Grégoire Junod, syndic de Lausanne
Soutien à Depardieu: «Vincent Perez n'est accusé de rien du tout!»

L'affaire Depardieu n'affectera pas les Rencontres 7e Art Lausanne. Mercredi, leur fondateur Vincent Perez s'est expliqué sur son soutien à «Gégé», accusé de viols. Ce lundi, le syndic Grégoire Junod assure que la Ville continuera de financer le festival. Interview.
Publié: 22.01.2024 à 12:29 heures
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Dernière mise à jour: 22.01.2024 à 12:37 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Les Rencontres 7e Art Lausanne peuvent souffler. «Rien ne justifie que la Ville remette en question son soutien au festival», affirme ce lundi Grégoire Junod, interviewé par Blick. Le syndic socialiste de Lausanne se dit rassuré par les récentes prises de position de la manifestation et de son fondateur, Vincent Perez.

Pour mémoire, ce dernier est l'un des signataires de la controversée tribune de soutien à Gérard Depardieu, mis en examen pour viols. Mercredi, l'acteur vaudois s'est justifié: il l'a fait pour voler au secours d'un membre de sa famille — Karine Silla, l'épouse de Vincent Perez, a eu une fille, Roxane, avec «Gégé» avant leur mariage.

Le Franco-Suisse a en outre condamné les violences faites aux femmes. Les Rencontres 7e Art se sont, elles, distanciées en tant qu'entité de ladite tribune. Le texte avait été publié le 25 décembre par «Le Figaro», quelques jours après la diffusion d'un «Complément d'enquête» sur France 2 montrant le monstre sacré du cinéma sexualiser une fillette de 10 ans lors d'un voyage en Corée du Nord

La Ville de Lausanne subventionne les Rencontres 7e Art à hauteur de 80'000 francs.
Photo: KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI/AP/THIBAULT CAMUS/EPA/EPA/CAROLINE BREHMAN

De manière générale, qu'est-ce qui peut faire vaciller une subvention? Où placer la limite? L'aurait-il signé, lui, ce texte? Est-il acceptable de déprogrammer un artiste? Dans cet entretien, Grégoire Junod répond aussi à ces questions, qui tiraillent la société. 

Grégoire Junod, les Rencontres 7e Art Lausanne sont subventionnées à hauteur de 80’000 francs par la Ville. Son fondateur et président, l’acteur Vincent Perez, a soutenu Gérard Depardieu en signant une tribune controversée. Ça vous dérange?
J’aimerais commencer par dire que j’ai été très choqué par les images diffusées sur France 2 et par les témoignages de femmes contre Gérard Depardieu. Bien sûr, il y a la dimension pénale, qui sera tranchée par la justice, mais il y en a aussi une autre: celle de comportements inacceptables.

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«N'oublions pas que Vincent Perez n'est accusé de rien du tout!»
Grégoire Junod, syndic de Lausanne
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Ce mercredi, Vincent Perez s’est justifié. Vous a-t-il convaincu?
Il me semble que la prise de position des Rencontres 7e Art et les explications de Vincent Perez sont claires et rassurantes. Il a condamné les violences faites aux femmes, rappelé ses engagements constants dans le domaine et détaillé les liens familiaux qu'il a avec Gérard Depardieu. Ce sont des éléments de contexte importants. Enfin, n'oublions pas que Vincent Perez n'est accusé de rien du tout! Rien ne justifie que la Ville remette en question son soutien au festival, qui connaît année après année un succès grandissant. 

Vous l’auriez signée, vous, cette tribune de soutien à Gérard Depardieu?
Évidemment que non.

Pourquoi?
Je n'en partage ni le fond ni la forme. Cette affaire heurte de front mes convictions. Et je déplore aussi que le texte ne comporte pas un mot pour les femmes et les victimes de violences sexistes et sexuelles.

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«Il y a quelques années, je m'étais fortement opposé à l'interdiction d'un spectacle de Dieudonné à Lausanne»
Grégoire Junod, membre du Parti socialiste
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De manière générale, qu’est-ce qui peut remettre en question le soutien de la Ville à des institutions culturelles?
Des situations où l'institution elle-même serait en cause. Encore une fois, ni les Rencontres 7e Art ni Vincent Perez ne sont accusés de quoi que ce soit! Gardons-nous des délits d'opinion. De manière générale, les artistes doivent pouvoir garder leur liberté de parole. Défendre la liberté d’expression lorsqu’on représente une entité publique peut être inconfortable, cela peut parfois heurter vos convictions personnelles et politiques, mais c’est essentiel.

Vous avez un exemple?
C'est une histoire ancienne, mais, il y a quelques années, je m'étais fortement opposé à l'interdiction d'un spectacle de Dieudonné à Lausanne. Nous avions eu des débats nourris au sein de la Municipalité (ndlr: exécutif). Sous réserve du respect de la loi, la liberté d'expression doit être défendue.

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«J’ai compris la décision de la RTS de suspendre la diffusion de films avec Gérard Depardieu pendant quelque temps»
Grégoire Junod, en charge de la Culture
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À partir de quel moment est-il acceptable de déprogrammer un ou une artiste?
Cette question difficile. À titre personnel, j’ai compris la décision de la RTS de suspendre la diffusion de films avec Gérard Depardieu pendant quelque temps. Par respect pour les femmes, qui sont nombreuses à avoir été victimes de harcèlement à un moment ou un autre de leur vie. Je suis certain aussi que la RTS aurait été attaquée de la même manière si elle avait pris la décision inverse. 

Pourquoi peinez-vous à vous faire un avis définitif sur cette question?
Au fond, la question est de savoir ce que vous faites avec les gens qui ne sont pas d’accord avec vous. Où est la ligne rouge? Quelle échelle de valeurs? Quel espace pour l'humour dans la culture, qui joue souvent avec les limites? C'est difficile de poser une règle valable en tout temps. Vivre en société, c'est aussi accepter d'avoir des regards différents sur le monde.

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