L'ex-édile vaudois Claude Ruey sort du bois
«Il est temps que Pascal Broulis se retire»

L'ancien conseiller d'Etat et ex-conseiller national Claude Ruey estime que les ministres vaudois Pascal Broulis et Philippe Leuba ne doivent pas faire la législature de trop. Alors que les élections cantonales approchent, il veut que place soit faite aux jeunes.
Publié: 29.06.2021 à 16:16 heures
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Dernière mise à jour: 29.06.2021 à 16:41 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Les conseillers d’Etat PLR Pascal Broulis et Philippe Leuba temporisent. Les deux hommes forts de la droite vaudoise avaient jusqu’au 25 juin pour indiquer à leur parti s’ils souhaitaient se représenter à l’élection au Conseil d’État en mars 2022, révélait vendredi «24 heures». Soit très exactement cinq jours avant le congrès du parti qui se tiendra le 1er juillet à Aigle. Les deux ministres ont cependant fait repousser le délai des candidatures de deux mois.

Une décision qui irrite en coulisse. Alors que le PLR a pris une claque aux dernières élections communales en perdant neuf de ses 26 municipaux dans les villes de plus de 10’000 habitants, des voix s’élèvent en «off» pour demander à Pascal Broulis, qui siège depuis 2002, et à Philippe Leuba, en place depuis 2007, de «dégager». Mais personne ne se risque publiquement. À part Claude Ruey, ancien conseiller d’Etat libéral (1990-2002) et ex-conseiller national (1999-2011) qui confie à Blick trouver le grand argentier Broulis «émoussé». Interview.

Après les communales de mars, comment le PLR devrait-il procéder pour inverser la vapeur en vue des élections cantonales du printemps 2022?
Claude Ruey
: En étant fidèle à sa ligne originelle et à ses fondamentaux. À Morges, par exemple, où le parti n’a pas perdu, les élus se sont constamment battus pour défendre une ligne qui correspond au PLR. À l’inverse, à Nyon, le tract de campagne du PLR commençait par le développement durable. Ce n’est absolument pas crédible. Commençons par des finances saines, faisons ce pourquoi notre électorat nous a élus. Bien sûr qu’il faut s’occuper de l’environnement, mais il y a différents moyens. On l’a vu encore récemment avec le NON à la Loi sur le Co2: le PLR s’est égaré en défendant des projets de nouvelles taxes. Ce qui ne veut pas dire que nous ne devons pas évoluer avec la société. Mais il y a une dérive qui ne passe pas.

Comment expliquez-vous la dérive opportuniste dont vous parlez?
Je peine à le faire. Prenez un Philippe Nantermod (ndlr: conseiller national valaisan et vice-président du PLR Suisse) ou une Johanna Gapany (ndlr: conseillère aux Etats fribourgeoise), qui est peut-être moins outrée que Philippe sur certains points. Ce sont des personnalités qui ont une véritable boussole politique dans la tête. Ils tiennent fermement une ligne et correspondent à ce pour quoi ils ont été élus. Dans le canton de Vaud, le parti et ses députés sont peut-être plus mous, moins carrés.

Et au Conseil d’Etat? Pascal Broulis et Philippe Leuba s’accrochent à leur siège depuis 2017 alors qu’ils avaient assuré qu’ils partiraient au cours de la législature en cours. Aujourd’hui, personne ne connaît leurs intentions.
Pourquoi laisser perdurer ce flou? C’est perdre autorité sur son propre destin. Quand je me suis lancé au Conseil d’Etat, j’avais imaginé en mon for intérieur que je partais pour quatre législatures, alors que la norme au parti libéral était de trois. Après deux et demi, je me suis ravisé. J’ai annoncé publiquement que je me retirerai à la fin de la législature un an avant les élections. En tant qu’édile, on se doit de le faire pour être libre. Si on se laisse dicter son agenda par son parti ou pour la presse, on est mal. Alors pourquoi Pascal Broulis et Philippe Leuba ne s’avancent pas? Ont-ils peur de perdre de leur autorité? Mais c’est faux, c’est même tout l’inverse. J’aimerais qu’ils prennent rapidement une décision.

Quelle serait la bonne décision à prendre pour Pascal Broulis et Philippe Leuba?
Pascal Broulis a fait quatre législatures, je pense qu’il est temps qu’il se retire. Son procès avec l’éditeur Tamedia aura lieu d’ici à la fin de l’année, il est émoussé (ndlr: cette action civile est menée par le conseiller d’État contre un journaliste du «Tages-Anzeiger» pour atteinte à la personnalité). Concernant Philippe Leuba, qui en est à sa troisième législature, je suis plus indécis. Mais uniquement pour des raisons tactiques. Quel moment serait le plus opportun pour éviter de perdre un siège? Je ne le sais pas mais en tout cas pas en cours d’une législature. Je n’aime pas ces «combinazione».

Mais ne craignez-vous pas de perdre deux formidables locomotives électorales? Pascal Broulis a fait plus de 100’000 voix en 2017.
Je ne sais pas jusqu’à quel point nos deux conseillers d’Etat seront des locomotives. Il ne faut pas faire la législature de trop. Et bon sang, il faut penser avant tout à l’avenir du canton. Il faut le redynamiser, en laissant la place aux jeunes.

D’après vous, qui a un poids électoral suffisamment conséquent pour éviter la perte d’un de vos trois sièges? En quinze ans, seule une place PLR s’est libérée au Château. Le parti a sacrifié une génération.
Depuis quelque temps, on ne voit plus de grosses pointures émerger. Christelle Luisier fait exception, on la voyait se profiler et j’ai beaucoup de bons échos. J’ai connu une époque où des personnalités s’imposaient naturellement. Quand elles parlaient, elles faisaient silence et décision. Aujourd’hui, je ne sais pas s’il y a de grands leaders au Parlement.

Tout de même. Dans vos rangs, il y a l’ancien syndic d’Aigle et conseiller national Frédéric Borloz, l’ancien syndic de Montreux et conseiller national Laurent Wehrli ou encore le député Alexandre Berthoud. Aucun ne trouve grâce à vos yeux?
Frédéric Borloz, comme Laurent Wehrli, a une bonne expérience d’exécutif et une certaine solidité, c’est vrai. Alexandre Berthoud? Je ne le connais pas assez mais c’est un type formidable. Une fois, il m’a dit qu’il avait toujours voté pour moi (rires). Plus sérieusement, c’est une personnalité intéressante, qui se profile dans les traces de Pascal Broulis. Il a été président de la Commission des finances, il est cadre à la BCV… Pourquoi pas.

Toujours à propos des élections cantonales, certains ténors plaident pour une grande alliance de droite. Mais avec une UDC imprévisible et des vert’libéraux qui ont le vent en poupe, est-ce vraiment réaliste?
On ne peut pas gagner tout seul, c’est une réalité. Voulons-nous retrouvez la majorité que nous avons perdue il y a 10 ans? Si oui, il faut accepter de s’entendre sur un socle commun. Si j’étais en fonction, j’essaierais de tout faire pour que les vert’libéraux ne soient pas trop à gauche. Je ferais beaucoup de pédagogie pour essayer d’éviter les procès d’intention. Nous devons accepter les divergences d’opinions. Et je crains que si les choses ne sont pas clarifiées, on risque bel et bien d’avoir un siège de moins à droite.

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