La chronique de Benjamin Décosterd
À Paléo, Hoshi m’a presque rendu de gauche

Troisième jour de Paléo, troisième chronique de Benjamin Décosterd. Aujourd’hui: immersion avec des journalistes romands. (BAM, une intro claire, simple et efficace qui ferait plaisir à n’importe quel patron de presse zurichois).
Publié: 26.07.2024 à 08:12 heures
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Dernière mise à jour: 26.07.2024 à 13:01 heures
Benjamin Décosterd, auteur et humoriste

Compliqué de s’immerger avec les médias à Paléo, hein. Et pourtant, il y a de quoi faire. Lundi, conférence de presse d’ouverture du festival. Le bar aménagé pour l’occasion est plein à craquer. Et moi qui pensais qu’il y avait eu des licenciements dans la branche...

Le problème, c’est que tous les médias sont là pour écouter un festival qui n’a pas grand-chose à annoncer. Du coup, Daniel Rossellat fait comme vous et moi quand on n’a rien à dire: il parle météo: «Il a trop plu, mais maintenant ça va.»
Scoop, développement suit...

Daniel Rossellat a eu la décence de ne pas enchaîner sur sa destination de vacances de l’été. En même temps, ça aurait été dommage de dévoiler le pays qui sera accueilli au village du monde l’an prochain. À la place, il a présenté les bonnes causes qui bénéficieront du don de vaisselle: la Garenne (parc animalier près de Nyon) ou la Mostar Rock School (école de musique en Bosnie-Herzégovine).

L'artiste Hoshi, programmée au Paléo 2024, «arrive à désarmer tous les cynismes et à faire entendre celles et ceux 'en situation d’inécoutés'», selon Benjamin Décosterd.

Qui préférez-vous sauver? Cette marmotte des Alpes, ou ce joueur de dvojnice (instrument traditionnel bosniaque) visiblement très seul. Je vous laisse répondre à cette question en votre âme et conscience (gros dilemme si vous êtes antispéciste de gauche). Mais surtout: rien pour Gaza (😡🙏) ou le rapatriement des otages du Hamas (🙏😡). Pour compenser, Paléo appellera à un cessez-le-feu, mais d’artifices, le dimanche soir.

En effet, un spectacle de drones remplacera les feux de clôture. On n’en saura pas plus mais à actu exceptionnelle, moyens exceptionnels: un «point presse» est prévu dimanche matin.
Un journaliste prépare le duplex, développement suit...

Rien d’autre de folichon durant cette conférence de presse. À tel point qu’à la fin, il n’y a pas eu de questions, mais juste des applaudissements (symboles du travail critique des médias, piliers de la démocratie). Visiblement, les journalistes présents étaient trop impatients de photographier Daniel Rossellat en train descendre le toboggan de l’installation de la HES-SO. Aux États-Unis, on débat quand le président n’arrive pas à monter un escalier; en Suisse on s’émerveille quand le syndic de Nyon réussit à descendre un toboggan.

Daniel Rossellat, fier de son toboggan.
Photo: KEYSTONE

Attention, ça ne veut pas dire que c’est mieux chez Blick, dont la ligne éditoriale culturelle pourrait se résumer comme suit: «On a vu la programmation, on va plutôt parler de la bouffe.» Cela dit – au moment de valider mes gags un peu limite – je peux compter sur des collègues bien au fait de l’actualité.

Donc le journalisme romand en course d’école à Paléo, c’est pas dingue. Heureusement, j’ai pu discuter avec Virginie Nussbaum, critique de concert (et de talent) pour «Le Temps». Et elle a pu me dire comment faire un bon article. En gros:

«
«Même si on ne comprend ou ne connaît pas ce que fait l’artiste, il faut expliquer le phénomène qu’il ou elle représente et comment il se traduit sur scène. L’important c’est de ne pas être condescendant, même si cela nous dépasse»
Virginie Nussbaum
»

Soit tout l’inverse de mon éthique de travail, surtout face aux rappeurs à trois lettres et leurs textes à base de «démonter des meufs mais construire une maison à maman». Après cette leçon de journalisme, j’ai quand même réussi à trouver quelqu’un qui partage mon absence de déontologie, puisque travaillant pour Watson, aka CE MÉDIA QUI COMMENCE TOUS SES TITRES PAR «CE» POUR QUE VOUS CLIQUIEZ.

De «sucer sur le dos» à Hoshi

Avec Margaux Habert, j’ai enfin pu me mettre au courant des derniers ragots du monde des médias («d’après une pote, elle est super forte pour sucer mais sur le dos») et débattre des termes à utiliser pour ne vexer aucun groupe social «en situation de minorités». Le tout, autour d’une bouteille de champagne au bar éponyme. Pas déconnectés, mais «en situation de privilégiés».

75 francs de frais professionnels plus tard, je ne suis pas fier (et peut-être pas tant de gauche que ça), mais que c’est bon d’être un peu méchant aussi en vrai.

Puis vint le concert d’Hoshi: une de mes artistes Paléo préférées. Pour ses chansons, mais aussi pour un échange très sympa sur Instagram suite à son concert de 2019 (contrairement à Ibrahim Maalouf qui m’a menacé de porter plainte l’an dernier).

Je ne sais pas si c’est vraiment ça «le phénomène qu’elle représente», mais Hoshi arrive à désarmer tous les cynismes et nous fait entendre celles et ceux «en situation d’inécoutés». Et ça, ça vaut tout le journalisme du monde.

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