Chronique de Nicolas Capt
IA: la grande déferlante des faux contenus

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité ou un post juridique pour Blick. Cette semaine, il revient sur l'utilisation de l'Intelligence artificielle pour écrire des livres – ouvrages qui inondent le marché en ligne.
Publié: 19.12.2023 à 18:07 heures
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Dernière mise à jour: 22.12.2023 à 09:15 heures
Nicolas Capt

Dernière tendance en date, les livres écrits par IA générative déferlent littéralement sur les plateformes en ligne, avec un rythme tel que les grands acteurs du secteur sont contraints de prendre des mesures limitatives pour tenter de freiner la vague.

C’est ainsi, ne riez pas, qu'Amazon limite désormais à trois livres par jour, oui par jour, ce qu’un seul auteur peut rendre disponible. Sauf à penser que les ouvrages soient particulièrement courts, un tel rythme de publication, et donc de rédaction, n’a rien d’humain.

Pire encore, les textes rédigés par IA, et qui la plupart du temps ne s’annoncent pas comme tels, voient leur promotion assurée par des commentaires, évidemment laudatifs, eux-mêmes fruits de l’intelligence artificielle. Certes, certains des services en ligne exigent désormais que l’utilisation de l’IA pour écrire, en totalité, un livre soit annoncée, tout en tolérant, sans devoir particulier d’information, ceux pour lesquels l’intelligence artificielle n’a été qu’une forme de béquille. Bonne chance pour tracer l’impossible ligne de démarcation!

On peut retrouver de nombreux ouvrages générés par l'IA sur Amazon. (image prétexte)
Photo: SIGGI BUCHER

Des médias 100% gérés par l'IA

Et la tendance ne s’arrête pas au bouquin. Elle s’observe également dans le domaine des médias en ligne, avec ce que l’on appelle des «newsbots» soit des plateformes d’actualité entièrement gérées par l’IA. Si la désinformation n’a rien de neuf, la facilité, et le moindre coût, de la génération du contenu procède d’un changement radical ; parfois, les opérateurs recherchent simplement du clic, tandis que d’autres entendent soutenir une thèse ou désinformer. Dans les deux cas, ces formes d’occupation de l’espace médiatique ont de quoi inquiéter.

S’y ajoute l’utilisation de l’IA par de vrais médias cette fois, mais de manière maladroite; c’est ainsi que le site d’informations technologiques CENT a dû, en début d’année, faire amende honorable en reconnaissant que certains de ses articles étaient de la plume d’une IA.

Toujours cette année, le Irish Time a été contraint de dépublier une contribution extérieure, prétendument de la plume d’une certaine Acosta-Cortez, après qu’il a été détecté que celle-ci n’existait tout simplement pas et que son texte était la résultante de l’activité d’une IA. Son angle: les irlandaises qui avaient recours aux produits autobronzants y étaient dépeintes comme soulevant des problématiques liées à l’appropriation culturelle et à la fétichisation de la forte teneur en mélanine que l’on trouve chez les personnes plus pigmentées. Les réactions à son brûlot ont été variées, tandis que certains dénonçaient une absurdité, d’autres louaient son audace et son angle original. De quoi promettre des jours heureux à la désinformation sous toutes ses formes.

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