Risque d'invasion en Ukraine
Faut-il craindre une troisième guerre mondiale?

En reconnaissant lundi les républiques séparatistes de l'est de l'Ukraine, Vladimir Poutine s'est donné les moyens d'envahir le pays. Avec cette escalade, le reste du monde doit-il s'inquiéter d'un conflit plus étendu? Blick répond aux questions les plus importantes.
Publié: 23.02.2022 à 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2022 à 09:03 heures
Guido Felder

En reconnaissant l’indépendance des régions séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine, Vladimir Poutine a choqué le monde, lundi soir. En demandant au Sénat russe l’autorisation (accordée mardi) de déployer des soldats russes à l’étranger, le choc a laissé la place à l’inquiétude, voire la frayeur: une invasion de l’Ukraine semble toujours plus probable.

Que signifie la reconnaissance de ces territoires, à quel point le conflit est-il dangereux pour le reste monde et comment les choses vont-elles évoluer? Blick répond aux principales questions concernant cette crise, sans doute la plus grave en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Quels sont les pays qui soutiennent la Russie?

Les Russes ont effectué des manœuvres militaires à la frontière ukrainienne, avec l'armée biélorusse.
Photo: imago images/SNA
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À part la Biélorussie, le monde entier (y compris la Turquie) condamne fermement les actions de Vladimir Poutine.

Comment réagit la Chine?

Pékin a appelé toutes les parties concernées à la retenue. «Nous pensons que tous les pays devraient résoudre les différends internationaux par des moyens pacifiques, conformément aux objectifs et aux principes de la Charte des Nations Unies», a déclaré l’ambassadeur chinois auprès de l’ONU, Zhang Jun.

Le ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yi, a de son côté déclaré ce week-end que «la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de chaque pays devraient être respectées et protégées.» Selon lui, l’Ukraine ne fait pas exception.

Que penser des déclarations de Vladimir Poutine?

À part la décision de reconnaissance, le président russe n’a rien annoncé de nouveau dans son discours long et confus. Était-il enregistré à l’avance? Sur Twitter, des internautes relèvent que l’heure de la montre du ministre de la Défense Sergei Schoigu, présent lors de l’allocution, ne correspond pas à l’heure à laquelle celle-ci a été diffusée. Elle indiquait 12h47 – cinq heures avant le moment de la diffusion. Ce détail peut laisser penser que Vladimir Poutine avait décidé de reconnaître l’indépendance des régions prorusses avant même que les séparatistes n’en fassent la demande.

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Qu’apporte cette reconnaissance des indépendantistes à Vladimir Poutine?

Politiquement, pas grand-chose. L’influence de Vladimir Poutine était déjà importante. En revanche, cette reconnaissance est le prétexte qu’il manquait au président russe pour pouvoir envahir l’Ukraine.

L’armée ukrainienne a-t-elle une chance?

D’un point de vue militaire, la Russie pourrait vaincre l’Ukraine en deux jours, estiment les services secrets occidentaux. «Le problème serait toutefois d’occuper le pays dans la durée», explique Benno Zogg, expert en sécurité à l’EPFZ.

Pourrait-il y avoir une crise migratoire?

C’est un risque à ne pas exclure. Les représentants du gouvernement américain prévoient jusqu’à 5 millions de réfugiés, d’autres calculs en annoncent 8 millions. La plupart d’entre eux se dirigeraient vers la Pologne voisine, où des abris d’urgence ont été préparés et où de nombreux Ukrainiens s’étaient déjà réfugiés après l’annexion de la Crimée. L’Ukraine compte 44 millions d’habitants.

Quelles seront les sanctions?

L’Occident a annoncé mardi des «sanctions sévères» à l’encontre de la Russie. L’Union européenne a approuvé un «paquet de sanctions» à «l’unanimité» tandis que l’Allemagne décidait de suspendre l’autorisation du gazoduc controversé Nord Stream 2. Ce dernier doit acheminer du gaz russe vers l’Europe.

D’autres mesures punitives telles que l’arrêt des livraisons de matériel technologique, l’exclusion du système de paiement international Swift, des interdictions d’entrée et des gels de comptes de Russes influents devraient être appliquées.

Où en est la construction du gazoduc Nord Stream 2?

L’oléoduc de 1234 kilomètres de long aurait dû être mis en service en 2021. Sa construction a été temporairement interrompue après les menaces de sanctions américaines. Reliant le port russe de Vyborg sur la mer baltique et la ville de Lubmin au nord de l’Allemagne, le gazoduc n’a pas encore été finalisé: il ne manque qu’un petit tronçon en Allemagne.

Quelles sont les racines du conflit?

L’Ukraine a fait partie de l’Union soviétique jusqu’en 1991, avant de devenir indépendante et d’être reconnue comme un État à part entière par le droit international.

Au fil des années, le pays s’est rapproché de l’Occident. Il aspire à devenir membre de l’Union européenne et de l’OTAN. Une alliance occidentale directement à sa frontière est inacceptable pour Vladimir Poutine. Il a déjà annexé la péninsule de Crimée en 2014.

Comment réagit la Suisse?

Le Département fédéral des Affaires étrangères a pris position sur Twitter en condamnant fermement les actions de la Russie. Son message dénonce une «violation flagrante du droit international, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine ainsi que des accords de Minsk». La Suisse demande à la Russie de respecter ses obligations internationales et d’annuler cette décision.

Quel est l’impact du conflit sur la Suisse?

Les conséquences les plus flagrantes du conflit pour la Suisse devraient d’abord concerner le prix du gaz. D’après le chef de la communication de l’Association suisse de l’industrie gazière, il faut «s’attendre à une hausse des prix». Il ne devrait a priori pas y avoir de pénurie car l’approvisionnement de gaz liquide de la part d’autres fournisseurs devrait être garanti.

Tous les Russes soutiennent-ils Vladimir Poutine?

Non. Des personnalités du monde de la culture ont pris publiquement position pour protester contre les décisions de leur président. Elles qualifient les plans de guerre de «fous» et de «criminels» et taxent ceux qui provoquent la guerre d’être des «criminels assoiffés de sang».

La réunion de diplomatie internationale prévue à Genève sera-t-elle maintenue?

Moscou semblait vouloir maintenir la rencontre prévue entre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et son homologue américain, Antony Blinken, ce jeudi à Genève. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a annoncé que: «Même dans les pires moments, nous avons toujours dit que nous étions prêts à participer au processus de négociation.»

Malgré cette bonne disposition russe, Antony Blinken a annoncé mardi lors d'une conférence de presse ne plus vouloir assister à cette rencontre. La reconnaissance des régions séparatistes par Vladimir Poutine et l'apparent début d'une invasion (comme l'a qualifié le président des États-Unis, Joe Biden) ont fait dire au chef de la diplomatie américaine que «la Russie a clairement rejeté toute démocratie».

Vladimir Poutine a-t-il raison sur certains points?

Les dernières décisions de Vladimir Poutine vont à l’encontre du droit international. L’expert en sécurité Benno Zogg estime toutefois que certaines accusations de la Russie à l’encontre de l’OTAN et de l’Europe sont motivées par un manque de considération de la part de l’Occident: «Dans les années 1990, l’Europe n’a pas réussi à intégrer suffisamment la Russie. On s’est senti vainqueur et on a accordé trop peu d’attention à ce pays.»

Que va-t-il se passer?

«La Russie va envahir les territoires occupés et s’allier avec les troupes prorusses présentes», prédit Benno Zogg. Ensemble, ils pourraient d’abord s’emparer du reste du territoire des oblasts (entités administratives russes) de Lougansk et de Donetsk, et peut-être d’autres parties à l’est.

Les Ukrainiens pourraient alors choisir la confrontation ou le retrait «sans qu’un coup de feu ne soit tiré». L’expert de l’EPFZ imagine un scénario «extrême» dans lequel il resterait «à l’ouest une Ukraine tronquée avec un gouvernement prorusse mis en place par Poutine».

Nous dirigeons-vous vers une troisième guerre mondiale?

Ces derniers jours, la Russie a également effectué des manœuvres avec des armes nucléaires. «C’est extrêmement inquiétant», assène Benno Zogg. Ce dernier ne croit toutefois pas à une guerre nucléaire tant que le conflit reste régional. La situation deviendrait dangereuse s’il y avait un malentendu avec les troupes de l’OTAN et qu’une guerre éclatait entre ces deux fronts.

Qu’en est-il des accords de Minsk?

Les déclarations et les décrets ordonnés par Vladimir Poutine ont signé la mort de ces accords. Ces derniers prévoyaient un statut spécial pour Donetsk et Lougansk au sein de l’Ukraine. Ils ont été résiliés de manière unilatérale par la Russie.

Combien de temps le conflit va-t-il durer?

Au début, on espérait que le conflit se résoudrait en quelques mois. «Mais cela va durer des années», présage Benno Zogg. Il fait référence à la Géorgie, où les troupes russes sont stationnées depuis treize ans, et à la Moldavie, où les Russes seraient déjà engagés depuis 30 ans. L’expert en sécurité de l’EPFZ est catégorique: «Tant que Poutine sera au pouvoir, il faut pratiquement exclure toute possibilité de paix durable.»

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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