Actions d'Extinction Rebellion
La police zurichoise dépouille un journaliste activiste... puis s'excuse

Jeudi, la police zurichoise a confisqué le matériel vidéo du journaliste militant Thibaud Mabut, du média engagé «mieux!», qui couvrait depuis lundi les actions d'Extinction Rebellion dans la capitale économique. Ce vendredi, elle avoue à Blick avoir fait une faute.
Publié: 08.10.2021 à 16:53 heures
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Dernière mise à jour: 08.10.2021 à 20:29 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Il est presque 11h30 ce vendredi. Une heure après s’être renseignée, la porte-parole de la police municipale de Zurich rappelle Blick. «Nous avons commis une faute et nos agents n’ont pas suivi la procédure habituelle, regrette Judith Hödl. Thibaud Mabut peut venir chercher son matériel dès maintenant.»

Pour comprendre cette histoire, il faut d’abord se rendre au centre-ville. Ce jeudi, au carrefour de l’Uraniastrasse et la Bahnhofstrasse, Thibaud Mabut, militant co-fondateur du média digital engagé «mieux!», s’apprête à filmer une nouvelle action des activistes environnementaux d’Extinction Rebellion (XR). Depuis lundi, ils bloquent (ou tentent de bloquer), jour après jour, des artères de la capitale économique pour demander au Conseil fédéral de déclarer l’urgence climatique.

Sous scellés

Comme il le raconte sur Instagram et sur YouTube, le Genevois accompagne un membre d’XR sur place avant le début de l’action du jour. Tous deux sont assis au pied d’un arbre. Là, des agents contrôlent leur identité puis les interdisent de périmètre pour 24 heures.

Des activistes d'Extinction Rebellion bloquent une rue de Zurich le 4 octobre 2021.
Photo: Keystone

Mais ce n’est pas tout, et c’est là qu’ils commettent leur faute: dans un excès de zèle, les policiers confisquent le matériel vidéo et informatique de Thibaud Mabut, dont un appareil photo, un micro, des cartes mémoire et un disque dur personnel. On lui indique que ses objets seront mis sous scellés jusqu’au 18 octobre, précise-t-il dans ses vidéos face caméra sur les réseaux sociaux.

«Atteinte à la liberté de la presse»

«C’est une grosse atteinte à la liberté de la presse et j’en ai ras-le-bol de ne pas pouvoir faire mon taf comme il faut», soupire-t-il, tout en précisant qu’il ne possède pas de carte de presse. «Ça ne justifie en aucun cas le fait de m’empêcher de filmer une action et encore moins de confisquer toutes mes affaires pendant plus de sept jours.» Précisons ici que le précieux document n’est pas nécessaire pour exercer ce métier en Suisse.

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Pourquoi la police a-t-elle franchi la ligne rouge? «Nos agents l’ont contrôlé parce qu’il avait tout l’air d’être un activiste d’Extinction Rebellion, explique Judith Hödl. Il ne s’est d’ailleurs pas annoncé comme journaliste avant que les policiers lui prennent son matériel. Ils avaient alors déjà prononcé l’interdiction de périmètre.»

Egalement contacté par Blick Thibaud Mabut présente une version divergente. «C’est vrai, j’avais un pin’s de La Branche santé-climat-environnement de l’Association des étudiantes et étudiants en médecine de Genève dans une poche de ma veste. Sur mon sac, il y en avait deux autres, dont un pour le oui au mariage pour toutes et tous. Mais ces objets n’ont aucun lien avec Extinction Rebellion! Ils m’ont aussi catégorisé comme un activiste parce que j’accompagnais un membre du mouvement.»

Un passif avec la police de Zurich

N’est-ce pas un peu facile de crier à l’atteinte à la liberté de la presse alors qu’on ne s’est pas annoncé comme journaliste? «Je ne me suis pas annoncé tout de suite parce que j’ai choisi de ne pas faire de commentaire. C’était un réflexe: par le passé, j’ai eu deux mauvaises expériences avec la police zurichoise, qui m’a par deux fois interdit de périmètre alors que j’avais dit que j’étais journaliste. D’autre part, l’expulsion du périmètre m’a été signalée après la confiscation de mon matériel, au contraire de ce que vous affirme la police.»

Le journaliste militant a pu récupérer son matériel vendredi.
Photo: DR
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Peu avant 14h00, alors que son interdiction de périmètre avait pris fin, Thibaud Mabut a pu aller récupérer son matériel et… ses pin’s. Vendredi après-midi, il est de retour sur le terrain pour continuer de couvrir les événements, qui se déroulent dans un climat «passablement tendu», nous écrit-il.

Il rend au passage hommage à sa binôme, Alexia Tissières: «C’est clairement grâce à son expertise juridique et ses nombreux appels et e-mails à la police zurichoise que j’ai pu récupérer mes affaires aujourd’hui». À nouveau contrôlé peu avant 15h00, sur la Bahnhofstrasse, il a cette fois échappé à une nouvelle interdiction de périmètre, après palabres.

Près de 200 arrestations en cinq jours

Vendredi matin, XR avait annoncé une dernière journée d’action à Zurich avant «une pause». Les relations entre le mouvement et les forces de l’ordre semblent s’être compliquées au courant de cette semaine.

Mercredi, après que des agents avaient paisiblement empêché une action d’XR en gare de Zurich, des militants avaient complimenté leur professionnalisme sur Twitter. Autre ambiance en fin de semaine. Dans un communiqué, XR dénonce vendredi après-midi «une répression démesurée» et des droits humains «bafoués de façon répétée» durant la semaine. En cause notamment: des «arrestations arbitraires».

Selon XR, près de 200 personnes ont été interpellées depuis lundi. Vendredi matin, la police municipale confirmait à Blick un chiffre d’environ 175, sans pouvoir préciser combien de personnes ont été détenues ou poursuivies.

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