L'électricité coûte cher
Le propriétaire d'une installation solaire en conflit avec la Confédération

Le proprio d'une installation solaire est en conflit avec Berne. Il menace carrément de tout débrancher lui-même. La raison: un système qui était censé encourager les énergies vertes et l'arranger financièrement est devenu un poids sur ses épaules de retraité.
Publié: 27.09.2022 à 06:01 heures
Michael Sahli

Bruno Stampfli est en colère. Depuis 2013, ce boucher à la retraite exploite une installation solaire sur sa halle commerciale à Schattdorf (UR). Cette dernière peut alimenter environ 25 ménages en électricité. Mais en raison des prix élevés, l’homme de 69 ans est sur le point de tout débrancher.

Depuis 2018, Bruno Stampfli reçoit une aide financière de la Confédération, appelée rétribution de l’injection à prix coûtant (RPC). L’idée étant de favoriser les énergies renouvelables. Dans les grandes lignes, si quelqu’un construit par exemple une installation solaire sur son toit et injecte de l’électricité dans le réseau, un prix d’achat fixe est garanti pour l’énergie. Si le prix du marché est inférieur, la Confédération prend en charge la différence. Chez l’ex-boucher, le prix garanti était de 20,6 centimes par kilowattheure.

100 ans pour amortir les coûts

Seulement voilà, à partir de 2021, les prix de l’électricité ont fortement augmenté. Résultat: on a dépassé le prix minimum de 20,6 centimes sur le marché libre.

Bruno Stampfli n'est plus de son installation solaire.
Photo: Siggi Bucher
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Le retraité ne peut donc pas en profiter. Si son fournisseur d’électricité lui verse plus que les 20,6 centimes par kilowattheure, il doit payer la différence à la Confédération. Au lieu de recevoir des subventions, l’homme reçoit désormais des factures de la part de Berne! «J’ai déjà accumulé des créances de près de 2000 francs», s’énerve-t-il. Si cela continue, il devra vivre plus de 100 ans pour réussir à amortir les coûts de toute son installation.

Malchance et endettement

Le sexagénaire n’a jamais eu beaucoup de chance. En 2012, son hangar avait brûlé, après avoir déjà été détruit par une inondation en 2005. L’année suivante, l’ancien boucher avait reconstruit le bâtiment et avait opté pour une grande installation solaire sur le toit. Pour ce faire, il avait investi plus de 300’000 francs tirés de sa prévoyance vieillesse.

Pendant cinq ans après la mise en service de l’installation, l’homme était sur la liste d’attente pour bénéficier d’une RPC. Il n’a reçu aucune aide de la Confédération durant cette période. «Pendant toutes ces années, j’ai pu gagner à peine 6 centimes par kilowattheure», raconte-t-il à Blick.

Ce n’est qu’en 2018 qu’il est intégré au système de rétribution du courant injecté et qu’il a bénéficié d'un prix minimum. Il était loin de se douter qu’il en payerait littéralement les frais quelques années plus tard.

L’ancien boucher confie se sentir trahi et ne songe pas à rembourser son «excédent de bénéfice» à la Confédération: «Ma femme a réglé la première facture. J’ai ensuite cessé de payer.» Un premier rappel lui est déjà parvenu chez lui. «Si une poursuite est engagée, je débranche l’installation, même si je ne gagne plus rien. C’est une question de principe», explique-t-il.

Problème reconnu par la Confédération

À l’Office fédéral de l’énergie, on connaît la problématique. «Nous avons peut-être eu une poignée de personnes qui se sont manifestées parce qu’elles avaient été admises dans le système de la rétribution du courant injecté juste avant la hausse des prix et qui ont maintenant du mal à payer», explique Marianne Zünd, responsable presse.

Selon elle, le soutien est conçu de manière à ce que les coûts d’investissement puissent être récupérés dans un délai raisonnable. «Mais l’idée n’est pas que les bénéficiaires puissent se faire une fortune», souligne-t-elle. «De plus, chacun est libre de tenter sa chance sur le marché libre et de se retirer ensuite, poursuit la communicante. Mais ils doivent vivre avec le risque que le prix puisse à nouveau baisser. Un retour dans le système n’est alors plus possible.»

Bruno Stampfli ne sait pas encore si un abandon serait une option pour lui. Il fait tout de même preuve d’un peu d’humour, histoire de mieux faire passer la pilule: «Si j’ai de la 'chance', le prix de l’électricité tombera en chute libre le lendemain de ma sortie du marché libre!»


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