Par Mathilde Mottet, co-présidente des Femmes socialistes suisses
Dans une société banalisant les violences sexuelles, il y a toujours une place au chaud pour leurs auteurs

Pour sa nouvelle chronique, Mathilde Mottet, co-présidente des Femmes socialistes suisses, liste les scandales sexuels et sexistes qui ont émaillé le parcours politique de Yannick Buttet, fraîchement élu à la Présidence de la Chambre valaisanne du Tourisme.
Publié: 01.07.2024 à 16:06 heures
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Dernière mise à jour: 02.07.2024 à 17:07 heures
Mathilde Mottet, coprésidente des femmes socialistes suisses

Yannick Buttet a fait son retour en grâce dans la scène publique valaisanne la semaine passée grâce à son élection à la Présidence de la Chambre valaisanne du Tourisme. Vous avez oublié qui était Yannick Buttet? Permettez-moi de vous le rappeler avec une petite compilation d’informations vérifiées et publiées par des journalistes ces dernières années.

En juin 2013, lors d’une grillade à Berne, Yannick Buttet fait des gestes érotiques et déplacés à l’encontre des femmes présentes. Il lève la robe d’une d’elle et tente de la toucher. 

En septembre 2014, Yannick Buttet s’approche d’une femme par derrière, se serre contre elle en dansant, la touche partout et essaie de l’embrasser. Elle le repousse avec l’aide d’un collègue. Il recommence avec d’autres femmes.

Vous avez oublié qui était Yannick Buttet? Fraîchement élu à la Présidence de la Chambre valaisanne du Tourisme, son parcours politique est entâché par de nombreux scandales sexuels et sexistes.

En 2015, Yannick Buttet se frotte derrière une femme, pris d'une érection qu’elle sent. Il recommence, elle le repousse.

En 2016, lors d’une fête, Yannick Buttet tente d’embrasser plusieurs fois une Valaisanne de 20 ans. Il en avait 39. Il lui agrippe violemment les fesses, l’attire vers lui en lui tenant des «propos dégueulasses». Elle le repousse, il fait comme si de rien n’était. 

En septembre 2017, Yannick Buttet fait un bout de chemin avec une femme en rentrant d’une soirée. Il veut encore boire un verre avec elle, insiste cinq fois. Elle dit non. Il lui demande alors au moins trois fois de monter dans sa chambre. Elle dit non.

En 2017, huit parlementaires fédérales en tout dénoncent des situations de violences sexistes et sexuelles dont l’auteur est Yannick Buttet. À la fin de l’année, il annonce son retrait «temporaire» pour traiter «son problème d’alcool».

Au printemps 2018, Yannick Buttet déclare: «Vous n’entendrez plus jamais parler du moindre écart de ma part. Les faits qui me sont reprochés ont tous été mis en lien avec une consommation problématique d’alcool.» L’alcool a bon dos.

Le 18 novembre 2018, Yannick Buttet s’acharne sur le bouton de l’interphone d’une femme afin qu’elle le laisse entrer. Elle appelle la police, qui l’arrête. Avant de débarquer dans le jardin de cette femme, il avait essayé de la contacter à la suite de leur rupture. Il lui envoie des SMS, des e-mails, il l’appelle, jusqu’à 50 fois dans la même journée. 

En 2018, à la suite de cette affaire, Yannick Buttet est condamné pour contrainte et appropriation illégitime. Le stalking n’est pas encore pénalement répréhensible: il le deviendra si le Conseil des Etats l’accepte prochainement. Yannick Buttet reconnaît les faits, mais précise «qu’ils relèvent de la vie privée».

En été 2020, Yannick Buttet passe ses mains sur le dos, le cou et les cuisses de Laude-Camille Chanton, alors présidente du Conseil général de Monthey. Elle dit non, mais il continue. Selon ses mots, cette affaire a été «douloureuse et a eu des conséquences importantes pour sa santé». Elle porte plainte. Lui aussi: pour diffamation. 

En novembre 2020, Laude-Camille Chanton n’est pas réélue au Conseil général. Elle a été massivement tracée des listes PLR, sûrement à la suite de la médiatisation du harcèlement sexuel qu’elle a vécu.

En novembre 2021, Yannick Buttet est condamné pour attouchement sexuel et propos grossiers.

Le 19 juin 2024, Yannick Buttet est aussi entré d’office dans le comité de Valais/Wallis Promotion, l’entreprise qui emploie... Laude-Camille Chanton. Non seulement il ne s’est pas soucié de la possibilité de travailler avec la personne qu’il a attouchée sexuellement, mais il n’y voit pas non plus un problème: «La situation publique est une chose, la situation privée en est une autre. Je ne vois aucune interférence entre ces choses-là.»

Les violences sexistes n'ont rien de privé

Yannick Buttet est ainsi devenu le chef de Laude-Camille Chanton, employée par Valais/Wallis Promotion. Ce qu’il en dit: «La situation publique est une chose, la situation privée en est une autre. Je ne vois aucune interférence entre ces choses-là.»

Sauf que les violences sexistes et sexuelles n’ont rien de privé. Selon un sondage de gfs.bern, deux femmes sur trois en Suisse ont déjà vécu une forme de menace, d’acte ou de propos violent à caractère sexuel sans leur consentement, qu’ils soient verbaux, psychologiques ou physiques. Quand un phénomène est autant systématique, alors c’est un problème d'État qu’il est urgent de résoudre.

Par exemple en protégeant mieux les victimes, en formant la police à prendre les violences sexuelles au sérieux et en augmentant le financement des foyers d’accueil. Ou alors en arrêtant de donner des postes de pouvoir à des personnes condamnées pour violences sexuelles. Après la liste des agressions ci-dessus, pouvoir «revenir en grâce dans le microcosme politique» selon le Matin est la preuve de l’existence de la culture du viol. Dans un monde qui banalise les violences sexistes et sexuelles, il y a toujours une place au chaud pour leurs auteurs. Tout comme Polanski, Depardieu ou Trump, Yannick Buttet n’a fait que récupérer la sienne.

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