interview de Valérie Dittli
«Je n'ai pas à juger la candidature de Michaël Buffat»

Valérie Dittli, présidente du Centre Vaud, est candidate au Conseil d'État en vue des élections cantonales de mars. Quasi inconnue, la Zougoise d'origine défend tant bien que mal son alliance avec le parti-libéral radical et l'Union démocratique du centre. Interview.
Publié: 10.01.2022 à 16:45 heures
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Dernière mise à jour: 10.04.2022 à 15:48 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Cette interview a été publiée initialement le 10 janvier 2022. À l'occasion de l'élection de Valérie Dittli dimanche en tant que nouvelle Conseillère d'État, nous nous permettons de remonter cet échange.

Le Centre Vaud (ex-PDC) ne veut pas compter pour des prunes durant les élections cantonales du mois de mars. Mais la tâche sera ardue pour ce parti qui a perdu son unique siège au Conseil national et ceux qu’il détenait au Grand Conseil. Comment renverser la vapeur?

La formation mise sur son alliance avec le parti libéral-radical (PLR) et l’Union démocratique du centre (UDC) pour tenir le crachoir dans cette période préélectorale. Une stratégie incarnée par sa jeune présidente et candidate au Conseil d’Etat, Valérie Dittli. Un pari loin d’être stupide, puisque cette formule magique a fait triompher la droite fribourgeoise lors des élections cantonales en novembre dernier. Le Centre a certes dû concéder un de ses sièges gouvernementaux à l’UDC, mais le bloc bourgeois a résisté aux assauts de la gauche.

Valérie Dittli, présidente du Centre Vaud, est en lice pour conseil d'Etat.
Photo: Keystone

La situation est différente dans le plus grand canton romand. La juriste d’origine zougoise n’a pas encore la trentaine et souffre d’un déficit de notoriété monstre. Ce dernier semble a priori insurmontable, malgré un habile tour de force en avril dernier. À la surprise générale, elle annonçait alors la retraite politique des deux dinosaures Claude Béglé et Jacques Neirynck, contre le gré des principaux concernés.

Un nouveau départ pour le Centre, désormais plus jeune et féminin? L’absence de poids lourds en tête de liste peut-elle être compensée par un pacte avec la droite conservatrice et non pas avec ses alliés naturels que sont les Vert’libéraux? Valérie Dittli doit s’y préparer: des dents risquent fort de grincer au sein de l’électorat de son parti. Interview.

Qui êtes-vous, Valérie Dittli?
Une personne assez normale (rires). J’ai 29 ans et je suis juriste de formation. J’ai terminé mon doctorat cet été et je prépare actuellement mon brevet d’avocat. J’aime beaucoup le droit — j’ai toujours été animée par un idéal de justice, même si cela peut sembler parfois un peu naïf.

Et sur le plan familial?
Je viens d’une famille de paysans installée dans une petite commune à côté de Zoug, Oberägeri. J’ai donc grandi dans une ferme et je suis Suisse alémanique, comme cela s’entend à mon accent. Je garde de mon enfance un côté 'travailleuse'. Toute petite, déjà, je donnais des coups de main sur l’exploitation. Depuis bientôt 10 ans, j’habite dans des villes. D’abord à Lucerne puis maintenant à Lausanne, depuis près de 8 ans.

Je vous pose ces questions parce que vous êtes une quasi inconnue en terres vaudoises. Pensez-vous vraiment pouvoir être élue au gouvernement cantonal?
Soyons clairs: notre but principal est d’obtenir à nouveau des sièges au Grand Conseil. Notre campagne vise surtout à rendre visible nos candidats dans les différents districts. Me concernant, c’est un honneur d’avoir été choisie par mon parti. Et je crois en mes chances, sinon je ne me serais pas lancée. Mais les chiffres sont les chiffres et il faut tout de même rester réaliste.

Votre parti s’est notamment allié à l’UDC par calcul électoral. Vous avez dû vous boucher le nez?
Un ancien secrétaire général du Centre suisse a dit une fois que nous avons le cœur à gauche et la tête à droite. C’est une décision que nous avons dû prendre avec la tête et non avec le cœur. Mais ma nature est plutôt optimiste: je perçois en cette alliance la possibilité de reconstruire un dialogue durable et apaisé sur des problématiques clivantes. Comme pour de très nombreuses personnes, l’écologie est le sujet le plus important à mes yeux. Je pense que les bisbilles entre les partis sur cette thématique sont ridicules. Il faut se réunir et trouver des solutions ensemble. L’échec de la loi CO2 le démontre.

Justement. Vous êtes née dans une ferme bio et vous vous retrouvez à battre le pavé avec une formation qui compte en son sein des climatosceptiques. Cela ne vous dérange pas?
(Elle réfléchit.) Il y a certainement quelques climatosceptiques 'durs', mais je pense surtout qu’il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas s’empêcher de réfléchir à des solutions différentes que celles qui sont généralement proposées par la gauche. À la base, l’UDC est le parti des paysans. Ces derniers sont les premiers à subir les conséquences du réchauffement climatique. Mon père, par exemple, n’a plus eu d’eau sur sa ferme pendant un été. Le réchauffement climatique est une réalité et doit figurer dans l’agenda de tous les politiciens. Ceci dit, s’il devait exister certaines réticences à l’UDC sur ces questions, je pourrais peut-être contribuer à faire bouger les lignes.

On pourrait aussi parler de vos divergences sur la question des bilatérales, sur les mesures Covid, sur l’avortement… Êtes-vous aussi peu regardante?
Si nous n’avions pas de différences, nous serions le même parti. Cependant, je ne peux pas comprendre et tolérer les deux initiatives limitant l’avortement lancées par des conseillères nationales UDC. Mais je ne comprends pas non plus ce que fait la gauche avec l’AVS. Concernant les mesures sanitaires, le fossé que crée cette pandémie m’inquiète énormément. En Suisse romande, je suis plutôt entourée de gens pro-vaccins. Dans mon canton d’origine, et plus généralement en Suisse centrale, les gens semblent plutôt sceptiques. Je ne veux qu’une chose: créer des ponts avec les forces en présence pour maintenir la cohésion de la Suisse grâce au dialogue.

Quelles divergences faudrait-il pour que vous jugiez deux formations incompatibles?
Ouh là là… Plus globalement, indépendamment des partis, je crois qu’une personne fermée d’esprit serait quelque chose de rédhibitoire pour moi. La vie est faite pour apprendre et entendre de nouvelles choses. C’est ce que nous faisons au sein de notre alliance et nous avons un très bon dialogue. C’est ce que nous voulions.

Pensez-vous que le conservateur Michaël Buffat serait un bon conseiller d’Etat?
(Rires) C’est son parti qui l’a choisi. Ce sont ses membres qui ont légitimement décidé qu’ils le mettaient dans la course. Je crois que je ne suis pas en position de juger de cette candidature.

Mais préféreriez-vous siéger à ses côtés ou à ceux du vert Vassilis Venizelos?
(Elle hésite plusieurs secondes.) Dans un gouvernement idéal, il faudrait les deux. Je trouve légitime que ces sensibilités politiques importantes y soient représentées. J’estime que la composition actuelle du Conseil d’État (trois sièges socialistes, trois libéraux-radicaux et un vert, ndlr.) est trop uniforme.

N’avez-vous pas peur que l’électorat centriste se tourne vers les Vert’libéraux, qui ont refusé cette alliance pour rester fidèles à leurs valeurs?
Je ne suis pas sûr qu’ils l’aient fait pour rester fidèles à leurs valeurs. C’est un choix politique, stratégique. Les valeurs, on les juge sur le contenu politique. Pas sur l’emballage électoral.

Vos routes se sont-elles définitivement séparées?
Très sincèrement, je trouve dommage que nous n’ayons pas réussi à trouver un accord dans tous les districts pour le Grand Conseil et pour le Conseil d’Etat. Je vois tellement peu de différences entre eux et nous dans le canton de Vaud. J’ai tout fait pour nous réunir. J’ai été à une séance de leur comité cantonal et plaidé pour une entente. Je me suis même excusée auprès d’eux pour des histoires du passé que je ne connaissais pas dans tous les détails. Étrangement, ils s’estiment centristes mais ne veulent pas vraiment discuter avec les autres partis. Ils ne s’intéressent pas au consensus ni à la cohésion, ce qui est l’ADN même du centrisme. Je regrette que les Vert’libéraux n’aient pas voulu tourner la page pour ces élections et que nous nous battions l’un contre l’autre. Mais rien n’est perdu. Du moins, j’espère encore que nous finirons par nous retrouver.

Le Centre est fantomatique sur la scène politique cantonale. Comment pouvez-vous inverser la dynamique?
Avec beaucoup d’énergie positive. J’ai vu comment le parti a changé depuis un an et demi, à savoir depuis que la nouvelle équipe est en place. Mon comité ne démérite pas. C’est incroyable de voir cette transformation et c’est ce qui me donne de l’espoir. Nous sommes réellement en train de bâtir un nouveau parti centriste dans le canton, plus jeune et beaucoup plus féminin. Nous avons d’ailleurs beaucoup de nouveaux adhérents qui sont en phase avec le chemin que nous avons choisi. Au final, on attire toujours un peu ce qui nous ressemble. Non?

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