règle: ce sont des citoyens qui peuvent, contre rémunération, dénoncer n'importe qui pratique une interruption volontaire de grossesse et n'importe qui aide à la démarche.

Un retour en arrière de plusieurs décennies

Les recours légaux des opposants à cette loi ont échoué jusqu'à présent. La Cour Suprême des États-Unis, à majorité conservatrice depuis que Donald Trump a pu placer trois candidats fondamentalement opposés à l'avortement, refuse de considérer cette loi comme violant la jurisprudence américaine, qui reconnaît le droit à l'avortement depuis l'arrêt «Roe v. Wade» de 1973.

Les opposants accusent même les Républicains d'avoir introduit la dénonciation par des citoyens afin qu'on ne puisse s'opposer juridiquement à des institutions étatiques texanes, puisque celles-ci ne sont pas chargées explicitement d'appliquer la loi. Cela a d'ailleurs influé sur la décision de la Cour Suprême, qui parle de «nouvelles questions de procédure».

Il ne restait donc plus qu'une option: celle de se faire dénoncer par quelqu'un, puis de s'opposer juridiquement aux poursuites juridiques qu'il encourt, dans l'espoir que la justice statue une nouvelle fois sur la constitutionnalité de la loi.

Alan Braid a spécifiquement déclaré qu'il enfreignait la loi pour s'assurer que «que le pari du Texas, qui cherche à éviter l’examen de sa loi clairement anticonstitutionnelle, ne marche pas». Il cite également ses obligations de prodiguer soin et assistance aux personnes dans le besoin.

La bataille juridique est loin d'être finie

Les partisans de la loi espèrent éviter une nouvelle bataille juridique et ont répliqué par un chemin détourné, en déposant un recours administratif espérant révoquer la licence du médecin. La plainte déposée contre le médecin est en effet hautement fantaisiste et écrite par un avocat radié du barreau actuellement en prison.

L'administration fédérale de Joe Biden a également déclaré avoir porté plainte contre l'État du Texas, l'accusant de violer la constitution des États-Unis.

La Cour Suprême se penchera en outre sur une autre loi, au Mississippi cette fois, qui veut interdire l'avortement dès la 15ème semaine. La Cour devrait rendre un avis l'année prochaine.

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