Commentaire de Richard Werly
Donner la parole aux Français sur les retraites ne devrait pas être tabou

La procédure parlementaire accélérée choisie par le gouvernement français pour la réforme des retraites adoptée ce lundi 23 janvier en conseil des ministres interroge. Le refus radical d'un référendum est aussi très discutable, vue l'ampleur de la colère populaire.
Publié: 23.01.2023 à 17:31 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Et si Emmanuel Macron consultait les Français sur la réforme des retraites? Oui, je sais: je délire. Impossible. Trop risqué. Garantie d’un scrutin dévoyé qui verrait les électeurs punir le gouvernement plutôt que de voter sur la réforme proposée.

À chaque fois que j’évoque le sujet du référendum, mes interlocuteurs se cabrent. Un journaliste qui prétend connaître la France ne devrait tout simplement pas dire ça…

Un référendum sur les retraites aurait du sens

Tant pis: je le répète ici. Tout en sachant – ce qui n’est pas très réjouissant, je le concède volontiers – que les partisans d’un référendum sur les retraites se regroupent aujourd’hui aux extrêmes, à droite comme à gauche.

La première ministre française Elisabeth Borne a présenté ce lundi 23 septembre le projet de réforme des retraites en conseil des ministres. Il sera débattu au parlement dans le cadre d'un projet de budget rectificatif de la sécurité sociale. Ce qui permet d'encadrer et d'accélérer son examen.
Photo: AFP

Marine Le Pen a d’ailleurs l’intention de déposer en ce sens une proposition référendaire, dans le cadre de l’actuelle procédure de référendum d’initiative partagée prévue depuis la réforme constitutionnelle de 2008. Elle devra être signée par un cinquième des parlementaires, puis par 10% du corps électoral (environ quatre millions de personnes). Elle aboutira à un vote populaire si le parlement ne débat pas de cette proposition dans les six mois.

Vous l’avez compris: la route sera longue, et probablement sans issue. Mais cela ne doit pas empêcher de le répéter: donner la parole aux principaux intéressés sur une question aussi essentielle pour les Français que l’âge de départ à la retraite aurait du sens.

Dois-je redire ici que selon une enquête de l’Institut IFOP, la création d’une initiative de proposition (permettant de soumettre à référendum une proposition de loi ne provenant pas du Parlement) est soutenue par 77% des personnes interrogées? Dois-je répéter que, selon la même enquête, près de trois quarts des Français jugent que le Référendum d’initiative citoyenne (le fameux RIC des «gilets jaunes») devrait pouvoir s’appliquer à des sujets touchant aux droits fondamentaux (74%) et aux lois déjà validées par le Parlement (73%)?

Je m’arrête là, car je sais la partie perdue. Impossible, me dit-on, que les électeurs répondent vraiment à la question posée. Rien que cet édito sera, par certains, qualifié de déplacé, voire d’incendiaire.

Résignation démocratique

Place, donc, à la résignation démocratique. D’un côté, le passage en force législatif du gouvernement (50 jours de débat parlementaire maximum) grâce à l’insertion du projet de loi sur les retraites dans un budget rectificatif de la sécurité sociale! Lequel permet de recourir, s’il le faut, au fameux article 49.3 destiné à interrompre les discussions, par l’engagement de la responsabilité du gouvernement.

De l’autre, une France en colère incarnée par les foules de manifestants descendus dans les rues à deux reprises le 19 janvier et le 21, et de nouveau conviés par le front uni des syndicats à protester le 31 janvier.

Nécessaire désendettement de la France

Dans un pays si fracturé sur la question – pourtant tranchée chez la plupart de ses voisins, y compris l’Italie, l’Espagne et le Portugal au sud de l’Europe – du report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans et, plus généralement, du nécessaire désendettement de la France, le grand malaise autour du référendum est une défaite de la pensée, des élites et de leur capacité de pédagogie politique.

Il prouve qu’une bonne partie des élus ont aujourd’hui peur de ce peuple qui bouillonne, faute d’être écouté et convaincu par les arguments de l’exécutif. Alors que la démocratie suppose en théorie de lui obéir si la liberté de débattre, le droit, la loi et la Constitution sont pleinement respectés.

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