L'incendie se propage
La crise chez Credit Suisse atteint le marché domestique

Après la banque d'investissement et la gestion de fortune, c'est maintenant l'entité suisse qui souffre. La crise débutée il y a deux ans ne semble pas se résorber.
Publié: 19.02.2023 à 06:26 heures
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Dernière mise à jour: 19.02.2023 à 10:34 heures
Beat Schmid*

C'est une information qui pourrait passer inaperçue. Pourtant, elle illustre l'étendue de la crise qui secoue Credit suisse, et ce jusqu'à sa filiale nationale. Le Banco de Crédito e Inversiones, une banque de détail chilienne, a levé la semaine dernière 135 millions de francs suisses sur le marché des obligations. Ce type d'opération est classique pour Credit Suisse.

Placer des emprunts, réaliser des introductions en bourse et des augmentations de capital, structurer des crédits aux entreprises, c'est précisément le cahier des charges d'une banque. Il s'agit du cœur de son activité. Et pour Credit Suisse, c'est justement sur ce point que c'est construit sa grandeur. La banque est incontournable dans le domaine… ou du moins, il en a toujours été ainsi.

Mais voilà, la transaction avec la banque chilienne n'a pas été réalisée sous la direction de Credit Suisse, mais par le biais d'UBS et la Banque cantonale de Zurich. «Autrefois, il est presque certain que Credit Suisse aurait été l'une des banques chefs de file», explique Guido Versondert, analyste de crédit auprès de l'agence de notation suisse Independent Credit View. Le fait que cela ne soit plus une évidence aujourd'hui montre que la banque est sous pression, même dans son activité principale.

La branche helvétique de Credit Suisse gagne moins: les revenus ont diminué d'un cinquième par rapport au même trimestre de l'année précédente.
Photo: KEYSTONE
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Le fait que la concurrence parvienne à attaquer Credit Suisse sur son marché domestique entraîne une nervosité accrue pour cette entité. Cela s'est notamment manifesté à la fin de l'année dernière, lorsque la succursale suisse de la banque J.P. Morgan a publié une statistique montrant les Étasuniens en tête des opérations sur le marché des capitaux. Credit Suisse s'est vu injustement relégué à la deuxième place et a qualifié le tableau de trompeur, car il ne s'agissait pas d'une statistique officielle.

La crise a désormais atteint le marché domestique

Les sorties d'argent montrent aussi que la crise est arrivée sur le marché intérieur. Au quatrième trimestre, la banque a perdu 8,3 milliards de francs. Entre juillet et septembre, l'entité suisse, dirigée par André Helfenstein, avait déjà perdu 1,5 milliard. Cela fait donc un total de près de dix milliards de francs.

Entre-temps, la branche helvétique de Credit Suisse gagne également moins. Les revenus ont diminué d'un cinquième par rapport au même trimestre de l'année précédente. Le bénéfice avant impôt est tombé à 259 millions de francs au quatrième trimestre, soit une baisse de 40% par rapport au même trimestre de l'année précédente.

Comme dans d'autres départements, la banque voit partir des collaborateurs importants. Ils ne vont pas seulement chez les grands concurrents directs comme UBS, Julius Baer ou ZKB. Ces derniers mois, des équipes entières ont rejoint de petits établissements comme la banque Rothschild, la LGT du Liechtenstein ou la très petite banque Zimmerberg.

Un incendie généralisé en deux ans

Les problèmes ont commencé il y a deux ans par un double coup d'éclat. La perte de cinq milliards avec le hedge fund Archegos et l'effondrement des fonds de la chaîne d'approvisionnement Greensill ont plongé Credit Suisse dans une crise dont il ne s'est toujours pas sorti. Ce qui était des événements isolés il y a deux ans s'est entre-temps transformé en un incendie généralisé.

Ce n'est pas seulement la banque d'investissement qui est touchée et qui est complètement transformée, mais aussi la gestion d'actifs et la clientèle privée – les trois départements multiplient les pertes au cours du dernier trimestre.

L'évolution est surtout inquiétante dans la gestion de fortune, le fameux Wealth Management, qui a perdu 93 milliards de francs au quatrième trimestre. Inquiétant aussi parce que ce département doit être au centre du futur «New Credit Suisse».

*Le journaliste Beat Schmid (54 ans) écrit dans le SonntagsBlick sur des sujets financiers. Il est l'éditeur du média en ligne tippinpoint.ch.

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