Jean Tschopp, juriste à la FRC
«La crème 'quantique' de Guerlain montre jusqu'où vont certaines enseignes»

Guerlain avait fait parler avec son pot de crème à 650 francs vendu comme issu de la «science quantique». De quoi agacer des scientifiques, mais aussi Jean Tschopp, responsable juridique à la Fédération romande des consommateurs (FRC) et conseiller national. Interview.
Publié: 13.01.2024 à 12:29 heures
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Léo MichoudJournaliste Blick

La crème de soin «quantique» n’a pas non plus convaincu la Fédération romande des consommateurs (FRC). Souvenez-vous. Ce cosmétique de Guerlain appelé «Orchidée Impériale Gold Nobile» a suscité de vives réactions d’une partie de la communauté scientifique, avec le physicien français Etienne Klein à sa tête.

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La marque s’est d’abord vantée de proposer «une nouvelle voie de réjuvénation cosmétique pour la peau née de la science quantique». La firme est revenue sur ses pas, à la suite des critiques. Sur son site, le parfumeur parisien indique désormais «une nouvelle voie de réjuvénation cosmétique pour la peau, issue de ses recherches en biologie quantique appliquée aux cellules cutanées».

Le terme litigieux est donc toujours là, mais Guerlain l’a utilisé un peu différemment. Jean Tschopp, responsable juridique à la Fédération romande des consommateurs (FRC), voit des risques pour les clientes et les clients touchés par les arguments de vente. Par ailleurs conseiller national, le politicien socialiste élu sous la Coupole en octobre souligne la loi fédérale contre la concurrence déloyale. Interview.

Jean Tschopp ne voit pas d'un bon œil les communications telles que celle réalisée par Guerlain pour sa crème «Orchidée impériale», qualifiée de «quantique».
Photo: Keystone/FRC/Guerlain

Jean Tschopp, la crème «quantique» de Guerlain est vendue en Suisse. Quel est le problème?
On est face à une publicité qui donne des indications inexactes sur la marchandise et qui crée un risque de confusion chez les consommateurs. Au sens communément admis du mot «quantique», on ne s’y retrouve pas. Les déclarations de scientifiques montrent bien que le terme a été dévoyé. À mon sens, c’est contraire à la loi contre la concurrence déloyale.

La marque s’est déjà reprise vis-à-vis de ce terme critiqué…
La réaction des scientifiques est heureusement arrivée très vite. Guerlain a indiqué avoir reprécisé sa communication, pour lever toute ambiguïté. Ça donne à penser que la marque a tiré les enseignements de ce qualificatif, qui n’était de toute évidence pas le bon. C’est dans l’intérêt des firmes de réfléchir aux termes mis en avant pour écouler leurs articles. Les libertés prises dans le descriptif de leurs produits peuvent se retourner contre elles.

Quelle peut être la réaction des consommatrices et consommateurs lésés?
Il y a la possibilité, pour des associations de défense des consommateurs, de déposer plainte pénale pour violation de la loi contre la concurrence déloyale. La question est toujours de déterminer le risque de confusion qu’une publicité ou une méthode de vente peut susciter chez le consommateur. Des protections existent dans la loi, mais, souvent, le consommateur renonce à titre individuel.

Mais comment faire pour éviter que les individus renoncent?
Il y a un réel besoin de l’instrument juridique de l’action collective. L’action collective permet à des associations, en cas de dommage de masse, d’agir devant les tribunaux au nom des consommateurs lésés. En ce sens, cette année est très importante. Un projet de loi du Conseil fédéral va être discuté au Parlement. Face à de grosses enseignes, cela rééquilibrerait le rapport de force pour les consommatrices et consommateurs que nous sommes, ou encore pour des PME. Contrairement à la plupart des pays européens, la Suisse ne connaît pas encore l’action collective.

Les marques derrière les produits de beauté et cosmétiques sont-elles coutumières de ce genre de publicités trompeuses?
C’est un domaine dans lequel les enseignes rivalisent de termes qui donnent à penser qu’il existe des crèmes miracles. On sait que les consommateurs redoutent le vieillissement et sont à l’affût de moyens qui permettent de le ralentir. Ce cas montre jusqu’où sont prêtes à aller certaines enseignes qui écoulent des crèmes avec des arguments de vente déconnectés de la réalité.

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