Tsahal affirme l'avoir tué
Pourquoi Hassan Nasrallah était l'ennemi numéro un d'Israël

Si l'armée israélienne dit vrai, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a été tué par ses frappes de vendredi sur Beyrouth. Son itinéraire, ses responsabilités, son histoire faisaient de lui l'ennemi numéro un de l'État hébreu.
Publié: 28.09.2024 à 11:44 heures
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Dernière mise à jour: 28.09.2024 à 17:20 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick
Le mouvement Hezbollah reconnaît que son leader est mort.
Photo: IMAGO/ZUMA Wire

Si l’armée israélienne dit vrai, Hassan Nasrallah, 64 ans, a donc été éliminé par les frappes massives opérées vendredi par son aviation sur six immeubles résidentiels du sud de Beyrouth. Le secrétaire général du Hezbollah, le mouvement chiite libanais, était à 64 ans l’une des figures majeures de la lutte contre l’État hébreu, à la tête d’une milice capable de mobiliser plusieurs dizaines de milliers de combattants, appuyés par plus de cent mille missiles fournis par l’Iran, son parrain politique et militaire. Retour sur le duel à mort qui se poursuivait depuis des décennies entre Israël et Nasrallah. Important: ce dernier avait déjà été porté disparu lors de la guerre de 2006, avant de réapparaître.

Le Hezbollah, menace n°1 pour Israël

Le mouvement chiite libanais doit paradoxalement son ascension et sa prise de contrôle d’une partie du Liban à une guerre précédente: celle menée entre juin et septembre 1982 par Israël dans le sud Liban. Il s’agissait alors, pour l’État hébreu, d’en finir avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) installée dans le pays du Cèdre, déchiré par une guerre civile féroce depuis 1974. Au final? Le mouvement chiite libanais a émergé des ruines de cette guerre grâce à sa férocité en matière de prise d’otages, d’actions terroristes massives et au soutien de la République islamique d’Iran, née en 1979.

Les quarante années suivantes ont été celles d’une consolidation permanente du Hezbollah, armé par le régime de Téhéran à hauteur de plusieurs centaines de milliers de dollars par an, et financé par des réseaux mafieux impliqués dans le trafic de drogue en provenance d’Amérique latine et de diamants en provenance d’Afrique, où la communauté libanaise chiite est très implantée. L’élément déclencheur de la riposte israélienne a été la mort de 12 enfants lors d’une attaque à la roquette sur le plateau du Golan occupé par Israël le 27 juillet. 70'000 Israéliens résidant au nord du pays ont depuis été déplacés, et Benjamin Netanyahu a promis de les rapatrier. Pour Israël, le Hezbollah est, malgré la succession d’assassinats ciblés de ses cadres, la menace militaire n°1.

Nasrallah, leader redoutable et charismatique

Contrairement aux dirigeants du Hamas palestinien, de confession musulmane sunnite, le Cheikh Hassan Nasrallah, 64 ans, était une figure de proue de la communauté chiite. Au Liban, il était incontournable à la fois par le poids démographique des chiites, qui représentent environ 30% de la population libanaise, par son infiltration de l’État libanais déstructuré, et par le soutien de l’Iran.

S’y ajoutait une réelle dextérité politique et diplomatique. Hassan Nasrallah profitait en plus de la légitimité acquise à l’issue de la dernière guerre avec Israël, en 2006. Ce conflit de 33 jours s’était soldé par un statu quo. Tsahal n’avait alors pas réussi à démanteler les installations du Hezbollah. Près de 130 soldats israéliens avaient été tués au combat. Redoutable par ses méthodes, y compris par son soutien au terrorisme, charismatique, craint de ses adversaires, Hassan Nasrallah défiait l’État hébreu. Tout en évitant une guerre totale, il avait ordonné des frappes sur Israël depuis l’assaut du 7 octobre 2023, en soutien au Hamas. Un rapport complet sur les activités du Hezbollah a été présenté en 2021 au Parlement suisse.

L’armée du Hezbollah, une force conséquente

La composante politique du Hezbollah est incontournable au Liban, où elle détient d’importants leviers de pouvoirs dans ce pays où l’État est complètement déstructuré. Ses candidats participent aux élections nationales depuis 1992. C’est un dirigeant chiite, leader du mouvement Amal, Nabih Berri, qui est le président historique du Parlement libanais. La branche militaire du Hezbollah est considérée comme une organisation terroriste par les pays occidentaux, Israël, les pays arabes du Golfe et la Ligue arabe, mais pas par la Suisse.

Hassan Nasrallah affirmait que l’organisation comptait 100'000 combattants, bien que des estimations indépendantes situent ce nombre entre 20'000 et 50'000. Son mouvement possède environ 120'000 à 200'000 roquettes et missiles, selon le groupe de réflexion externe Center for Strategic and International Studies. Selon la BBC, l’essentiel de son arsenal est constitué de petites roquettes d’artillerie non guidées de surface à surface. Mais on pense aussi qu’il possède des missiles antiaériens et antinavires, ainsi que des missiles guidés capables de frapper profondément en Israël. Son armement est donc bien plus sophistiqué que celui du Hamas palestinien dans la bande de Gaza.

Le Liban, otage du Hezbollah

C’est l’argument répété depuis des décennies par Israël, qui a toujours justifié ses interventions militaires au Liban par la nécessité d’éliminer le Hezbollah qui prend ce pays en otage. Benjamin Netanyahu l’a d’ailleurs répété juste avant le début de la dernière série de frappes, en demandant aux civils installés dans le sud du pays de quitter leurs maisons, notamment dans les localités chiites qui sont les premières visées. Le problème de cet argument est qu’il oublie deux réalités.

La première est le fait que les chiites sont des Libanais comme les autres, et que la solidarité envers cette communauté est réelle, comme on le voit depuis le début des frappes. La seconde est le fait que la détestation d’Israël au Liban est maximale. L’État hébreu n’est pas vu comme un libérateur, mais comme un oppresseur. Les abus du Hezbollah, ses actions terroristes et ses activités souterraines ligotent évidemment le Liban. L’armée libanaise est littéralement tenue en joue par le Hezbollah, dont la force militaire est supérieure. Le mouvement chiite n’en fait pas moins partie intégrante de la société libanaise.

Nasrallah, chef de guerre très efficace

Il est incontestable que l’armée israélienne a réussi, ces dernières semaines, à décapiter la structure militaire du Hezbollah, qu’elle considère comme «la plus grande armée terroriste du monde». Plusieurs assassinats ciblés ont récemment coûté la vie aux chefs militaires Fouad Chokr, Ibrahim Akil, Mohammad Srour et Mohammed Ali Ismaïl. L’explosion des milliers de bipeurs piégés portés par les cadres du mouvement chiite a aussi porté un coup très sévère à l’organisation militaire du mouvement, dont plusieurs centaines de cadres sont aujourd’hui aveuglés et mutilés.

Auront-ils de successeurs? Bien sûr. Mais la capacité d’organisateur de Hassan Nasrallah, et son lien privilégié avec l’Iran et avec son guide, l’Ayatollah Ali Khamenei, ne pourront pas être remplacés facilement. L’efficacité militaire du mouvement Hezbollah sous le leadership de Hassan Nasrallah était impressionnante. Les frappes de Tsahal ont donc touché le mouvement au cœur.

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