L'appel d'Antoine Flahault
«Il faut un masque même pour les plus petits»

Face à la quatrième vague de Covid, l'épidémiologiste Antoine Flahault recommande le port du masque à l'école, y compris pour les moins de 12 ans. Membre de la Task Force de la Confédération, il répond aux parents qui craignent pour leurs enfants.
Publié: 03.09.2021 à 13:20 heures
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Dernière mise à jour: 03.09.2021 à 15:32 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Port du masque à l’intérieur pour tous à l'école, même lors des cours de sport et y compris pour les moins de 12 ans, certificat Covid pour aller à l’école pour les plus de 12 ans, ventilation vérifiée par capteurs CO2 et tests salivaires PCR hebdomadaires. Sur Twitter, Antoine Flahault n'y va pas par quatre chemins, mais par quatre recommandations, alors que les moins de 19 ans comptent pour un tiers des cas de Covid en Suisse (lire encadré). Membre de la Task Force scientifique de la Confédération, l'épidémiologiste s'alarme: les enfants pourraient devenir les catalyseurs d’une quatrième vague de Covid-19 «difficile à contrôler».

Pour Blick, le directeur de l’Institut de santé globale et professeur à la faculté de médecine de l’Université de Genève a accepté d'étayer — par écrit — son propos et de répondre par la même occasion aux parents qui craignent pour leur progéniture face au variant Delta.

Les autorités fédérales et cantonales ne semblent pas considérer les écoles comme des lieux de contamination. Ont-elles raison?

Antoine Flahault: Les salles de classe et les cantines scolaires sont des lieux clos, souvent bondés et peu ventilés. Elles créent des conditions particulièrement favorables à la transmission du coronavirus et en particulier de son variant Delta. Par ailleurs, les enfants de moins de 12 ans représentent le seul segment de la population non éligible à la vaccination et les 12-17 ans sont peu vaccinés dans le pays.

Les écoles pourraient donc être des moteurs d’une violente quatrième vague de Covid-19…

La couverture vaccinale contre le Covid en Suisse est particulièrement basse, situant le pays en queue de peloton en Europe de l’Ouest. Alors que 57,6% des Suisses ont reçu au moins une dose de vaccin, le Portugal, l’Espagne, la Belgique, la France, l’Italie, l’Allemagne, ou les Pays-Bas avoisinent ou, le plus souvent, dépassent les 70%. Or même avec 70% de la population vaccinée, Israël fait face depuis début juillet à sa plus forte vague enregistrée depuis le début de la pandémie, qui continuait de croître début septembre. Même si, à niveau d’incidence égale, la mortalité due au Covid rapportée en Israël reste trois fois inférieure à celle de la vague de janvier 2021. La Suisse n’est donc nullement à l’abri d’une forte vague, et sa couverture vaccinale relativement faible la rend particulièrement vulnérable vis-à-vis de la résistance de son système hospitalier cet automne et cet hiver.

Quel est l’impact du variant Delta? Les enfants sont-ils désormais aussi contagieux que les adultes?

Dans toutes les maladies respiratoires virales, les enfants jouent un rôle important dans la transmission. Parce que celle-ci se fait essentiellement — si ce n’est exclusivement — par aérosols. Comme on a pu le voir, les écoles sont des hauts lieux de contaminations lorsqu’on parle de ce genre de virus. Toutefois, le coronavirus et ses variants sont moins virulents chez les enfants par rapport aux adultes, dans le sens où ils entraînent moins souvent des complications menant à l’hôpital ou au décès que chez leurs aînés. C’est toujours le cas du variant Delta, mais sa caractéristique, outre sa transmissibilité accrue, est sa plus grande virulence, chez l’enfant comme chez l’adulte, comme l’estiment les études les plus récentes à ce sujet. La proportion de complications menant à l’hôpital parmi toutes les infections double.

Vous êtes membre de la Task Force scientifique de la Confédération: selon vous, quelles mesures devrait-on mettre en place dans les écoles?

Je ne m’exprime pas au nom de la Task Force. Mais il me semble qu’il faut agir sur la couverture vaccinale des plus de 12 ans et des personnels des écoles au contact avec les enfants. Il faut également recommander le port du masque en milieu intérieur pour tous. Il faut améliorer la ventilation et la vérifier en continu dans les salles de classe et les cantines scolaires. Enfin, il faut tester régulièrement et massivement les élèves afin de détecter précocement les asymptomatiques ou les présymptomatiques et les isoler pour qu’ils ne contaminent pas le reste de l’école.

Les moins de 19 ans représentent un tiers des cas de Covid en Suisse

La Suisse fait face à une quatrième vague de coronavirus et les hôpitaux s’inquiètent en voyant leurs lits se remplir de patients Covid. Ceux-ci sont plus jeunes et sont en immense majorité non vaccinés. En pleine recrudescence de l’épidémie, les enfants et les adolescents sont retournés à l’école après les vacances, sources de contaminations.

Et ils ne sont pas non plus épargnés: durant la semaine du 23 au 29 août, les 0-19 ans représentaient un tiers des cas répertoriés en Suisse. Et ce alors que la proportion de cas chez les moins de 16 ans ne dépassait pas les 2% au début de la pandémie, comme le rappelle «Le Temps». Le constat est le même dans plusieurs pays autour du globe. Le variant Delta, plus contagieux et plus virulent, a changé la donne. Il est aujourd’hui clair que les enfants jouent un rôle dans la propagation de la maladie. Dans ce contexte, Israël, qui fait face à une très forte vague de contaminations, a étendu son pass sanitaire aux enfants dès 3 ans et l’Association américaine de pédiatrie recommande le port du masque dès 2 ans. En Suisse, les moins de 12 ans sont toujours exemptés de le porter en lieux clos.

A l’école, les règles diffèrent selon les régions. Exemple: les élèves entre 12 et 16 ans doivent porter le masque dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel, mais pas en Valais, dans le Jura ou à Fribourg. Depuis la rentrée, des cas sont apparus dans différents établissements scolaires à travers le pays. Le Canton de Vaud a même dû fermer une classe de primaire de Pully fréquentée par des enfants de 6 ans le 30 août.

La Suisse fait face à une quatrième vague de coronavirus et les hôpitaux s’inquiètent en voyant leurs lits se remplir de patients Covid. Ceux-ci sont plus jeunes et sont en immense majorité non vaccinés. En pleine recrudescence de l’épidémie, les enfants et les adolescents sont retournés à l’école après les vacances, sources de contaminations.

Et ils ne sont pas non plus épargnés: durant la semaine du 23 au 29 août, les 0-19 ans représentaient un tiers des cas répertoriés en Suisse. Et ce alors que la proportion de cas chez les moins de 16 ans ne dépassait pas les 2% au début de la pandémie, comme le rappelle «Le Temps». Le constat est le même dans plusieurs pays autour du globe. Le variant Delta, plus contagieux et plus virulent, a changé la donne. Il est aujourd’hui clair que les enfants jouent un rôle dans la propagation de la maladie. Dans ce contexte, Israël, qui fait face à une très forte vague de contaminations, a étendu son pass sanitaire aux enfants dès 3 ans et l’Association américaine de pédiatrie recommande le port du masque dès 2 ans. En Suisse, les moins de 12 ans sont toujours exemptés de le porter en lieux clos.

A l’école, les règles diffèrent selon les régions. Exemple: les élèves entre 12 et 16 ans doivent porter le masque dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel, mais pas en Valais, dans le Jura ou à Fribourg. Depuis la rentrée, des cas sont apparus dans différents établissements scolaires à travers le pays. Le Canton de Vaud a même dû fermer une classe de primaire de Pully fréquentée par des enfants de 6 ans le 30 août.

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Le port du masque pour les moins de 12 ans, cela peut paraître violent…

C'est l’infection au Covid-19 qui est violente; et ce pour trois raisons. Premièrement, elle peut se compliquer et conduire à l’hospitalisation ou au décès, y compris chez l’enfant et y compris chez ceux en bonne santé. Ensuite, elle peut laisser des séquelles — les données les plus récentes suggèrent qu’entre 4 et 14% des enfants infectés développent des formes de Covid long, pouvant être invalidantes. Enfin, elle conduit à des discontinuités dans la scolarité, tant par les atteintes aiguës et chroniques que par les fermetures intempestives de classes dues à des cas survenant dans les écoles. Face à tous ces maux, le port du masque à l’intérieur semble donc être un outil de réduction des risques raisonnable à mettre en place.

Faudrait-il aller encore plus loin et vacciner les enfants?

A ce jour, la vaccination n’est pas homologuée chez l’enfant de moins de 12 ans. En revanche, elle l’est pour les 12-17 ans. L’école étant un droit fondamental des enfants, il est licite de proposer la vaccination de tous les enfants éligibles et du personnel — enseignant ou non — au contact des élèves dans les écoles.

Face au variant Delta, les enfants sont-ils plus à risque?

Le variant Delta est beaucoup plus transmissible et plus virulent que les souches circulant précédemment, mais il n’a pas été démontré qu’il était spécifiquement plus dangereux pour les enfants que pour les adultes. Néanmoins, les enfants sont «mécaniquement» plus à risque que les adultes, puisque seuls ces derniers peuvent réduire considérablement les risques d’une infection au Covid-19 en se vaccinant. Les enfants de moins de 12 ans constituent un réservoir quasi complètement susceptible d’être contaminé, le seul aujourd’hui. Les 12-17 ans, peu vaccinés en Suisse, sont aussi très à risque de s’infecter notamment à l’école et lors d’activités périscolaires.

Que pensez-vous du fait que les mesures dans les écoles ne soient pas harmonisées dans les différents cantons? Par exemple: les élèves entre 12 et 16 ans doivent porter le masque dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel, mais pas en Valais, dans le Jura ou à Fribourg.

La gestion politique de cette pandémie se heurte à des défis multiples et sa coordination en est un, particulièrement en Suisse où la Constitution laisse de larges prérogatives aux cantons. Parfois, cette régionalisation est très bénéfique dans le domaine de la santé comme dans beaucoup d’autres: les réponses aux problèmes qui se posent sont apportées au plus près de la population et cela permet aussi de mieux associer la population aux décisions. Mais, parfois, et particulièrement dans la lutte contre les maladies infectieuses qui ne connaissent pas de frontières cantonales ou nationales, les défauts d’harmonisation peuvent devenir préjudiciables à l’efficacité de la riposte. Ce n’est pas seulement vrai en Suisse, pays très interconnecté avec ses voisins européens. Il y a de manière générale un déficit de coordination internationale à tous les niveaux qui donne la possibilité au coronavirus de s’engouffrer dans toutes les brèches qu’on lui offre volontairement ou non.

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