Changement dans le monde du travail
Une auberge accorde 2 mois de congé payé à ses employés!

La Suisse connaît pratiquement le plein emploi. Une bénédiction pour les employés, mais une malédiction pour les entreprises. Car le bon personnel est rare. Cela rend inventif: la restauratrice Joëlle Apter, originaire de Zurich, montre l'exemple.
Publié: 10.01.2023 à 09:55 heures
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Dernière mise à jour: 10.01.2023 à 10:02 heures
Sarah Frattaroli

L'auberge Löwen, dans la commune zurichoise de Hausen am Albis, est de loin le plus grand établissement de restauration de la région. C'est même une institution ouverte depuis 200 ans, peut-on lire sur son site. Mais ceux qui souhaiteraient organiser une fête d'anniversaire dans sa cave à vin, un repas de mariage dans sa grande salle, ou apprécier un apéritif dans son bar, devront attendre: le restaurant est en fermeture annuelle pendant deux mois.

«Le travail chez nous est épuisant, je veux offrir une pause à l'équipe», explique Joëlle Apter, directrice et propriétaire du Löwen. L'astuce: ses 20 employés fixes reçoivent l'intégralité de leur salaire durant cette pause de deux mois. «Les gens se sont énormément réjouis, certains ont même réservé des vols pour la Thaïlande», raconte Joëlle Apter.

Le manque de personnel qualifié rend inventif

C'est la première fois que le Löwen ferme ses portes pendant l'hiver et envoie ses employés en congés payés. Un symbole de l'évolution du monde du travail: les employés ne sont plus prêts à travailler jusqu'à l'épuisement. Et la pénurie de main-d'œuvre qualifiée joue en leur faveur: ce sont les entreprises qui dépendent du personnel, et non l'inverse.

L'auberge Löwen, dans la commune zurichoise Hausen am Albis, ferme ses portes pour deux mois.
Photo: Nathalie Taiana
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«Mais nous ne manquons pas de personnel qualifié», déclare Joëlle Apter. Les congés payés ne seraient pas un exercice de pompiers pour attirer du nouveau personnel. Au contraire, ils s'inscrivent dans une culture d'entreprise, soutient la propriétaire.

En été, les employés du Löwen reçoivent un abonnement saisonnier pour le Türlersee, un lac tout proche, afin qu'ils puissent profiter des heures creuses pour se baigner. D'autres entreprises de restauration offrent à leurs collaborateurs des abonnements de fitness, ou introduisent la semaine de quatre jours.

Mais Joëlle Apter est convaincue que le changement va bien au-delà du secteur de la restauration. Cette biologiste de formation était autrefois une entrepreneuse en informatique et dirige aujourd'hui plusieurs entreprises en plus du Löwen, dont une entreprise d'analyse de l'origine de l'ADN.

Le fait que les entreprises fassent de plus en plus de concessions à leurs employés n'a rien d'étonnant au vu du taux de chômage record de 2,2%. Celles qui ne jouent pas le jeu sont désavantagées lors de la recherche de personnel.

La clientèle réagit avec bienveillance

Mais envoyer ses employés en vacances prolongées a du sens dans tous les cas, estime la restauratrice: «Les gens reviennent reposés». Ils ont aussi besoin d'énergie - la haute saison commence dès le mois de mars à l'auberge, et dure jusqu'en décembre.

En plus du restaurant, de la cave à vin, de plusieurs salles et du bar, le Löwen exploite en été un grand Biergarten (un bar dans un jardin en extérieur). L'établissement fonctionne sept jours sur sept. L'année dernière, ce dernier a organisé plus de 250 banquets, et le restaurant affiche généralement complet le week-end.

Joëlle Apter promet toutefois que les employés ne devront pas travailler le reste de l'année après les deux mois de fermeture. Ceux-ci ont également droit à des vacances payées pendant cette période.

La clientèle, qui se trouve désormais devant des portes fermées, est la grande perdante. «Il y a déjà des clients qui nous manquent», raconte l'entrepreneuse. Mais la majorité comprend cette longue pause. C'est ce que montrent aussi les dizaines de commentaires sous un post Facebook du restaurant. «Quelle estime merveilleuse et exemplaire envers vos collaborateurs, bravo», écrit quelqu'un. «Profitez de cette pause bien méritée», commente un autre. A voir si cette initiative se propagera en Suisse.


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