Petit séisme au pays du PLR. Au lendemain de l'échec de la loi sur le CO2, la présidente, Petra Gössi, a décidé de jeter l'éponge. Comment était-elle perçue des deux côtés de la Sarine? Les libéraux-radicaux romands sont-ils différents des alémaniques? Qui faudrait-il pour succéder à Petra Gössi? Michel Jeanneret et Christian Dorer, rédacteurs en chef romand et et du groupe Blick en débattent.
Christian Dorer: Vous en pensez quoi, vous les Romands, de Petra Gössi?
Michel Jeanneret: Hum... ses apparitions étaient franchement un peu embarrassantes. Son français est vraiment moyen et les Romands la connaissent surtout pour être celle qui a réclamé à cor et à cri la démission de Pierre Maudet du Conseil d'Etat et qui a été copieusement ignorée par le principal intéressé. Or en politique, c'est comme avec les enfants: si on donne un ordre, il faut s'assurer qu'il soit respecté, sinon on perd toute crédibilité...
CD: Ça n'est pas plutôt le fait qu'un Suisse-allemand s'immisce à Genève, qui a dérangé les Romands?
MJ: Aussi, en effet. J'ai rencontré beaucoup de PLR qui étaient contre Pierre Maudet, mais que l'ingérence de Petra Gössi a agacés. Ils voulaient résoudre le problème eux-mêmes. Et chez vous, Petra Gössi était appréciée?
CD: Quand elle a été élue en 2016, beaucoup se sont demandés «Petra qui?» La majorité des gens ne la connaissaient pas et étaient étonnés qu'une politicienne inconnue puisse prendre la tête de cette institution qu'est le PLR. Puis elle a surpris de manière positive: elle a pratiquement réussi à elle seule le changement de cap sur les questions environnementales. Mais elle n'a pas réussi à impliquer les deux ailes de son parti, les conservateurs et les progressistes. Sa cote de popularité s'est donc érodée, elle est devenue passive. Et plus elle restait au pouvoir, moins elle contrôlait le parti.
MJ: La lutte en public entre les deux ailes du parti, on la retrouve dans les médias alémaniques. Tous les libéraux-radicaux romands ne sont pas du même avis, les même dissensions existent, mais les figures fortes du PLR comme Christian Lüscher, Philippe Nantermod ou Olivier Feller parlent toujours d'une seule voix. Le PLR est beaucoup plus solide en Suisse romande.
CD: Parler d'une seule et même voix aurait également été la tâche du président en Suisse alémanique. Mais Petra Gössi n'avait pas l'autorité nécessaire pour le faire. Le parti était par exemple officiellement en faveur de l'accord-cadre, mais de plus en plus de personnalités fortes s'y sont opposées. Il en a été de même pour la loi sur le CO2. Et puis le PLR a deux conseillers fédéraux, Ignazio Cassis et Karin Keller-Sutter, qui se considèrent comme des concurrents car ils ont tous deux peur de ne pas être réélus en 2023. Un vrai chaos dans tout le parti!
MJ: En tant que Romand, je devrais plaider pour qu'une personnalité romande prenne la succession, ou comme pour le PS, une coprésidence, mais avec au moins un Romand...
CD: ... et qui cela pourrait-il être?
MJ: La figure forte et montante, c'est Philippe Nantermod. Il est très présent en tant que vice-président du PLR. Mais il ne serait pas la bonne personne pour diriger l'ensemble du PLR, car le parti a un problème en Suisse alémanique. Donc il faut un Alémanique à sa tête. Ça pourrait être qui, d'après toi?
CD: Le nouveau président doit réussir à intégrer les deux ailes du parti. Andri Silberschmidt aurait ce pouvoir d'intégration. Il pourrait intégrer comme vice-présidents le conseiller d'État lucernois Damian Müller, de l'aile verte, et le conseiller d'État argovien Thierry Burkart, de l'aile droite. Tous trois sont suffisamment sensés pour savoir que le PLR ne peut réussir qu'en restant uni.
MJ: L'unification de ces deux ailes, c'est une utopie!
CD: Alors on parlera de garder ces ailes sous contrôle...
MJ: Comme c'est marrant: dans ce cas, c'est la Suisse alémanique qui a besoin de plus de discipline!