Nouveaux juges, peines plus légères, millions à payer...
L'annulation du jugement de Pierin VIncenz aura des conséquences

L'affaire Vincenz est loin d'être terminée. Mais une chose est sûre: la longue durée du procès aura un effet atténuant sur le montant de la peine. Après celle du procès pénal, c'est la question des dommages et intérêts qui attend l'ex-patron de Raiffeisen.
Publié: 22.02.2024 à 19:31 heures
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Holger Alich

L'affaire de l'ex-patron de Raiffeisen Pierin Vincenz est à nouveau au centre de l'attention médiatique. Le dernier rebondissement en date implique un avocat qui était plutôt discret jusqu'à présent: Fatih Aslantas. Cet ancien juriste de Julius Baer est le représentant juridique du fondateur d'Investnet, Peter Wüst, décédé fin 2023. Le ministère public lui reproche d'avoir incité Pierin Vincenz à acheter la société de participation de Raiffeisen au prix fort en lui donnant une participation fantôme dans Investnet.

Fatih Aslantas représente désormais l'héritière de Peter Wüst. Et c'est l'avocat basé à Frauenfeld – ville peu mondaine – qui a infligé au procureur Marc Jean-Richard-dit-Bressel sa plus cuisante défaite. Mardi, la Cour suprême zurichoise a jugé l'accusation du procureur trop «alambiquée» et imprécise. C'est précisément ce sur quoi Fatih Aslantas avait émis des critiques il y a deux ans en arrière dans la salle d'audience.

La plainte avait été examinée par des experts externes

«Dans sa décision, la Cour suprême a repris de son propre chef certains des arguments que j'avais développés dans ma plaidoirie lors de l'audience principale au tribunal de district de Zurich», explique Fatih Aslantas. «Je n'avais pas déposé de nouvelle demande», ajoute-t-il. Mardi soir encore, le ministère public a annoncé qu'il ne laisserait pas passer cette décision et qu'il porterait l'affaire devant le Tribunal fédéral. Le procureur général avait auparavant fait examiner son accusation par des experts externes, afin de jouer la carte de la sécurité, comme le confirme le ministère public. En vain.

L'ex-patron de Raiffeisen Pierin Vincenz avant le prononcé de son jugement, en 2022.
Photo: keystone-sda.ch
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Mais ni l'avocat de Frauenfeld, ni les autres avocats de la défense n'ont poussé de cris de joie. «La décision de la Cour suprême n'est pas un grand triomphe pour nous», a déclaré Fatih Aslantas. «La procédure risque de s'éterniser encore des années et les avoirs resteront bloqués si la décision est maintenue.»

Si le Tribunal fédéral ne renverse pas la décision de la Haute Cour, la décision de mardi aura plusieurs conséquences sur la suite de la procédure, en raison notamment de sa durée de plus en plus longue. Les principaux accusés, Pierin Vincenz et son partenaire commercial Beat Stocker, pourraient donc espérer une peine moins lourde. «Le principe d'accélération dit que les accusés peuvent s'attendre à des peines plus légères en raison des retards», explique le professeur de droit pénal fribourgeois Marcel Niggli.

L'accusation abandonne-t-elle l'accusation de fraude?

En outre, l'expert s'attend à ce que le ministère public adapte dorénavant sa stratégie – et qu'il abandonne l'accusation d'escroquerie. Lors de la justification du jugement, qui s'appuyait en grande partie sur l'accusation désormais rejetée, le professeur de droit avait déjà critiqué le fait que l'accusation d'escroquerie n'était pas prouvée, rapporte la «Handelzeitung». «On ne peut pas parler d'escroquerie simplement parce que quelqu'un a menti ou que quelque chose a été dissimulé. Dans le cas concret de Vincenz, ce sont ses participations dans Investnet dont il est question», argumentait le juriste fribourgeois.

Pour arriver à une condamnation pour escroquerie, plusieurs conditions claires doivent être réunies: quelqu'un trompe malicieusement quelqu'un d'autre. En raison de cette tromperie, la victime est soumise à une erreur. En raison de cette erreur, il y a un transfert de patrimoine – et celui-ci entraîne à son tour un dommage pour la victime.

Cependant, le fait de ne pas mentionner les participations ne suffit pas pour être condamné pour fraude. «C'est comme pour une déclaration d'impôts», illustre Marcel Niggli. «Si vous n'y indiquez pas quelque chose, il n'y a pas encore de fraude. Mais si vous dites une contre-vérité lorsque le commissaire aux impôts vous le demande, alors il peut y avoir fraude.» Autrement dit, les conseils d'administration de Raiffeisen et d'Aduno auraient dû se renseigner sur l'existence éventuelle de conflits d'intérêts dans le cadre des acquisitions prévues.

Fatih Aslantas est plus sceptique sur ce point: «Je ne m'attends pas à ce que le ministère public abandonne l'accusation d'escroquerie contre les principaux accusés dans le nouvel acte d'accusation», prévoit l'avocat. «Après tout, il avait partiellement obtenu gain de cause en première instance», rappelle-t-il.

Nouveaux juges pour le prochain procès

Une éventuelle nouvelle accusation devrait toutefois être prise en charge par d'autres juges. Sebastian Aeppli, le juge qui a présidé le premier procès pénal devant le tribunal de district de Zurich est parti à la retraite. Le deuxième juge, Rok Bezgovsek, travaille entre-temps comme juge pénal à la deuxième chambre de la Cour suprême. Il ne reste plus que Peter Rietmann, qui a rendu le jugement il y a deux ans.

Comme le tribunal de district a suivi fidèlement l'accusation il y a deux ans, il est fort probable que les avocats des accusés insistent pour qu'aucun juge du premier procès ne soit aux mains de l'affaire afin d'éviter toute apparence de partialité.

Malgré son échec fracassant devant la Cour suprême, aucune des parties ne s'attend cependant à ce que Marc Jean-Richard-dit-Bressel doive se dessaisir de l'affaire. Et pour cause: il connaît l'affaire dans ses moindres détails. Si un nouveau procureur devait formuler la nouvelle accusation demandée, il devrait d'abord se plonger dans la masse de documents de l'administration des preuves qui, une fois imprimés, représentent environ 30'000 classeurs fédéraux.

Et le procès n'en serait que davantage retardé. Et les accusés n'y ont pas non plus intérêt. Ne serait-ce que pour des raisons financières. Car derrière le procès pénal se cache aussi la question des dommages et intérêts. On parle ici de dizaines de millions de francs – qui augmentent de 5% par an.

Les dommages et intérêts coûtent de plus en plus cher chaque année

Dans le cas des transactions Commtrain, Investnet et GCL, le tribunal d'arrondissement avait admis le droit à des dommages et intérêts. Dans le cas de Commtrain, le tribunal l'a même explicitement fixé: selon ce jugement, Pierin Vincenz et le principal coaccusé Beat Stocker devront payer 2,66 millions de francs de dommages et intérêts à Aduno, en plus des intérêts depuis 2008. Cela revient à plus de 6 millions de francs pour ce cas uniquement.

En ce qui concerne les opérations de participation fantômes dans les sociétés Investnet et GCL, le tribunal de district avait renvoyé à la voie civile pour clarifier les demandes de dommages et intérêts. L'accusation a évalué le montant du dommage au bénéfice réalisé sur les opérations de participation.

Selon ce calcul, le plus gros morceau est le deal Investnet qui remonte à 2011. Ce dernier a rapporté environ 33 millions de francs à Stocker, un montant qui correspond au dommage, selon l'accusation. Avec un taux d'intérêt de 5%, le montant des dommages et intérêts risque d'être supérieur à 60 millions de francs – dans le cas où un tribunal civil suit le point de vue de l'accusation. Les avoirs bloqués ne devraient pas suffire à satisfaire ces prétentions. De plus, tous les accusés sont solidairement responsables.

Pierin Vincenz a des problèmes d'argent

Une mauvaise nouvelle pour Pierin Vincenz, qui a déjà manifestement des problèmes d'argent. Il avait notamment emprunté de l'argent à Peter Spuhler, le grand actionnaire de Stadler-Rail, mais selon la «Sonntagszeitung», l'ex-patron de la Raiffeisen ne paie plus d'intérêts depuis un certain temps. Pour payer ses dettes, l'accusé devrait vendre sa villa à Morcote. Pour que le processus de vente soit transparent, la Cour suprême a ordonné, selon le rapport, une vente forcée.

Le tribunal de Zurich a accordé à Pierin Vincenz une indemnité de procédure de 34'698 francs. Pas suffisants pour atténuer ses problèmes financiers. Reste à savoir s'il finira par obtenir un jugement définitif de son vivant.

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