Jamais mieux servi que par soi-même #16
Johnson & Johnson [n.c.]: entreprise pharmaceutique dont le vaccin séduirait les Suisses

Malick Reinhard déconstruit, avec humour et philosophie, les clichés qui lui collent à la peau et la maladresse des «valides» face au handicap. Cette semaine, il s’intéresse au vaccin de Johnson & Johnson, prochainement disponible en Suisse.
Publié: 29.09.2021 à 18:39 heures
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Dernière mise à jour: 30.09.2021 à 14:26 heures
Malick Reinhard

«Berset… ton pass… on n’en veut pas…», mardi soir, à la fenêtre du balcon, j’écoutais les antivax réunis à Lausanne pour crier au scandale. «Parce que, de toute façon, le coronavirus, moi, ma mère elle l’a eu et ça a duré même pas trois jours. C’est qu’une grippette, en fait!»

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Une «grippette» qui, visiblement, semble inquiéter passablement ces «menteurs» de conseillers fédéraux, depuis bientôt deux ans. Nous, les journalistes, paraît-il que nous sommes leurs sbires. Dans la foule, un manifestant va jusqu’à dire que l’on doit en avoir marre de «lécher les couilles» d’Alain Berset. Charmant. Revigorant. Et la personne qui partage ma vie sera heureuse d’apprendre que je suis l’amant de notre Ministre de la santé.

Mourir maintenant ou crever plus tard

Souvenez-vous, il y a quelques semaines, lors d’un temps où le passeport sanitaire n’était encore qu’une légende urbaine – «une vaste blague», a dit le manifestant lausannois –, je vous contais le dilemme vaccinal dans lequel sont les personnes vulnérables dont je fais partie. Choisir entre mourir maintenant (peut-être) et crever plus tard (indubitablement). Me donner juste une chance de plutôt crever plus tard.

Elle a fait parler cette chronique. Et comme j’aime vous faire parler (et aussi un peu me faire traiter de «journalope», parce que c’est franchement rigolo), je vous propose qu’on en rediscute de ce vaccin que, moi non plus, je vous rassure, je n’avais pas envie de faire. Parce que, oui, la médecine continue son travail et les pouvoirs publics cherchent des solutions – «des façons de nous contrôler un peu plus», a dit le manifestant lausa… Pardon, j’arrête.

Un nouveau vaccin qui séduit les Suisses

Le laboratoire américain Johnson & Johnson, depuis quelque temps déjà, tente de redistribuer les cartes de la vaccination Covid, notamment en proposant un type de traitement sans ARN messager. Cette substance, qui, entre-nous, se présente dans toutes cellules humaines, est la crainte principale de la population suisse, qui juge cette technologie trop nouvelle.

Selon un récent sondage de l’institut Sotomo pour mes consœurs et confrères de la «Sonntagzeitung», plus d’un million de Suisses non vaccinés seraient prêts à le faire si la Confédération mettait à disposition un vaccin alternatif.

Des commentaires moins positifs que le sondage

Et le peuple fut entendu (quoique?): dans un communiqué publié sur ses réseaux sociaux mercredi, Alain Berset annonce dans le texte que «la Confédération achète 150’000 doses de vaccin Johnson & Johnson. Le vaccin à vecteur viral sera livré cette semaine et distribué aux cantons la semaine prochaine.»

À la différence de ses cousins, Pfizer et Moderna, le vaccin Johnson & Johnson inocule dans notre organisme une réplique inoffensive du virus qui, si elle venait à rencontrer le Covid-19, saurait se défendre, après avoir développé des anticorps contre celui-ci.

Dans les commentaires de la publication du Ministre de la Santé, pourtant, aux antipodes du sondage mené par Sotomo, la majorité verbeuse des internets de l’Internet, ni une ni deux, s’égosille franchement. «Top avec des effets secondaires de cancer…. Vous avez pire????», lance une première internaute à la photo de profil estivale (chapeau de paille, playa et bord de mer). Selfie de rigueur, avec mine ténébreuse, un autre affirme: «Quand on ne veut pas de vaccin, on n’en veut pas d’autres».

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Compter sur la vaccination des autres

Pour la doctoresse Maura Prella Bianchi, médecin-cadre au service de pneumologie du CHUV: «L’arrivée de ce type de vaccin serait une véritable avancée pour les patients immunosupprimés [qui, à cause d’un traitement ou d’une déficience ne disposent pas d’un système immunitaire efficace, ndlr.] et ceux atteints de maladies neuromusculaires, comme vous».

Car, oui, pour rappel, les patientes et patients atteints d’un manque grave de force, le vaccin à ARN messager a de forts risques de ne pas fonctionner, puisqu’il se transmet par les cellules musculaires. Jusqu’ici, alors, dans le cas où le vaccin ne fonctionne pas, nous, patientes et patients à risques, ne pouvions compter que sur la vaccination des autres.

Chez moi, heureusement, malgré mon diagnostic, le vaccin a fonctionné. Mais ce n’est pas le cas de la Fribourgeoise, Tania Ballerini. Celle qui est atteinte de la maladie de Crohn regrette que son traitement l’empêche de se faire vacciner: «La conséquence première du Calcort est que j’ai maintenant un système immunitaire complètement bousillé. Impossible de me faire vacciner avec de l’ARN, sans défense immunitaire. J’espère que d’autres vaccins permettront ma protection bientôt».

Au moment où j’écris cette chronique, de nombreuses et nombreux Suisses s’empressent de traverser les frontières pour tenter de se faire inoculer le vaccin proposé par Johnson & Johnson. «Aujourd’hui, le vaccin donne droit au passeport Covid en Suisse, explique Maura Prella Bianchi. Il est reconnu mais il est encore impossible de se le faire injecter chez nous. Il faut donc une adresse légale dans l’un de nos pays voisins pour pouvoir se faire vacciner. Ou disposer, comme Tania, d’une autorisation pour aller se faire vacciner hors du territoire, faute de vaccin adapté dans son pays».

À quand une solution?

Pour un médecin interne proche de la frontière gingolaise (VS), la situation est compliquée car «plus de la moitié des demandes proviennent désormais de personnes établies en Suisse. Cela est dû notamment au fait que le vaccin proposé par Johnson & Johnson demande une seule injection.» Toutefois, aujourd’hui, cette recommandation est remise en cause par plusieurs actrices et acteurs des milieux sanitaires et la demande risque d’infléchir prochainement, prévient-il encore.

Reste à savoir maintenant quand, comment et sous quelles conditions il sera possible de se faire inoculer le vaccin américain sur territoire helvétique. Cela permettra à nombreuses personnes de ne plus compter uniquement sur la vaccination d’autrui pour se prémunir d’une maladie qui leur serait fatale. J’ai beau «lécher les couilles» de mon amant de Ministre, non, je n’ai pas plus d’infos pour l’instant.

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