Harcèlement et blagues sexistes
Sur Twitter, le Grand Conseil vaudois commence à faire son MeToo

Depuis mardi, le député libéral-radical Jean-Luc Bezençon est accusé de «harcèlement» et de sexisme par trois collègues. Sur Twitter, d'autres dénoncent des élus pour des comportements similaires au Grand Conseil, sans citer de noms.
Publié: 31.05.2023 à 17:06 heures
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Dernière mise à jour: 31.05.2023 à 17:45 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Le député Jean-Luc Bezençon (PLR) est accusé par trois élues de gauche de «harcèlement paternaliste» et de sexisme depuis ce mardi. Il aurait par exemple invité Élodie Lopez, coprésidente du groupe Ensemble à Gauche et POP, à se «faire dresser par un mec de droite». L’ancien syndic historique de Goumoëns-la-Ville (VD) nie tout en bloc et ne se reconnaît pas dans ces propos.

Ces dénonciations en ont entraîné d’autres, sur Twitter. Première à tirer, à 20h54 ce 30 mai: la Verte Léonore Porchet, ex-députée et conseillère nationale depuis 2019.

Plainte sans conséquences

«Au Grand Conseil vaudois, un collègue PLR, avec un clin d’œil: si j’avais mis 'cette jolie petite robe moulante' en commission, il aurait soutenu mon postulat, écrit la Lausannoise. Je n’ai jamais eu d’excuse malgré ma plainte aux collègues PLR. Et il y en a eu d’autres. Faites le ménage au lieu de crier!» La parlementaire fédérale termine par le hashtag «MeToo», du nom du mouvement social popularisé à la suite l’affaire Weinstein à Hollywood en 2017, lors duquel de nombreuses femmes avaient pris la parole pour dire: «Moi aussi».

L'ex-députée vaudoise Léonore Porchet (Les Vert-e-s), aujourd'hui conseillère nationale, a tiré la première, sur Twitter. Comme d'autres, la socialiste Sarah Neumann, également ex-députée, lui a emboîté le pas.
Photo: KEYSTONE/Peter Klaunzer/Jean-Christophe Bott/DR
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Dans les commentaires, des soutiens, mais aussi… des moqueries sexistes. «Vous avec une robe moulante? Je pense avoir mal compris.» Ou encore: «S’il y a des amateurs de cellulite, eh bien on les à leurs goûts» (sic).

Tweeter par solidarité

Pourquoi se lancer maintenant? «J’ai tweeté par solidarité avec Élodie Lopez, explique Léonore Porchet, jointe par Blick ce mercredi après-midi. Ça m’a tellement énervée de voir la droite se draper dans sa dignité, demander des excuses et quitter la salle. Alors que tout le monde sait qui sont les gros lourds…»

«J'ai eu droit à plusieurs 'viens te mettre sur mes genoux', à des propos sur mes yeux, mon corps, mon habillement, déplore Léonore Porchet. Au Grand Conseil, c'était assez fréquent pour être un sujet de conversation entre élues.»
Photo: KEYSTONE/Alessandro della Valle

Par le passé, au moins quatre députés lui ont fait de «sales remarques inacceptables», raconte-t-elle. «J’ai eu droit à plusieurs 'viens te mettre sur mes genoux', à des propos sur mes yeux, mon corps, mon habillement. Au Grand Conseil, c’était assez fréquent pour être un sujet de conversation entre élues. Et oui, c’était toujours des hommes de droite. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de sexisme chez Les Vert-e-s ou les socialistes, mais dans mon cas, toutes ces remarques sont venues d’élus du PLR ou de l’UDC.»

La présidente de l’association Eyes Up, créatrice d’une application permettant de signaler les cas de harcèlement de manière anonyme, ne donnera pas de noms: «Regardez comme sont traitées les victimes! Et viser les personnes qui sont trop bêtes pour s’exprimer devant témoin ne sert à rien. Il faut secouer les groupes politiques et leurs collègues qui rient avec, sans rien dire. C’est aux présidences des partis de faire le ménage!»

«Des messieurs d’un certain âge»

Sur le réseau social, l'ex-députée Sarah Neumann lui emboîte le pas, reprenant les mêmes éléments de langage, sans donner de noms non plus. «Au Grand Conseil vaudois, un collègue UDC, insistant lourdement pour qu’on se fasse la bise un petit matin de commission: 'Allez, la bise, moi, je ne suis venu que pour ça'. Faites le ménage au lieu de crier! #MeToo.»

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Au téléphone, la socialiste, conseillère communale à Lausanne, souligne «qu’il n’y a pas d’affaire Bezençon»: «Il est assez courant et admis, au Grand Conseil comme dans la société, que certains messieurs, d’un certain âge, tiennent ce genre de discours dégradant. On n’est ainsi plus dans un rapport d’égal à égal. Ce climat général a quand même poussé le Bureau du Grand Conseil à publier une directive sur le harcèlement. C’est l’occasion de dire qu’il faut que ça cesse. L’idée n’est pas de condamner X ou Y.»

«Chouette, c’est l’été, les filles se dénudent»

Sarah Neumann est fatiguée par «la récurrence» de ce type de comportements: «Je n’en fais pas des insomnies. Je me dis juste: 'Quel gros c…' J’en parle à mes copines et je passe à autre chose. Je ne porterai d’ailleurs pas plainte, la police a mieux à faire. Mais je n’ai plus envie de me faire coincer dans la buvette du Grand Conseil par un député sexagénaire qui me parle de mon décolleté… Après avoir subi du sexisme ordinaire, on se sent dénigrée.»

Pour elle aussi, «la culture sexiste est plus admise à droite»: «Des hommes de gauche ont également des propos inadéquats, mais la sensibilisation à ces thématiques est plus grande de ce côté de l’hémicycle. Au fond, c’est plutôt un clivage générationnel.»

Sur Twitter et sur Instagram, les députées Céline Misiego (POP), Carine Carvalho (PS) et Rebecca Joly (cheffe de groupe des Vert-e-s) sont aussi montées au créneau, entre mardi soir et mercredi après-midi. La petite phrase choisie par la dernière nommée est de saison: «Un député UDC au début d’une commission au Grand Conseil vaudois: 'Chouette, c’est l’été, les filles se dénudent', en regardant dans mon décolleté.»

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