Féminicides en Suisse
«Je ne veux pas être la prochaine femme à être tuée»

Un féminicide met Zurich en émoi: Serdar K. a poignardé à mort sa femme, malgré une interdiction de la contacter ou de l'approcher. Une telle interdiction a également été prononcée à l'encontre du petit ami de la coiffeuse Claudia Meier. Elle ne se sent pas en sécurité.
Publié: 16.10.2021 à 11:39 heures
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Dernière mise à jour: 16.10.2021 à 12:12 heures
Nicolas Lurati, Jocelyn Daloz (adaptation)

Il s'agit du 22e féminicide en Suisse depuis le début de l'année: alors qu'il avait l'interdiction de la contacter ou de l'approcher, Serdar K.* s'est rendu au domicile de sa femme Ayla et l'a poignardée. Une procédure pénale était en cours à son encontre pour les menaces qu'il avait proféré envers sa femme.

Ce meurtre intervient alors que samedi dernier encore, la police était intervenue pour interrompre une dispute violente au domicile d'Ayla. Le jour du crime, la police venait de prononcer l'interdiction de s'approcher d'Ayla à l'encontre de Serdar.

Les mesures d'éloignement n'auront pas suffi à empêcher son acte. Et il n'est pas un cas isolé: en août 2019, un homme tuait sa femme dans des circonstances similaires: il l'avait menacée, les autorités lui avaient interdit de s'approcher d'elle.

La coiffeuse Claudia Meier de Schleinikon ZH a été menacée de mort par son compagnon.
Photo: Claudio Meier
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Claudia Meier est menacée de mort par son ex

La situation rappelle celle de Claudia Meier. Cette coiffeuse de 56 ans a signalé son partenaire, qui est à présent interdit de la contacter ou de se trouver près d'un certain rayon autour d'elle. Au vu des récents événements cependant, la coiffeuse craint pour sa vie: «je ne veux pas être la prochaine femme à être tuée par son partenaire.»

Son petit ami a proféré des menaces de mort à son encontre dans la nuit de dimanche à lundi, soit deux jours avant que Serdar K. ne passe à l'acte. Claudia Meier et son petit ami Yassine sont en couple depuis quatre ans et demi. Mais ces dernières semaines, leur relation s'est détériorée. «Il a beaucoup changé à cause de sa consommation de drogue et d'alcool.»

La coiffeuse craint pour sa vie: «je ne veux pas être la prochaine femme tuée par son partenaire.»

Leurs disputes incessantes culminent en la violence de son partenaire. Dimanche soir, Yassine la menace par message vocal: il promet de lui casser la tête. Claudia Meier se rend immédiatement à la police, qui enregistre la plainte: «Yassine B. a menacé de mort sa petite amie Claudia Meier via Facebook Messenger.» Il est interdit de contacter sa partenaire pour une période de 14 jours.

Erich Wenzinger, porte-parole du Ministère public de Zurich, assure au Blick que Yassine a été arrêté le jour même du dépôt de plainte: «le Ministère public a ouvert une procédure contre cet homme. Ces procédures ont déjà abouties, et l'accusé a été sanctionné par ordonnance pénale pour comportement menaçant et abusif.» L'ordonnance n'est toutefois pas encore juridiquement contraignante, puisque le principal intéressé peut encore faire appel. La présomption d'innocence s'applique donc toujours, précise Erich Wenzinger.

«Faites de même pour la femme qui est morte mercredi»

Après l'interrogatoire, Yassine a été libéré de détention après deux jours. Son cas a été apporté à l'office des migrations, puisqu'il est ressortissant tunisien avec un permis de séjour sur territoire suisse. Sa libération s'imposait puisque, selon le Ministère public, «il n'y avait plus de motifs de détention après les aveux du suspect, et l'expression de son repentir.»

«Yassine était mon grand amour», assure-t-elle.

Mais Claudia Meier craint que Yassine ne se présente malgré tout à son domicile ou à son salon de coiffure. Erich Wenzinger exhorte: «si l'accusé ne respecte pas l'interdiction de contact et de rayon imposée, la victime doit immédiatement contacter la police via l'appel d'urgence 117.»

Malgré sa peur, la coiffeuse a accepté de parler de son cas. Elle le fait pour toutes les femmes qui se trouvent dans la même situation ou qui pourraient s'y retrouver. «Je le fais aussi pour la jeune femme qui est morte mercredi soir.»

* Noms changés
** Nom connu

A présent, elle souhaite témoigner des menaces dont elle a fait l'objet: «je n'ai plus rien à perdre.»
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