Traque de vingt ans
La mort d'Al Zawahiri, ultime revanche de la CIA après le 11-Septembre

Abattu dans la nuit du dimanche 31 juillet à Kaboul par un drone américain, Aymal Al Zawahiri avait sa tête mise à prix depuis les attentats du 11 septembre 2001. Récompense: 25 millions de dollars.
Publié: 02.08.2022 à 10:03 heures
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Dernière mise à jour: 02.08.2022 à 12:32 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Plus de vingt ans! Des milliers de photographies satellites, d’interceptions téléphoniques et de messages manuscrits trouvés sur des messagers dûment épluchés, triés, analysés et intégrés dans la banque de données «Al Zawahiri» de la CIA à son siège de Langley (Virginie), à proximité de Washington. La traque qui a abouti, a priori dimanche 31 juillet, à la frappe de missiles Hellfire par des drones qui a coûté la vie au dirigeant égyptien d’Al Qaïda est le résultat de deux décennies de filature permanente conduite par les services de renseignement américains et par leurs alliés – notamment l’Al Mukhabarat al Amma En Arabie Saoudite, le Gihaz al-Mukhabarat al-Amma en Egypte, et l’Inter Services Intelligence (ISIS) au Pakistan.

Concepteur de l’attentat du 11-Septembre

Le fait qu’Ayman Al Zawahiri, 71 ans, n’était sans doute plus que l’ombre du leader de la nébuleuse terroriste islamiste qu’il fut jadis importe peu. Ce médecin ophtalmologue égyptien, qui secondait Oussama Ben Laden en Afghanistan lorsqu’Al Qaïda mit sur pied l’attentat du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Centre à New York, avait fait de lui, à vie, l’un des criminels les plus recherchés par les Etats-Unis.

La bannière «America Most Wanted» au-dessus de son portrait, régulièrement réactualisé, et la prime de 25 millions de dollars promise à celui ou celle qui permettrait de le localiser pour le tuer figurait, depuis vingt ans, dans toutes les ambassades des Etats Unis.

Le président américain, Joe Biden, a annoncé la mort d'Ayman Al Zawahiri, successeur d'Oussama Ben Laden à la tête d'Al Qaïda, dans une intervention télévisée.
Photo: keystone-sda.ch

L’ennemi numéro 1 de la «Counter Terrorim Unit» de la CIA

Preuve de son importance symbolique pour Washington, son visage est même apparu à plusieurs reprises dans les séries télévisées «24 heures Chrono» et «Homeland», toutes deux supposées raconter le quotidien de la Counter Terrorist Unit, la cellule anti-terroriste (CTU) de la CIA. L’ancienne directrice de l’Agence sous l’administration Trump, Gina Haspel, qui avait supervisé des prisons secrètes où les terroristes capturés étaient torturés dans les années 2000, avait juré l’élimination du «docteur de la mort», comme elle l’avait surnommé.


Pour le traquer depuis le 11 septembre 2001, tous les moyens ont été utilisés: observation par satellite, espionnage téléphonique et numérique tous azimuts, rémunération de centaines d’informateurs. En sachant qu’une différence notable s’est très vite imposée. Oussama Ben Laden, sans doute pris en charge par une faction de services secrets pakistanais, s’est assez vite retrouvé quasi-prisonnier dans ce pays voisin de l’Afghanistan où le 7 octobre 2001, pile un mois après les attentats de New York, les forces spéciales américaines l’avaient raté de peu, à quelques heures près, dans les fameuses grottes de Tora Bora. C’est d’ailleurs à Abottabad, ville cossue où se trouve l’Académie militaire pakistanaise, que le fondateur d’Al Qaïda a été localisé et tué, à 54 ans, le 2 mai 2011, par les Navy Seals, les commandos de marine américains.

Resté dans les zones tribales pakistanaises

Ayman Al Zawahiri, lui, semble être resté dans les zones tribales pakistanaises, à la frontière de l’Afghanistan, continuant à la fois de diriger Al Qaïda et de servir de conseiller aux combattants talibans du clan Haqqani, l’un des plus puissant de la région. Sa localisation à Kaboul, la capitale afghane tombée aux mains des ex-rebelles islamistes le 15 août 2021, il y a pile un an, n’est donc pas une surprise.

Il s’agit d’ailleurs d’une revanche de taille pour le président Joe Biden, accusé d’avoir abandonné l’Afghanistan dans une débâcle totale. A-t-il été «donné» par certains de ses protecteurs afghans, soucieux de normaliser leurs relations internationales? «Nos services de renseignements ont localisé Zawahiri au début de cette année. Il s’était installé dans le centre de Kaboul pour retrouver les membres de sa famille proche. Après avoir soigneusement examiné les preuves claires et convaincantes de sa localisation, j’ai autorisé une frappe de précision qui l’éliminerait du champ de bataille une fois pour toutes», a expliqué Joe Biden dans son intervention télévisée.

Abandonné par les Talibans?

«La réalité est que même s’ils n’ont plus de forces opérationnelles à Kaboul et en Afghanistan, la CIA et le Pentagone y ont gardé des relais et des 'sources'», estime un diplomate européen. Selon lui, Al Zawahiri a sans doute commis l’erreur de se croire enfin protégé. L’immeuble frappé par les drones, dimanche, se trouve dans la zone de Sherpur, faubourg proche des bâtiments gouvernementaux. Similitude avec l’opération qui élimina Ben Laden, identifié lorsqu’il montait prendre l’air sur le toit de son immeuble: c’est en apparaissant à plusieurs reprises à son balcon que le leader d’Al Qaïda a été reconnu, sans doute par imagerie satellite.

Fait important: les Talibans n’ont pas, depuis le tir de missiles mortel, lancé de diatribes féroces contre les Etats-Unis, même s’ils ont dénoncé officiellement cette attaque comme une violation du droit international. Le jour même de la frappe, une équipe de la Radio NPR rencontrait d’ailleurs le ministre de la Défense, Mohammed Yaqoob, fils du Mollah Omar (le leader borgne des Talibans). Lequel plaidait pour… de meilleures relations futures relations avec Washington.

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