Chronique de Benjamin Décosterd
Paléo: J’suis pas raciste, mais… j’ai pas aimé Aya Nakamura

Cinquième jour de la 46e édition du Paléo. Au menu: Aya Nakamura, Ibrahim Maalouf, et des excuses de la part de notre chroniqueur Benjamin Décosterd.
Publié: 23.07.2023 à 09:57 heures
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Dernière mise à jour: 25.07.2023 à 14:25 heures
Benjamin Décosterd

Enfin une introduction efficace! Non mais parce qu’après si on se met à faire des digressions, l’article ne commence jamais vraiment, les gens ne lisent plus, les annonceurs retirent leur pub et les chefs de titre de presse font ce qu’ils savent faire de mieux: envoyer des lettres de licenciement depuis Zurich.

Ça va, vous êtes encore là? Moi, presque plus. Hier soir, c’était compliqué.

Vous l’avez certainement compris à la lecture de mon article précédent, qui était à l’image de mon verre: sans fond. Je ne sais pas pour l’homme et l’artiste, mais j’espère que l’on peut séparer l’alcoolique du chroniqueur.

Le concert d'Aya Nakamura n'a pas fait le bonheur de notre chroniqueur Benjamin Décosterd.
Photo: Keystone

Oui, je suis désolé («désoler», pour la section commentaire) de vous avoir imposé ça sur Blick. Pour apprécier les textes de quelqu’un qui se regarde écrire, il y a les chroniques d’Alexis Favre dans «Le Temps».

Bon, je vais arrêter là pour les pardons, histoire de ne pas en faire trop non plus. Surtout quand je vois qu’aucun de mes collègues de Blick ne s’est excusé pour ce micro-trottoir sur le site du festival qui est vraiment passionnant: cliquez, ça vaut la peine. Maintenant que la team premier degré est partie, on va pouvoir passer aux choses sérieuses.

Oui, vous dire encore pourquoi je n’ai pas aimé le micro-trottoir: franchement, si c’est pour faire des démarches participatives au lieu d'avoir des idées, autant se faire élire à la Municipalité de Lausanne.

Bref, les choses sérieuses. J’ai pris en compte vos retours et heureusement pour vous, je suis allé voir un concert. Malheureusement pour moi, c’est tombé sur Aya Nakamura.

Je crois que je suis trop vieux et que je n’ai pas assez de points communs avec l’artiste française la plus streamée de 2022 pour comprendre complètement son travail. En gros: son concert ne m’intéresse pas des masses.

Ah tiens! Voilà un point commun avec Aya Nakamura.

Trois chansons, «Bonsoir Genève», puis plein de tubes enchaînés sans aucune interaction avec le public. Un jour, Spotify remplacera le Paléo et il y aura peu de Jean Moulin dans l’équipe de programmation (rapport à la résistance, rapport au niveau d’éducation du lectorat de Blick).

On peut encore ajouter sa manière de souriter (sourire et chanter en même temps), qui dégage une impression de crispation. Vous savez, quand quelqu’un veut faire une photo et que vous devez ne pas trop bouger les lèvres en disant: «c’est bon, c’est fini?»

Bref, après Aya Nakamura et m’être demandé si je préférais la streameuse ou la concertiste, j’avais rendez-vous avec Ibrahim Maalouf pour savoir si je préférais le trompettiste, ou le prof de trompette qui embrasse une de ses élèves de 14 ans.

J’arrive devant la scène, entre deux morceaux. Maalouf explique sa démarche: «Sur cet album j’ai fait appel à deux petits jeunes…»

Tu m’étonnes (et Darius Rochebin likes this). Cela étant, le concert était vraiment super. Rien que pour avoir rendu la trompette vaguement stylée, on peut saluer le travail d’Ibrahim Maalouf. Ça fait des années qu’ici les groupes de guggen essaient, et à part sur Christelle Luisier ça n’a rien donné.

Je note toutefois l’absence de manifestation appelant.e.x.s à boycotter ce concert. Est-ce une question de public (plutôt de gauche, du genre à dire: «On est allé voir Ibrahim Maalouf entre deux dégustations accord kombucha-totebag. C’était su-per.») ou d’instrument (un gars qui joue de la trompette: séduire quelqu’un? LOL)?

Je ne sais pas, mais je me souviens avoir vécu un dilemme moral plus grand au moment d’aller écouter Rammstein le 18 juin dernier. Oui, il est enfin temps que je traite ce sujet laissé en friche depuis mardi (pour celles et ceux qui suivent): ma présence au concert problématique de Rammstein dernièrement.

Petit rappel des faits, pour celles et ceux qui n’ont pas eu l’info parce qu’ils ont d’autres problèmes dans leur vie ou parce qu’ils n’ont pas internet (coucou les Jurassiens): le chanteur du groupe Rammstein a été accusé par plusieurs femmes d’abus de pouvoir et d’agressions sexuelles, dans des soirées organisées après ses concerts.

Alors bon, j’y suis allé il n'y a pas longtemps. Déjà, il faut savoir que c’est ma femme qui est fan de Rammstein. Moi je m’en fous un peu. C’est elle qui voulait crier des trucs en allemand, dans un stade et au milieu d’une foule (je sais: excuse déjà prise entre 1933 et 1945). Moi, niveau musique germanique, j’ai décroché à «Hallo Susi! Guten Morgen!»

Les billets avaient été pris bien une année avant et moi, à quelques jours du concert, je me retrouve très mal pris. En effet, le concert avait lieu le 18 juin dernier, soit quatre jours après la grève féministe. Si vous cherchiez un allié modèle pour la cause des femmes, ne cherchez plus (par ici).

Me voilà donc avec un ticket qui ressemble à une patate chaude. Vivement qu’ils rajoutent «scandale sexuel» dans l’assurance annulation. Sans oublier que l’impact carbone de la tournée de Rammstein est aussi dégueulasse que l’impact psychologique de leur vie sexuelle.

Alors, bien sûr il y a matière à débattre. Soit, peut-on séparer l’homme de l’artiste? Soit, «Nan mais chuis désolé: Desprogres et Coluche, de nos jours, il pourraient pas faire leur blagues, hein.» Soit, «Monsieur le juge, elle a pas dit non, elle était en plein coma éthylique.» Soit, est-ce que je vais répondre à tout cela dans cette chronique?

Soit: non.

Restons efficace (cet article est comme cette semaine: on n’en PEUT PLUS), à l’image du concert de Damso: il arrive, il retourne le Paléo, il repart.

À demain.

Précisions apportées par Ibrahim Maalouf

À la demande de Monsieur Ibrahim Maalouf, nous rappelons qu'il a été relaxé par la cour d'appel de Paris en juillet 2020 et que «Le Parisien» et le journaliste à l'origine de la première publication sur l'affaire qui le concernait ont été condamnés par le tribunal judiciaire de Paris en janvier 2021 pour diffamation, «la bonne foi n'ayant pas été retenue par les juges». Ces deux jugements sont définitifs. A.H.

À la demande de Monsieur Ibrahim Maalouf, nous rappelons qu'il a été relaxé par la cour d'appel de Paris en juillet 2020 et que «Le Parisien» et le journaliste à l'origine de la première publication sur l'affaire qui le concernait ont été condamnés par le tribunal judiciaire de Paris en janvier 2021 pour diffamation, «la bonne foi n'ayant pas été retenue par les juges». Ces deux jugements sont définitifs. A.H.

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