«Réel risque pour la sécurité»
Jouets Temu dangereux pour les enfants: la Suisse ne peut rien faire pour interdire

Un test européen a prouvé que 95% des jouets vendus sur la plateforme chinoise Temu présentent un danger pour les enfants. Ils ne sont pourtant pas (encore) interdits à la vente. L'Office fédéral de la sécurité alimentaire, compétent pour les jouets, nous éclaire.
Publié: 22.02.2024 à 17:04 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2024 à 08:54 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Des jouets si bons marchés que la gamme commence par des toupies en bois coûtant à peine 70 centimes. L'attrayante offre du site internet chinois Temu a de quoi faire rêver les parents au portemonnaie serré. Outre des livraisons qui tricheraient avec la TVA suisse, et des employés qui n'auraient qu'un jour de congé par mois, un argument vient s'ajouter à la liste des raisons pour éviter de céder à ces offres délirantes: les jouets sont dangereux pour les enfants.

La Fédération européenne des industries du jouet (TIE) a acheté et testé dix-neuf babioles sur le site de Temu. Aucune ne respectait pleinement la législation de l'Union européenne, et 18 présentaient un risque réel pour la sécurité des enfants. Le «hochet ruban arc-en-ciel», pour bébés, est un bon exemple. Ses clochettes en métal ont les bords tranchants et il contient des pièces avec lesquelles les petits peuvent s'étouffer.

95% des objets testés présentaient un risque pour les enfants.

En Suisse, l'Ordonnance sur les jouets fixe les règles de sécurité de ces objets, qui font partie des biens de consommation les plus réglementés. Pourquoi est-il donc si facile de se faire livrer des hochets qui coupent les doigts des bébés, et autres jeux néfastes?

La Fédération européenne des industries du jouet critique «les opérateurs sans scrupules établis en dehors de l’Union Européenne qui font fi des règles et vendent des jouets dangereux».
Photo: DR/Temu.com

Parce que Temu n'est pas Suisse, principalement. Mais la Suisse prévoit de durcir ses règles. Sarah Camenisch, porte-parole de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV), qui légifère aussi pour les jouets, répond à nos questions.

Sarah Camenisch, si ces objets sont reconnus comme dangereux, pourquoi avons-nous le droit de les importer?
Les boutiques en ligne étrangères ne sont pas soumises à la législation suisse. Elle ne s'applique pas non plus à l'importation d'objets usuels destinés à un usage domestique privé. Nous recommandons aux consommateurs de commander dans des boutiques en ligne suisses ou européennes, où les exigences en matière de sécurité sont les mêmes que dans notre pays.

La Suisse est-elle impuissante pour réguler ces objets?
Non. La Suisse prévoit d'introduire, dans le cadre d'une révision partielle de la loi sur les denrées alimentaires, une réglementation selon laquelle les plateformes en ligne étrangères devront retirer les offres de leur boutique si ces dernières ne remplissent pas les exigences. La révision sera mise en consultation cette année.

Lorsqu'on parle d'un jouet, qu'entend-on par «un risque réel sur la santé d'un enfant»?
L'annexe 2 de l'Ordonnance sur les jouets liste des dizaines et des dizaines d'exigences de sécurité. Elles sont très variées et minutieuses, s'assurant par exemple qu'un jouet ne comprend pas de risque d'asphyxie, ou qu'un jeu dans lequel on entre possède un moyen de sortie. Ce sont deux exemples parmi près de quarante critères à respecter.

Les jouets sont-ils testés avant d'être mis en vente?
Le fabricant procède à une évaluation avant de mettre un jouet en circulation pour la première fois. Elle comprend une analyse des dangers chimiques, physiques, mécaniques, électriques, des risques d'inflammabilité, de radioactivité et en matière d'hygiène que l'objet peut présenter.

Qui est responsable de s'assurer que ces critères sont respectés?
Les fabricants et les responsables de la mise sur le marché doivent s'assurer que leurs produits répondent aux exigences légales. Le contrôle des jouets est du ressort des cantons, sous la direction des chimistes cantonaux.

Blick souhaitait également savoir si un parent suisse avait la possibilité de se retourner contre Temu, dans le cas où un jouet acheté sur le site chinois causait une blessure. L'OSAV n'étant pas compétente, une avocate genevoise y répond, dubitative. «Une procédure en droit international contre un site à l'étranger est coûteuse, complexe et a peu de chance d'aboutir», estime la femme de loi. Elle ajoute: «Pour les sommes en jeu, c'est très compliqué d'aller les chercher à l'étranger. Il vaut mieux acheter des produits européens.»

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