La chronique de Nicolas Capt
À l'école, le harcèlement tue

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité ou un post juridique pour Blick. Cette semaine, il revient sur le harcèlement scolaire et sa prise en charge, en matière de prévention ou de répression.
Publié: 07.06.2023 à 12:31 heures
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Dernière mise à jour: 07.06.2023 à 14:54 heures

Cela relève des évidences qu’il est impératif de rappeler: le harcèlement tue.

La jeune Lindsay, 13 ans, s’est ainsi donné la mort le 12 mai dernier dans le nord de la France. En cause? Un harcèlement scolaire et un cyberharcèlement intenses qui ont duré quelque huit mois. Des mots qui tuent, «salope», «t’es grosse», «va te suicider», inscrits partout sur les murs, les casiers et des insultes. Des agressions, des brimades, mais aussi des attaques sur les réseaux sociaux, des photographies diffusées, des insultes à caractère sexuel.

En février, soit quelques mois avant le drame, les parents de Lindsay trouvent, sous son oreiller, une lettre déchirante, qui se lisait comme suit:

Le cas récent de la jeune Lindsay, 13 ans, a ému la France entière. La jeune fille s'est donné la mort après avoir été harcelée à l'école.
Photo: DUKAS

«Chers parents, si vous lisez cette lettre, c'est que je suis sûrement partie. Je suis désolée d'avoir fait ça mais je n'en pouvais plus des insultes matin et soir, des moqueries, des menaces. Je n'en peux plus et j'ai envie d'en finir. Mais rien ne les arrêtera car malgré tout ce qu'il s'est passé, elles me voudront toujours du mal. Pardon maman, je suis partie rejoindre papa, et j'espère de tout cœur que ce que j'ai fait aura servi à quelque chose. Je pense que ce que j'ai fait va les réjouir. Elles penseront qu'elles ont gagné et arrêteront tout ça. Je ne pouvais même pas me confier au directeur car il tenait avec elles et ne voulait rien entendre. La seule chose que je pouvais faire est de partir. Faites attention à Maëlys (ndlr: sa meilleure amie) et à ce qu'il pourrait lui arriver. Faites attention à vous. Je vous aime. Au revoir.»

Aucune suite donnée aux appels de détresse

Trois mois avant le drame, Lindsay avait rempli un formulaire qu’elle avait remis à la police. Elle y détaillait les brimades, les photos qui circulaient, les injures, les moqueries, les coups. Et finissait par ces mots, déchirants: «Je me sens triste très souvent, je me sens seule très souvent et j'aimerais bien qu'on m'aide très souvent.» Aucune suite n’avait été donnée, de ce que l’on sait.

Quatre adolescentes sont désormais sous contrôle judiciaire, poursuivies par la justice du chef de harcèlement scolaire ayant conduit au suicide et des plaintes ont également été déposées contre la police, le directeur du collège, l’académie concernée et deux réseaux sociaux.

«Lindsay est enfin morte»

Le pire, dans cette affaire, c’est qu’elle n’aura même pas servi de leçon: après son décès, des insultes ont continué de circuler sur les réseaux et un compte intitulé «Lindsay est enfin morte» a été ouvert sur les réseaux sociaux, des messages odieux étant par ailleurs postés en ligne («Lindsay est enfin morte, cette pute s'en est enfin allée et nous irons pisser sur sa tombe»).

Au-delà du cas particulier, exceptionnellement tragique et révoltant, il est urgent que la problématique du harcèlement soit traitée en profondeur par toutes les parties prenantes, que ce soit dans sa prévention active ou dans sa répression. Des vies sont en jeu.

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