Un expert prévient des dangers
Peut-on se faire arrêter en Corée du Nord en tant que touriste?

Après cinq ans, la Corée du Nord ouvre à nouveau ses portes au tourisme. Blick a demandé à l'expert Rüdiger Frank de l'université de Vienne quels étaient les risques pour les voyageurs et si le tourisme finançait les projets nucléaires de Kim Jong-Un.
Publié: 22.08.2024 à 15:53 heures
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Dernière mise à jour: 22.08.2024 à 16:19 heures
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Gabriel Knupfer

Dans quelques mois, la Corée du Nord rouvrira ses frontières aux touristes étrangers. Les voyagistes suisses sont déjà dans les starting-blocks. Le pays avait été fermé pendant cinq ans par crainte du Covid-19.

Mais les voyages dans ce pays isolé sont controversés. Le régime du dictateur Kim Jong-Un est considéré comme l'un des plus répressifs au monde. La Corée du Nord est mise au ban de la communauté internationale pour son programme nucléaire et son soutien à la guerre de la Russie en Ukraine.

Mais quel est l'impact du tourisme en Corée du Nord et quels sont les dangers pour les voyageurs? Blick a posé la question au professeur Rüdiger Frank de l'université de Vienne. L'expert travaille depuis des années sur la Corée du Nord et a étudié un semestre dans la capitale Pyongyang dans les années 90. Il a aussi écrit plusieurs livres sur le pays.

La Corée du Nord est l'un des États les plus répressifs au monde. Les voyages touristiques dans le pays sont donc controversés.
Photo: keystone-sda.ch
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Un voyageur finance-t-il le programme nucléaire?

Depuis 2006, la Corée du Nord a testé six bombes nucléaires. Le pays dispose de missiles d'une portée toujours plus grande. Rüdiger Frank ne croit toutefois pas à un financement direct de ce programme nucléaire par le tourisme. Avant le Covid, 6'000 touristes occidentaux au maximum se rendaient chaque année en Corée du Nord, en général pour six jours, précise le professeur. Cela représentait des recettes de quelques millions de dollars. «On ne peut pas financer un programme nucléaire avec ça.»

De plus, toutes les ressources nationales nécessaires au programme nucléaire, comme la main-d'œuvre, l'uranium, les bâtiments d'usine, les voies de transport et l'énergie, sont disponibles pour la Corée du Nord sans argent de l'étranger. Toutefois, les revenus générés par le tourisme occidental restent importants pour l'État. «En tant que touriste, on doit très certainement partir du principe que l'on finance le régime.»

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Voit-on la vraie Corée du Nord ou seulement un décor?

En Corée du Nord, les voyages ne sont possibles qu'avec un accompagnement de l'État. «La liberté de mouvement est très fortement limitée», explique Rüdiger Frank. On voit une Corée du Nord, mais seulement une partie très limitée.

«On voit clairement les meilleurs côtés du pays», assure le professeur. Mais cela n'est pas non plus surprenant, car les visites de prisons ou de bidonvilles ne font pas partie des programmes touristiques habituels, même dans d'autres pays.

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Comment le tourisme a-t-il changé le pays?

Il est difficile d'évaluer l'influence politique, c'est-à-dire l'effet de la rencontre avec des Occidentaux, analyse Rüdiger Frank. Mais depuis sa première visite en 1991 jusqu'à sa dernière visite en 2018, la Corée du Nord a quelque peu expérimenté les mécanismes de l'économie de marché après une grave famine dans les années 1990. Cela a profité à de nombreuses personnes.

«Le tourisme en provenance de l'Ouest a été une petite partie de cette timide libéralisation, et ceux qui y ont participé – guides, employés d'hôtel, chauffeurs, vendeurs de souvenirs – en ont profité.» Mais cela ne représente que quelques centaines de personnes.

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Risque-t-on d'être pris en otage politique?

De nombreuses personnes intéressées hésitent à partir en Corée du Nord par peur d'être arrêtées et durement punies pour un prétexte ou une broutille. «De telles arrestations ont déjà eu lieu par le passé, nous devons donc partir du principe qu'elles continueront à se produire», précise Rüdiger Frank.

En règle générale, il y a des raisons juridiques officielles, mais on a affaire à un système dans lequel les dirigeants se placent au-dessus de la loi.

À cela s'ajoute le fait que le monde a beaucoup changé depuis la fermeture du pays en 2019. Les dirigeants nord-coréens sont aujourd'hui dans une position plus forte qu'il y a quelques années. «Personnellement, je n'ai plus assez confiance en mes connaissances pour connaître exactement les règles en vigueur et je ne peux donc pas non plus lever l'alerte la conscience tranquille», conclut Rüdiger Frank.

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