Baptiste Hurni, président de la Fédération suisse des patients
Affaire Martine Wonner: «Je m'inquiète pour les patients»

Égérie des antivax, la médecin Martine Wonner a été suspendue pour un an par l'Ordre des médecins français fin 2022. Or, la psychiatre exerce au Noirmont (JU). Baptiste Hurni, président de la Fédération suisse des patients, appelle à un changement des règles cantonales.
Publié: 01.09.2023 à 17:35 heures
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Dernière mise à jour: 01.09.2023 à 18:05 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Jeudi après-midi, au moment de décrocher son téléphone, Baptiste Hurni, président de la Fédération suisse des patients, n’avait pas encore entendu parler de cette affaire, révélée par Blick la veille. La médecin Martine Wonner, l’une des fers de lance de la contestation des mesures anti-Covid en France, véritable idole des antivax, exerce — en toute légalité — depuis février 2023 à la Clinique Le Noirmont, dans le canton du Jura. Et ce, alors que l’ex-députée à l’Assemblée nationale avait été suspendue pour un an par l’Ordre des médecins français, le 25 novembre 2022.

Martine Wonner disparaît de Twitter!

Egérie des antivax et du mouvement coronasceptique francophone, Martine Wonner était suivie par plus de 180'000 personnes sur X (ex-Twitter). Mais depuis la publication, jeudi, d'un article de Blick révélant la présence de la médecin psychiatre dans l'équipe médicale de la Clinique Le Noirmont, son image et son nom ont disparu de son compte. Celui-ci se nomme désormais Ensemble pour les libertés, parti politique fondé par l'ex-députée à l'Assemblée nationale française (2017-2022).

Jeudi, dans un e-mail adressé à Blick, Arian Kovacic, directeur de l'établissement, expliquait: «Nous avons compris la volonté de la Dre Wonner de vouloir tourner la page et son engagement à bannir ce type de propos au sein de notre clinique et de manière générale. Elle n’est plus en politique aujourd’hui et ne désire d’ailleurs plus s’exprimer sur ce sujet.» Or, un rapide tour sur la page X de Martine Wonner semblait prouver l'inverse.

Vous avez dit étrange? «Les gens qui géraient sa campagne à l’époque continuent peut-être d’utiliser son image et ses comptes», avait alors supposé Adrian Kovacic, dans les colonnes du «Quotidien Jurassien».

Egérie des antivax et du mouvement coronasceptique francophone, Martine Wonner était suivie par plus de 180'000 personnes sur X (ex-Twitter). Mais depuis la publication, jeudi, d'un article de Blick révélant la présence de la médecin psychiatre dans l'équipe médicale de la Clinique Le Noirmont, son image et son nom ont disparu de son compte. Celui-ci se nomme désormais Ensemble pour les libertés, parti politique fondé par l'ex-députée à l'Assemblée nationale française (2017-2022).

Jeudi, dans un e-mail adressé à Blick, Arian Kovacic, directeur de l'établissement, expliquait: «Nous avons compris la volonté de la Dre Wonner de vouloir tourner la page et son engagement à bannir ce type de propos au sein de notre clinique et de manière générale. Elle n’est plus en politique aujourd’hui et ne désire d’ailleurs plus s’exprimer sur ce sujet.» Or, un rapide tour sur la page X de Martine Wonner semblait prouver l'inverse.

Vous avez dit étrange? «Les gens qui géraient sa campagne à l’époque continuent peut-être d’utiliser son image et ses comptes», avait alors supposé Adrian Kovacic, dans les colonnes du «Quotidien Jurassien».

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L’ancienne élue alsacienne avait annoncé un recours, ce qui lui aurait permis de bénéficier d’un effet suspensif, comme l’expliquaient les médias français à l’époque. Où en est le dossier aujourd’hui? Difficile à dire: contactés, ni l’Ordre des médecins ni Martine Wonner n’ont pour l’heure donné suite à nos sollicitations.

Il lui est reproché la diffusion de fausses informations et la promotion de traitements contre le Covid «sans fondements scientifiques», notamment l’ivermectine ou l’hydroxychloroquine. La quinquagénaire avait aussi assuré publiquement que le masque «ne servait strictement à rien» et que les vaccins contre le Covid-19 pouvaient transmettre «le sida», appuie France Info.

Également conseiller national socialiste, le Neuchâtelois estime que l'image de la Clinique Le Noirmont est entachée par cet engagement.
Photo: KEYSTONE/Peter Klaunzer
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Ce tableau impressionniste ne laisse pas le socialiste Baptiste Hurni indifférent. Contacté par Blick, le conseiller national neuchâtelois charge violemment Martine Wonner et égratigne le célèbre établissement hospitalier, surtout connu comme un centre de réadaptation pour les malades du cœur. Candidat à sa réélection, mais aussi au Conseil des États, le trentenaire appelle à un changement de législation dans le canton du Jura.

Baptiste Hurni, vous savez désormais qu'une égérie des coronasceptiques et coqueluche des antivax en France travaille à la célèbre Clinique Le Noirmont, dans le canton du Jura. En tant que président de la Fédération suisse des patients, ça vous inquiète?
Ça m’inquiète, oui. Surtout que cette clinique est sur la liste hospitalière de plusieurs cantons. Il pourrait y avoir un côté déstabilisant pour les patients. Cette médecin a promu des conseils dangereux pour la santé durant la pandémie, comme la prise de médicaments inefficaces contre le Covid. On ne parle donc pas simplement d’une personne ayant exprimé un avis contre la vaccination, par exemple, mais de quelqu’un qui a activement incité les gens à prendre de l’ivermectine, soit un vermifuge dangereux! Cela dit, elle est psychiatre et intervient dans l’unité psychosomatique, et donc pas auprès de la patientèle souffrant d’un Covid long, a priori.

A la place du directeur de l’établissement, auriez-vous engagé Martine Wonner?
Non, je me serais abstenu d’engager quelqu’un qui a tenu des positions aussi polémiques, allant à l’encontre du consensus scientifique, pendant la pandémie. Ce n’est pas intelligent de l’avoir fait. Rien que parce que ça entache l’image de la clinique. Mais je connais aussi les difficultés à recruter dans les régions périphériques. J’ose espérer que la clinique a été rigoureuse et a inscrit une interdiction de faire de la propagande antivax ou complotiste dans son contrat.

Une suspension d’un an a été prononcée à l’encontre de Martine Wonner par l’Ordre des médecins français le 25 novembre 2022. Mais elle peut exercer en toute légalité en Suisse. C’est pour le moins bizarre, non?
Je note que nous ne savons pas si sa suspension est encore en vigueur. Dans tous les cas, ça fait un peu mal au ventre et ce n’est pas sécurisant pour les patients. Les dispositions légales sont cantonales. Dans le canton du Jura, elle n’a pas dû obtenir une autorisation d’exercer parce qu’elle pratique sous la responsabilité d’un médecin-chef. La reconnaissance de son diplôme suffit. Elle n’a toutefois pas le droit de facturer directement.

Pourrait-elle exercer dans le canton de Neuchâtel, votre canton, par exemple?
A Neuchâtel, même pour travailler en tant que médecin employé et sous la responsabilité d’un médecin-chef, elle aurait dû demander une autorisation d’exercer, et donc attester d’une réputation irréprochable.

L’aurait-elle obtenu?
Certainement pas.

Deux élus du Parlement jurassien s’interrogent sur le bien-fondé des dispositions légales permettant à Martine Wonner d’exercer dans le canton. Faudrait-il les revoir?
Il y a manifestement une tension entre la difficulté de trouver du personnel médical, et de vérifier l’irréprochabilité et la compétence de celui-ci. Mais ici, les dispositions ne donnent pas satisfaction. Les cantons qui, comme celui du Jura, ne prévoient aucune autorisation pour les médecins n’exerçant pas sous leur propre responsabilité, devraient changer de système. Et se calquer sur d’autres modèles, comme celui en vigueur dans le canton de Neuchâtel.

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