«Parce que nous sommes trop chers, ils nous laissent tomber!»
Cette commune suisse interdit une excursion aux personnes en fauteuil roulant

Seules les personnes capables de monter seules dans le car peuvent participer à l'excursion des seniors dans cette commune argovienne. Les personnes en fauteuil roulant doivent rester sur le trottoir. Bötsigen refuse de louer un car équipé d'une plateforme élévatrice.
Publié: 29.08.2024 à 18:06 heures
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Dernière mise à jour: 29.08.2024 à 18:30 heures
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Helena Schmid

Chaque année, la commune argovienne de Böttstein organise une excursion pour tous les habitants de 70 ans et plus. Enfin presque tous. Paul Meier et Marie-Luise Körner ne peuvent pas y aller depuis des années. La raison? ils sont en fauteuil roulant.

«Chaque année, la commune m'envoie une invitation», s'énerve Paul Meier. Atteint de poliomyélite quand il était petit, il s'est battu toute sa vie avec des béquilles jusqu'à il y a dix ans. «Mais les organisateurs précisent que l'on ne peut venir que si l'on peut monter seul dans le car!»

Et des cars avec plateforme élévatrice?

En d'autres termes, ceux qui ne peuvent pas monter les quelques marches du car sans aide doivent rester chez eux. Paul Meier contacte l'entreprise de cars locale à laquelle la commune fait habituellement appel: «Ils m'ont confirmé qu'ils louaient également six cars adaptés aux personnes handicapées et équipés d'une plateforme élévatrice.»

Parce qu'ils sont en fauteuil roulant, les voisins Marie-Luise Körner et Paul Meier ne peuvent pas se rendre à l'excursion annuelle des seniors organisée par la commune.
Photo: Helena Schmid
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«Nous sommes tout simplement exclus»
Marie-Luise Körner, retraitée de 74 ans
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A plusieurs reprises, il a cherché à discuter avec la commune. «Nous ne sommes pas les seuls concernés, les seniors en déambulateur ne peuvent pas non plus venir», explique Marie-Luise Körner. Mais sa demande est tombée dans l'oreille d'un sourd.

La retraitée en est attristée: «Mon mari m'accompagne toujours et j'aimerais aussi pouvoir l'accompagner.» Car il s'agit pourtant de réunir les seniors, de leur permettre de vivre une expérience. «Mais nous sommes tout simplement exclus», lance la femme, qui est en fauteuil roulant depuis un accident de vélo.

La commune n'assume pas

C'est la conseillère communale Alexa Cester qui est responsable de l'excursion des seniors. «Je comprends la déception. Mais la responsabilité d'une telle excursion est déjà grande. Nous ne pouvons pas la porter en plus pour les personnes en fauteuil roulant», explique-t-elle à Blick.

Il y a quelques années, la décision avait été prise de n'emmener que des seniors capables de monter et de descendre du car de manière autonome. «A l'époque, nous avions une femme en fauteuil roulant avec nous. Nous, les conseillers municipaux, devions la porter dans le car avec le chauffeur», raconte Alexa Cester. Deux spécialistes de l'aide et des soins à domicile l'accompagnent. «Lorsque la femme allait mal, les personnes de Spitex étaient complètement absorbées. Pourtant, elles devraient aussi pouvoir s'occuper des autres seniors», explique la conseillère municipale.

Une excursion aurait coûté plus cher

Le service d'aide et de soins à domicile lui aurait fait savoir par la suite que deux collaborateurs étaient trop peu nombreux pour faire face au surcroît de travail occasionné par les personnes en fauteuil roulant.

Alexa Cester confirme que la commune est au courant que l'entreprise de cars locale loue également des véhicules équipés d'une plateforme élévatrice. Mais un tel véhicule coûterait plus cher, explique-t-elle: «Nous avons un cadre et un budget.»

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«Le car adapté aux personnes handicapées coûterait 150 à 250 francs de plus»
Entreprise de location
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La conseillère communale ne sait pas combien coûterait l'organisation d'un car adapté aux personnes handicapées. Blick se renseigne auprès de l'entreprise de cars et obtient une comparaison approximative: dans un car équipé d'une plate-forme élévatrice, 35 à 40 personnes peuvent prendre place, selon le nombre de fauteuils roulants.

Pour la comparaison, on suppose que l'excursion dure une demi-journée et que l'aller et le retour durent chacun une heure. «Selon la distance du trajet, le car adapté aux personnes handicapées coûterait 150 à 250 francs de plus qu'un car habituel pour le même nombre de personnes.»

«Les personnes en fauteuil roulant ont leurs propres excursions»

La conseillère municipale Alexa Cester poursuit en argumentant que le surcoût du car n'est qu'une partie du problème. En effet, selon elle, il est également difficile de trouver des restaurants qui ont suffisamment de place pour tous les participants et qui sont accessibles en fauteuil roulant. Elle remarque en outre: «Il existe pourtant des excursions spécifiques pour les personnes en fauteuil roulant, où il y a suffisamment d'accompagnateurs spécialisés et l'infrastructure nécessaire.»

«Ce sont toutes des excuses», estime Paul Meier. Cet homme de 74 ans est président de ProCap Suisse, une organisation pour personnes avec handicap. «J'ai déjà organisé de nombreuses excursions de ce genre et j'ai toujours trouvé un restaurant.»

La conseillère municipale se sent discriminée

La volonté de les emmener n'est tout simplement pas là, estime Marie-Luise Körner. Pour les deux personnes en fauteuil roulant, la situation est claire: «Parce que nous sommes trop chers pour eux, ils nous laissent tomber ! Nous sommes discriminés.»

Un reproche que la conseillère municipale Alexa Cester rejette fermement. «Je trouve également discriminatoire d'être présentée ainsi», dit-elle. Selon elle, la commune organise les événements les plus divers, accessibles à tous: une manifestation dans la maison de la culture, l'apéritif du Nouvel An, la fête du 1er Août...

Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, explique Paul Meier. Il renvoie à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que la Suisse a signée. Selon cette convention, les personnes handicapées ont le même droit de participer à la société. «Nous nous battons aussi pour ceux qui n'ont plus la force de se défendre. Il n'est pas possible qu'en 2024, nous soyons encore marginalisés», conclut Paul Meier.

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