Même après son Super Tuesday
Ces Européens qui ne croient (déjà) plus à Joe Biden

Ils ne le disent pas ouvertement. Mais dans les coulisses des tractations européennes sur l'aide à l'Ukraine, la question est ouvertement posée à l'issue du «Super Tuesday»: et si Joe Biden était déjà «out»?
Publié: 05.03.2024 à 20:07 heures
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Dernière mise à jour: 06.03.2024 à 11:03 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils n’y croient plus. Ou du moins, ils ne croient pas possible une résurrection politique de Joe Biden. Pour ces dirigeants européens, même une victoire du président américain le 5 novembre prochain ne ramènera pas le calme dans les relations transatlantiques. Ces diplomates, ministres et chefs de gouvernement n'ont pas changé d'avis après la victoire du chef de l'État sortant à l'issue des primaires démocrates du «Super Tuesday», cette journée de primaires organisées mardi 5 mars de façon simultanée dans quinze états, du Maine à la Californie.

Joe Biden s'est imposé dans 14 d'entre eux, battu seulement dans les Samoa américaines par un entrepreneur inconnu du grand public américain, Jason Palmer. Donald Trump, lui, ne rate qu'une marche: celle de l'État du Vermont (celui du sénateur démocrate Bernie Sanders), où il est devancé par Nicky Haley.

Trump? La plupart frémissent à l’énoncé de son nom, même si des dirigeants tels que le premier ministre hongrois Viktor Orban ou le vice-premier ministre italien Matteo Salvini défendent l’ex-locataire de la Maison-Blanche à cor et à cri. Biden? Personne ou presque ne se lève pour le défendre. «On fait avec, mais au fil des gaffes, on finit par en rigoler entre nous», reconnaît un ambassadeur français, de retour d’un pays d’Amérique latine.

82 ans le 20 novembre

La question de l’âge de Joe Biden, qui aura 82 ans le 20 novembre, n’est pas la principale. C’est tout le reste qui pose problème: l’actuelle paralysie du Congrès, avec une Chambre des représentants dominée par les Trumpistes résolus à bloquer jusqu’au bout l’aide à l’Ukraine, mais aussi le risque de voir, durant la campagne américaine, le doute s’amplifier sur la crédibilité du parapluie militaire américain.

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Photo: Anadolu via Getty Images
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«Tout le monde se souvient, en France, de ce que furent les deux dernières années du second septennat de François Mitterrand, entre 1993 et 1995, lorsque la maladie le rongeait admet un ancien proche du président défunt. Le pouvoir n’a pas vacillé. Edouard Balladur était Premier ministre de cohabitation. Mais le système était déréglé.» Or, qui sera vraiment au pouvoir à la Maison-Blanche, même en cas de succès de Biden? Kamala Harris, la vice-présidente? Le doute est installé. Et il est tenace.

Joe Biden a donc l’obligation de rassurer ses alliés, mais il ne le fait pas. A la conférence annuelle sur la sécurité de Munich, en février, Kamala Harris est intervenue au nom des États-Unis, mais c’est POTUS (L’acronyme pour President of the United States) que l’on attendait. En juin prochain, c’est Joe Biden qu’Emmanuel Macron compte accueillir sur les plages de Normandie, pour le 80e anniversaire du débarquement. Or la date fait mal. Joe Biden avait deux ans lorsque des centaines de milliers de GI’s ont déferlé sur le sable français, pour s’y faire faucher et tuer.

Un autre siècle. Un autre monde. Ce mardi, l’entourage présidentiel, à Paris, a donné quelques détails sur les cérémonies qui seront centrées, le 6 juin, autour des vétérans des combats. Ils sont environ deux cents à y être attendus. Certains sont centenaires. Réflexion d’un diplomate: «Ils ne sont pas beaucoup plus vieux que l’actuel commandant en chef. A côté, Macron aura l’air d’un jeunot.»

Sommet de l’OTAN en juillet

Rassurer, mais comment? L’échéance la plus souvent citée est le sommet de l’OTAN, l’Alliance Atlantique de 32 pays membres (dont la Suisse neutre ne fait pas partie) qui se réunira à Washington du 9 au 11 juillet. C’est à ce moment-là que le secrétaire général de la plus puissante coalition militaire du monde, le Norvégien Jens Stoltenberg, passera le flambeau à son successeur qui sera très probablement l’ancien premier ministre néerlandais Mark Rutte.

Ce dernier, libéral sur le plan politique, va devoir démontrer qu'il a du cran et qu’il saura tenir tête à Trump si ce dernier est élu. Pas simple pour un dirigeant qui, lorsque le milliardaire était au pouvoir, avait hérité du surnom de «Trump Whisperer», l’homme qui souffle à l’oreille de Trump, car il ne s’opposait que rarement au locataire de la Maison-Blanche. Là aussi, Biden est attendu. Comment l’actuel président mènera ce sommet crucial pour l’Alliance, face à la menace russe?

Salvini et Orban

Biden réélu président? A part l’Italien Salvini et le Hongrois Orban, la plupart des Européens le souhaitent. Mais tous évoquent ouvertement la nécessité d’un plan pour sa succession. Or Kamala Harris, en plus de ne pas convaincre, n'est pas réputée pour regarder de ce côté-ci de l’Atlantique. L’ancienne magistrate et sénatrice de Californie descend d’une famille d’immigrés, mère indienne et père jamaïcain. Elle regarde vers l’Asie. Son appel, dimanche, à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, le premier de la part d’un haut responsable américain, a plus surpris que convaincu.

L’idée circule ainsi, à Bruxelles et dans les capitales européennes, que la meilleure solution serait un tandem démocrate plus crédible. Mais qui? Gavin Newsom, l’actuel gouverneur de Californie souvent cité, est un inconnu en Europe. Et lui aussi regarde vers l’Extrême-Orient.

Le vétéran Joe Biden, d’origine irlandaise, est le vestige d’une Amérique qui regarde vers l’Europe et estime que son destin est lié à celui du Vieux Continent. Alors vient la question qui fâche: et si Trump, dont la famille est d’origine suédoise et allemande, se réconciliait enfin avec ses origines?

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