«Le sol s'écroule sous nos pieds»
Ce couple faisait des journées de 13 heures – ils ont été licenciés sans motif

Ils ont travaillé six ans dans une entreprise de logistique dans le canton de Berne, avec des journées qui pouvaient durer 13 heures. Puis Gabriela et Ruedi Würgler ont été licenciés, sans motif. A plus de 60 ans, la recherche d'un nouvel emploi est quasi impossible.
Publié: 15.04.2024 à 15:58 heures
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Dernière mise à jour: 15.04.2024 à 16:10 heures
Sarah Frattaroli

«Nous nous sommes battus pendant des années, et maintenant ça», déplore Ruedi Würgler, abasourdi. Il est assis à la table de sa maison dans l'Emmental, à côté de son épouse Gabriela. Tous deux travaillaient jusqu'à récemment dans la même entreprise de logistique de la région de Burgdorf (BE). Aujourd'hui, ils ont reçu leur lettre de licenciement. Sans indication de motifs.

Mais le couple a des soupçons, ils auraient peut-être été trop critiques vis-à-vis de leur employeur. «Nous nous sommes défendus, nous avons parfois même crié», raconte Ruedi Würgler. Ce sont surtout les horaires qui auraient posé problème: les journées de travail étaient régulièrement de onze, douze, voire treize heures. C'est ce que prouvent les relevés de temps de travail dont dispose Blick. Comme certains employés étaient régulièrement absents pour cause de maladie, ceux qui restaient devaient faire des heures supplémentaires. Et ce pour un salaire net de moins de 4000 francs par mois.

«Au bout d'un moment, on n'arrive plus à commencer à 6 heures du matin et à ne finir qu'à 19h30», se souvient Gabriela Würgler. «Après le travail, notre vie privée se résumait à prendre une douche, manger et dormir.»

Ruedi et Gabriela Würgler travaillaient jusqu'à récemment dans la même entreprise de logistique de la région de Burgdorf (BE).
Photo: Thomas Meier
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Elle doit se faire opérer, elle est licenciée

À cela s'ajoutent des signes d'usure physique. Une inflammation chronique se développe sur les mains de Gabriela Würgler, au niveau d'une articulation du pouce. Elle doit être opérée. Lorsqu'elle communique la date de l'opération à son employeur, elle est licenciée par retour du courrier.

Ruedi Würgler prend la défense de son épouse, s'adresse à son chef, s'indigne – une fois de plus. «C'est injuste!» Peu de temps après, il est lui aussi licencié. «Je suis bien sûr devenu très émotif lorsqu'on m'a remis mon licenciement», admet Ruedi Würgler. Il s'en prend alors à ses supérieurs. «On m'en tient maintenant rigueur.»

Ruedi Würgler se remet également d'une opération à ce moment-là. Lors d'un accident de travail, il s'est blessé au gros orteil et a travaillé pendant des mois avec de fortes douleurs – jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. «Entre-temps, mon pied s'est rétabli à 90%», explique-t-il. «Mais psychiquement, je suis au plus bas.»

Le couple de l'Emmental est très affecté par ce licenciement soudain. Ils travaillaient dans l'entreprise depuis près de six ans. «Et tout à coup, on n'a plus besoin de vous», dit Ruedi Würgler en secouant la tête. Il suit un traitement psychologique, prend des médicaments «pour éviter les mauvaises pensées», comme il le dit lui-même. «Je ne m'attendais pas à ça. Le sol s'écroule sous nos pieds». La nuit, il reste souvent éveillé pendant des heures, ressassant les événements en boucle.

«L'essentiel, c'est de travailler!»

Les chances pour Gabriela et Ruedi Würgler de trouver un nouveau travail sont minces. Malgré des affirmations contraires, la guillotine de l'âge est une réalité sur le marché du travail suisse. Gabriela et Ruedi Würgler sont encore en congé maladie en raison des opérations et de la charge psychique liée à leur licenciement, mais ils rédigent malgré tout des CV et des lettres de motivations. Et les refus pleuvent.

«Mais je n'abandonne pas, peut-être que je vais avoir un coup de chance», souligne Ruedi Würgler. Logistique, montage, construction, ou encore en tant qu'ouvrier ou chauffeur, Ruedi balaie large. «L'essentiel, c'est de travailler!» Même au-delà de l'âge normal de la retraite. Gabriela Würgler vient à l'origine du secteur de la mode, elle a longtemps travaillé dans la vente. «Mais si possible, j'aimerais retourner travailler dans la logistique.»

En plus de la recherche d'emploi, des problèmes de santé et des angoisses existentielles, il y a l'aspect juridique. En effet, les Würgler ont fait opposition à leur licenciement. L'affaire est encore en suspens. C'est pourquoi Blick ne donne pas le nom de l'employeur.

Les Würgler vivent dans l'annexe d'une ferme, ce qui leur garantit un loyer modéré. De quoi soulager la pression et leur offrir un peu de calme. Mais ce qui est plus important, c'est qu'ils peuvent donner un coup de main à la ferme. Se promener avec le bouvier bernois du voisin. Aider au bûcheronnage. La maison est chauffée par un poêle. «Couper du bois me permet de m'occuper et de me distraire», confie Ruedi Würgler.

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