Le discours UDC sous la loupe
La campagne nourrit-elle vraiment les villes?

L'UDC entend capitaliser sur le clivage ville-campagne pour gagner des voix. Son président Marco Chiesa n'y va pas par quatre chemins, traitant les citadins de «parasites» vivant sur le dos des campagnes. Mais qu'en est-il réellement? Blick répond.
Publié: 03.08.2021 à 14:31 heures
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Dernière mise à jour: 03.08.2021 à 17:03 heures
Lea Hartmann, Jocelyn Daloz (adaptation)

L'UDC a un nouveau bouc émissaire: les citadins. «La politique des villes de gauche est la politique des parasites. Ils sont les champions du monde pour accaparer et dépenser l’argent que d’autres ont gagné», s'emporte le président de l'UDC Marco Chiesa dans son discours du 1er août, que le parti a diffusé sous forme de message vidéo. «De plus en plus», la population rurale paierait pour «les privilèges des villes», une situation que l'UDC ne saurait tolérer.

Pour un discours de fête nationale, le ton était inhabituellement combattif et clivant, tandis que le président de la Confédération Guy Parmelin (lui-même UDC) faisait au même moment appel à la cohésion nationale.

Le chef de parti n'a pas «déclaré la guerre» aux citadins à titre personnel: il s'agit d'une campagne contre les villes qui doit définir la stratégie du parti agrarien pour les années à venir, jusqu'aux élections fédérales de 2023.

Zurich finance-t-elle sa politique au détriment de l'arrière-pays?
Photo: Keystone
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Les villes, des parasites?

Si la virulence des propos de Marco Chiesa a choqué et été vivement critiquée, y compris par des élus au sein de son propre parti, le contenu a également été remis en cause. Sur quoi se base le Tessinois pour déclarer que les villes profiteraient indûment des régions rurales?

En premier lieu, l'UDC accuse le système de péréquation financière de favoriser les villes. Le mécanisme actuel, en place depuis 2008, assure une redistribution des revenus entre cantons afin d'atténuer les disparités économiques et culturelles. Dans les grandes lignes, des fonds fédéraux auxquels contribuent les cantons sont redistribués selon différents critères comme les faiblesses économiques ou les désavantages dus à des facteurs géo-topographiques ou de ressources. En clair: les cantons les plus riches financent les plus pauvres.

D'après Marco Chiesa, les villes financeraient par ce biais leurs politiques de gauche dispendieuses sur le dos des campagnes, travailleuses et économes. Or, un regard sur le système national de péréquation conduit à la conclusion inverse. Sur 26 cantons, seuls six ont la capacité financière de contribuer au fond. Parmi eux, on trouve les villes-cantons de Genève et de Bâle-Ville. Zurich, qui abrite la première et la sixième ville de Suisse, est de loin le plus grand contributeur. Les cantons bénéficiaires sont, eux, tous des cantons majoritairement ruraux.

Une redistribution dans les cantons, mais...

Il existe toutefois également une péréquation au sein des cantons, qui prévoit une redistribution entre communes. Dans ce cadre, certaines villes reçoivent effectivement des contributions, au grand dam de l'UDC. La justification se trouve dans les infrastructures routières, culturelles ou la protection policière de grandes manifestations, qui existent dans les villes et moins dans les campagnes. Mais ce sont des services dont la population rurale alentour bénéficie également.

Ainsi, dans le canton de Zurich, la Ville touche environ 400 millions de francs en compensation des tâches qu'elle assume. Pour autant, cette somme doit être relativisée. Cette péréquation des charges est tempérée par celle des ressources, qui bénéficie aux communes les plus pauvres du canton et à laquelle la ville de Zurich contribue à hauteur de 350 millions. Par exemple, en 2020, la ville n'a reçu que 17 millions de francs du canton. En 2018, elle a même payé plus qu'elle n'a reçu. Une première.

La ville de Berne reçoit proportionnellement beaucoup moins de compensation centrale de la part de son canton. L'année dernière, elle a reçu 64 millions de francs et en a versé 46 au profit des petites communes.

«Il est évident que les villes ont des charges plus élevées»

Lukas Rühli, du think tank libéral Avenir Suisse, rejette les accusations de l'UDC: «L'affirmation catégorique selon laquelle les campagnes financent les villes est fausse.» Il serait tout à fait logique que les villes perçoivent des paiements compensatoires. «Il est évident que les villes ont des charges accrues, car elles doivent accomplir beaucoup plus de tâches qui profitent également aux zones environnantes», explique-t-il.

Un élément supplémentaire à l'encontre de la thèse de l'UDC est également le fait que la plupart des villes ont une charge fiscale supérieure à la moyenne par rapport aux autres communes du canton.

Enfin, on pourrait également opposer à l'UDC que 2,8 milliards de francs suisses sont versés chaque année aux agriculteurs dans les campagnes. Lukas Rühli ne souhaite toutefois pas entrer dans une foire d'empoigne entre qui profite le plus de qui: «Je m'abstiens généralement d'opposer la campagne et la ville».

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