Le parti national condamne
Le Centre neuchâtelois, nid de coronasceptiques

La présidente du Centre neuchâtelois, Nathalie Schallenberger, et le porte-parole de la section, l'ancien chef du foot suisse Freddy Rumo, diffusent de fausses informations sur les vaccins contre le Covid jusqu'au Grand Conseil. Le parti national s'étonne et condamne.
Publié: 23.10.2021 à 06:33 heures
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Dernière mise à jour: 25.10.2021 à 11:14 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Le profil Facebook de Freddy Rumo ressemble à celui de votre oncle complotiste. Sauf que l’avocat, suivi par plus de 2500 personnes sur le réseau social, n’est pas n’importe qui à Neuchâtel. Actuel porte-parole de la section cantonale du Centre, encore récemment vice-président du PDC local, l’avocat est aussi l’ancien président de Neuchâtel Xamax et de l’Association suisse de football.

«Les théoriciens du complot avaient raison, c’est une injection mortelle de poison», titre cet article partagé fin septembre par le septuagénaire. «Ce que nous vivons n’est pas une crise mais une escroquerie en bande organisée», tonne cette citation. La grippe tue à peu de chose près autant que le Covid-19, tente en substance de démontrer cette autre photo postée récemment.

Inutile de préciser ici que rien ne permet d’affirmer que les vaccins à ARN messager (ARNm) sont des injections mortelles, ni que la crise sanitaire est organisée. Et que le SARS-CoV-2 tue bien davantage que la grippe. Dans le microcosme politique neuchâtelois, des dents grincent de plus en plus fort.

«Ecoutez, Monsieur le Censeur…»

Contacté par Blick, Freddy Rumo, candidat malheureux à la présidence de l'UEFA en 1990, refuserait le vaccin même s’il y était éligible. «Je ne suis pas antivax comme on tend à qualifier toute personne opposée à ce vaccin, coupe-t-il. Je suis plutôt pro-vaccin, normalement.»

Ici, l'article prétend que le vaccin est une «injection mortelle».
Photo: DR
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Confronté à ses publications Facebook, celui qui a défendu l’équipe cycliste Festina dans les affaires de dopage et Bernard Tapie dans celle des matchs truqués se rétracte. «Sur mon écran, la partie «injection mortelle de poison» n’apparaît pas. Ce n’est vraiment pas mon opinion, c’est imbécile.»

Même chose pour la comparaison avec la grippe: «C’est une connerie, le Covid-19 tue davantage que la grippe traditionnelle!» Quid de l'«escroquerie organisée»? «Ecoutez, Monsieur le Censeur… Relayer un avis n’est pas le partager, c’est le faire connaître», s'agace l'ancien député.

Freddy Rumo présidait le club de football de Neuchâtel Xamax en 2003 alors que Gilbert Facchinetti (à gauche) était président d'honneur.
Photo: KEYSTONE/Sandro Campardo

Je ne suis pas complotiste, mais…

Vaccin en phase d’expérimentation 3, inconnues des effets secondaires à long terme, inefficacité de la piqûre face au variant Delta, vaccinés aussi contagieux que non-vaccinés, mensonges sur le nombre de vaccinés hospitalisés… Au téléphone, son discours rappelle celui de la complosphère et des sites d’information alternatifs.

«Nous ne sommes pas des complotistes, nous nous faisons du souci face à ce vaccin. Et on ne peut pas nier que des milliards vont dans les poches des gens qui prônent la vaccination.» Plus tard dans la conversation, il glisse: «On ne peut plus se fier aux statistiques nationales délivrées par des organes de la santé publique».

De nombreuses fausses informations

L'immense majorité des affirmations de Freddy Rumo ne sont pas corroborées par la science. Par exemple, les vaccins à ARNm sont efficaces contre le variant Delta et ses formes sévères. Les chiffres vont dans ce sens. Fin septembre, l’OFSP communiquait: 89% des patients Covid aux soins intensifs n’étaient pas vaccinés.

Les vaccinés ont même onze fois moins de chances de mourir que les non-vaccinés et 4,5 fois moins de chance d’être infectés, selon les dernières études américaines. Et, comme l’explique le sérieux quotidien québécois «La Presse», le risque de transmettre le Covid-19 reste moins grand après l’injection qu’avant, même avec le variant Delta.

Experts rassurants

Par ailleurs, l’immense majorité des spécialistes s’accorde: les effets secondaires apparaissent dans les mois qui suivent la vaccination, comme nous le soulignions dans notre grand fact-checking cet été. «Il est cependant possible dans de très rares cas que des effets secondaires perdurent dans le temps et au-delà de six mois», précise à Blick l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Selon les experts, il n’y a pas de raison de penser qu’il y aura des inconvénients à long terme: l’ARNm — testé sur l’humain depuis les années 2000 — disparaît de l’organisme très rapidement.

Nous ne sommes pas des cobayes

La question de la fameuse phase 3 d’expérimentation — très en vogue dans les milieux anti-vaccins et complotistes depuis plusieurs mois — a pourtant été réglée. Même s’ils sont encore dans la phase 3, les vaccins à ARNm ne sont plus en phase d’expérimentation et les tests de sécurité sont terminés, confirme Swissmedic, autorité d'autorisation et de surveillance des produits thérapeutiques.

Les entreprises pharmaceutiques suivent encore les volontaires notamment pour mesurer la durée de protection et répertorier des effets indésirables rares à plus long terme, comme pour tout autre médicament. C'est la pharmacovigilance. En résumé, les vaccinés ne sont pas des cobayes.

L'immense majorité des affirmations de Freddy Rumo ne sont pas corroborées par la science. Par exemple, les vaccins à ARNm sont efficaces contre le variant Delta et ses formes sévères. Les chiffres vont dans ce sens. Fin septembre, l’OFSP communiquait: 89% des patients Covid aux soins intensifs n’étaient pas vaccinés.

Les vaccinés ont même onze fois moins de chances de mourir que les non-vaccinés et 4,5 fois moins de chance d’être infectés, selon les dernières études américaines. Et, comme l’explique le sérieux quotidien québécois «La Presse», le risque de transmettre le Covid-19 reste moins grand après l’injection qu’avant, même avec le variant Delta.

Experts rassurants

Par ailleurs, l’immense majorité des spécialistes s’accorde: les effets secondaires apparaissent dans les mois qui suivent la vaccination, comme nous le soulignions dans notre grand fact-checking cet été. «Il est cependant possible dans de très rares cas que des effets secondaires perdurent dans le temps et au-delà de six mois», précise à Blick l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Selon les experts, il n’y a pas de raison de penser qu’il y aura des inconvénients à long terme: l’ARNm — testé sur l’humain depuis les années 2000 — disparaît de l’organisme très rapidement.

Nous ne sommes pas des cobayes

La question de la fameuse phase 3 d’expérimentation — très en vogue dans les milieux anti-vaccins et complotistes depuis plusieurs mois — a pourtant été réglée. Même s’ils sont encore dans la phase 3, les vaccins à ARNm ne sont plus en phase d’expérimentation et les tests de sécurité sont terminés, confirme Swissmedic, autorité d'autorisation et de surveillance des produits thérapeutiques.

Les entreprises pharmaceutiques suivent encore les volontaires notamment pour mesurer la durée de protection et répertorier des effets indésirables rares à plus long terme, comme pour tout autre médicament. C'est la pharmacovigilance. En résumé, les vaccinés ne sont pas des cobayes.

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Au téléphone, Nathalie Schallenberger, présidente du parti cantonal et avocate dans l’étude… Freddy Rumo, ne se distancie pas des propos de son collègue. «Je ne souhaite pas commenter. Je suis pour la liberté d’expression.» Et pour cause: elle défend, plus discrètement, une ligne similaire, dénonçant le consensus scientifique et les médias mainstream.

Fake news au parlement

En juin, elle porte même certaines des thèses favorites des coronasceptiques au Grand Conseil. Dans son interpellation à propos du vaccin et du «consentement éclairé» des patients, l’ancienne conseillère communale (exécutif) Verte de La Chaux-de-Fonds balance: ce «vaccin […] est encore en phase expérimentale».

Dans le même texte, l'ancienne candidate au Conseil d'Etat affirme avec aplomb que «les fabricants des vaccins contre le Covid-19 mis sur le marché ont décliné toute responsabilité liée aux effets secondaires potentiels». Parmi les six signataires: les trois autres députés du Centre — dont Brian Cuche, qui a démissionné depuis — et Manon Freitag, également avocate dans l’étude Freddy Rumo, alors députée-suppléante.

L’OFSP dément

«Il est infondé de prétendre que les vaccins disponibles en Suisse sont en phase expérimentale, s’insurge Laurent Kurth, conseiller d’Etat en charge de la Santé, joint par Blick. C’est formellement faux: ils ont été accrédités par Swissmedic, autorité indépendante, et dispensé à des millions de personnes avec des résultats conformes aux études cliniques.» L’Institut suisse des produits thérapeutiques juge aussi l’affirmation «trompeuse».

En matière de responsabilité, le droit fédéral s’applique comme pour tout autre médicament, assure par ailleurs l’élu socialiste. Contacté par Blick, l’OFSP confirme. «Les règles habituelles de responsabilité s’appliquent également aux vaccins contre le Covid-19. […] Les contrats que la Confédération conclut avec les fabricants de vaccins n’éliminent pas la responsabilité du fabricant et ne créent pas une nouvelle responsabilité pour la Confédération».

Coronascepticisme décomplexé

La femme de loi assume son scepticisme face aux vaccins à ARNm. «J’ai des doutes par rapport à ces vaccins. Ou non-vaccins, je ne sais pas comment les appeler. En tant que députée, je ne peux pas dire à la population qu’ils sont sans danger.» Nathalie Schallenberger ne veut rien entendre du consensus sur les vaccins. La députée estime que «de grands professeurs sont à contre-courant» mais que les médias ne leur donneraient pas suffisamment la parole.

Nathalie Schallenberger se bat aussi contre le pass sanitaire.
Photo: KEYSTONE/PDC Neuchâtel

Mercredi soir à La Chaux-du-Milieu, dans les Montagnes neuchâteloises, avait lieu l’assemblée générale extraordinaire de son parti. Parmi les mots d’ordre en vue des votations fédérales du 28 novembre: non à la loi Covid-19. La section en avait déjà combattu la première mouture en juin.

Au cœur de cette fronde: le pass sanitaire. «Nous ne sommes pas dans une situation d’urgence, il n’y a donc pas lieu de faire entrave à nos libertés constitutionnelles», appuie Nathalie Schallenberger. Au niveau suisse, un seul parti combat cette loi: la conservatrice UDC.

Le parti national «étonné»

Blick a soumis les publications Facebook de Freddy Rumo et l’interpellation de Nathalie Schallenberger à la direction nationale du Centre, qui n’en avait pas connaissance. «Nous avons été étonnés de ces déclarations de certains membres de la section cantonale neuchâteloise. Nous condamnons ces propos», lâche Astrid Bärtschi, porte-parole.

Logique: sous la Coupole fédérale, le parti est un fervent partisan de la vaccination. «Au niveau national, nous sommes d’un avis résolument différent. Nous soutenons clairement la loi Covid-19 et le certificat obligatoire et nous sommes heureux que la population suisse ait pu bénéficier si rapidement des avantages de ces vaccinations innovantes. Mais, bien entendu, nos sections cantonales sont libres d’adopter leurs propres mots d’ordre.»

Les centristes neuchâtelois n’en sont pas à leur coup d’essai. En septembre 2020, ils avaient roulé pour l’initiative pour des multinationales responsables main dans la main avec la gauche. Les frondeurs n’ont sans doute pas fini de donner du fil à retordre à leur «maison-mère».

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