Le plan climat de Simonetta Sommaruga critiqué
«Ce n'est pas une politique des petits pas, c'est une politique des micro-pas»

Après le refus de la loi CO₂, la conseillère fédérale en charge de l'environnement renonce aux taxes et aux interdictions et tente une approche prudente sur les questions climatiques. Les scientifiques sont sceptiques et critiquent une politique trop timide.
Publié: 27.09.2021 à 18:57 heures
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Dernière mise à jour: 27.09.2021 à 19:55 heures
Camilla Alabor (texte), Alexandre Cudré (adaptation)

La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga ne veut visiblement pas se voir reprocher de ne pas prendre au sérieux le «non» à la loi sur le CO₂ de juin dernier. Il y a une semaine, la ministre de l’environnement a présenté une proposition plutôt timide sur la façon de procéder en matière de politique climatique. Il n’y aura plus de taxes ni d’interdictions. La socialiste préfère miser sur les incitations.

Le projet de loi contient le soutien financier au remplacement des anciens systèmes de chauffage au fioul et au gaz, ainsi que le développement des infrastructures pour les voitures électriques.

Aucune taxe sur les billets d’avion n’est envisagée. En revanche, une composition particulière de mélange de fioul doit s’appliquer au secteur aérien, sur le modèle de l’UE. Cela signifie que les compagnies aériennes doivent faire le plein avec une proportion minimale de carburant durable. La possibilité de leur verser des taxes pour atteindre cet objectif est étudiée.

Le rejet de la loi CO₂ a été une défaite cuisante pour la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga.
Photo: Keystone
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Mesures insuffisantes pour les objectifs de l’Accord de Paris

Certains scientifiques sont déçus par l’approche très prudente de la conseillère fédérale. «Les mesures sont loin d’être suffisantes pour respecter les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris», déclare Thomas Stocker, chercheur en climatologie à l’Université de Berne. «Ce n’est pas une politique des petits pas, c’est une politique des micro-pas».

Thomas Stocker comprend que Simonetta Sommaruga soit prudente après la défaite de la loi Covid en juin dernier. «Mais les taxes font partie de la solution pour atteindre les objectifs climatiques, dit-il. Le porte-monnaie est un signal important.»

Afin de rendre les taxes incitatives acceptables pour la majorité, le scientifique suggère de les différencier sur le modèle fiscal. «Par exemple, ceux qui vivent à la campagne et gagnent peu pourraient payer moins. Comme pour les impôts, les circonstances régionales pourraient être prises en compte.»

Détracteurs et soutiens pour la politicienne

Pour la Lausannoise Sonia Seneviratne, chercheuse en climatologie à l’EPFZ et coautrice de plusieurs rapports du GIEC, l’approche progressive de Simonetta Sommaruga n’est pas une mauvaise idée. «Mais il faut penser vite à ce qui vient après», prévient-elle.

Pour réduire de moitié les émissions de CO₂ d’ici 2030, une réduction d’environ 6% par an est nécessaire. «Nous n’y parviendrons certainement pas avec ces seules propositions.»

Elle est également favorable à la mise en place de taxes et trouve que les interdictions seraient justifiées: «Il serait plus judicieux d’interdire les voitures à essence que de rendre l’essence plus chère», préconise-t-elle. Bien entendu, une telle interdiction devrait être introduite progressivement.

La conseillère fédérale n’a cependant pas que des détracteurs. Plusieurs universitaires soutiennent ses propositions. Parmi eux, Anthony Patt, professeur de politique climatique à l’EPFZ, est contre les taxes incitatives.

58% souhaiteraient une approche plus engagée

Si les chercheurs sont prudents dans leur évaluation de la nouvelle politique climatique, le président des Verts, Balthasar Glättli, est moins diplomate. Il critique le «découragement» du gouvernement national: «Le Conseil fédéral réagit de manière totalement erronée au 'non' à la loi CO₂».

Selon l’analyse des résultats du référendum, 58% des personnes interrogées souhaitaient une action décisive contre le changement climatique, précise le président du parti. «Nous devons donc avancer plus rapidement là où il n’y a pas de critique de la part des citoyens.»

Par exemple, le Conseil fédéral devrait veiller à ce que la Banque nationale n’investisse plus dans le pétrole, le gaz et le charbon. Le président des Verts trouve «incompréhensible» que la place financière ne soit pas incluse, alors que ce point était incontesté dans la loi CO₂ rejetée. «La proposition de subventionner les compagnies aériennes pour qu’elles respectent le quota de mélange avec des carburants durables est tout simplement absurde», affirme Balthasar Glättli. «Au lieu de jeter l’argent des taxes aux compagnies aériennes, il faut prévoir des sanctions si elles n’atteignent pas l’objectif fixé.»

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