Pas de modèle helvétique pour le Royaume-Uni
Pas question de tuer le Brexit pour ressembler à la Suisse

Le nouveau Premier ministre britannique a catégoriquement rejeté, lundi 21 novembre, tout alignement futur de la législation du Royaume-Uni sur celle de l'Union européenne (UE). Pour lui, la Suisse est beaucoup trop liée à l'UE.
Publié: 21.11.2022 à 20:49 heures
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Dernière mise à jour: 21.11.2022 à 22:38 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Rishi Sunak n’est pas du tout fan de Guillaume Tell. Et le Premier ministre britannique aime encore moins ce mot que la diplomatie suisse a mis tant d’années à forger et à faire accepter: les «bilatérales».

Interrogé lundi 21 novembre par le patronat britannique lors de son intervention devant la «Confédération of British Industry» (CBI), le nouveau locataire du 10, Downing Street a presque traité la Confédération de vassal ligoté par l’Union européenne (UE).

Pas d’alignement sur les lois européennes

Pas question, pour Rishi Sunak, que le Royaume-Uni aligne sa législation sur le droit communautaire (l’acquis) pour aplanir les contentieux post-Brexit. Et ce, malgré les besoins criants de main d'oeuvre qualifiée du coté des entreprises britanniques, désormais dans l'incapacité de recruter comme avant en Europe continentale: «J’ai voté pour le Brexit, je crois au Brexit a-t-il asséné. Je sais que le Brexit peut apporter, et apporte déjà, d’énormes avantages et opportunités pour le pays. Nous ne poursuivrons aucune relation post-Brexit avec l’UE qui repose sur un alignement sur les lois européennes.»

Rishi Sunak a campé sur ses positions devant les patrons britanniques de la «Confederation of British Industry» (CBI). Le Royaume-Uni ne poursuivra aucune relation post-Brexit avec l'UE «qui repose sur un alignement sur les lois européennes».
Photo: keystone-sda.ch

Le Conseil fédéral n’est pour rien dans cette publicité involontaire qui a valut au prétendu «modèle suisse» une émission presque spéciale ce lundi sur la BBC. Après avoir, un temps, pensé qu’une convergence d’intérêts pourrait profiter à la fois à la Confédération et au Royaume-Uni pour obtenir davantage de concessions de la Commission européenne, Berne a abandonné l’affaire.

Comment converger, d’abord, avec des Britanniques qui ont changé trois fois de Premier ministre en moins d’un an? «Le mirage britannique était déjà évanoui, juge un diplomate suisse familier du dossier. Cette fois, Rishi Sunak vient de le balayer pour de bon.»

Le successeur de Boris Johnson et de Liz Truss a en effet mis la barre très haut devant les patrons membres du CBI: «Le Royaume-Uni est désormais en mesure de contrôler correctement ses frontières et libre de conclure des accords commerciaux avec les économies à la croissance la plus rapide du monde. Voilà ce que nous allons faire», a-t-il promis.

La tentation suisse du «Sunday Times»

Tout est, en réalité, parti de la presse britannique et de commentaires de politiciens conservateurs bien plus pragmatiques que Rishi Sunak. Le «modèle Helvétique», évoqué ces derniers jours par le très sérieux «Financial Times» à l’occasion d’un nouveau round de coopération suisso-britannique en matière de recherche, a été remis sur la table ce week-end par le «Sunday Times».

Selon ce journal, «de hauts responsables du gouvernement envisageaient de conclure un accord de type suisse». Un refrain entonné aussi par l’ex-ministre David Frost, qui fut l’un des négociateurs du divorce chaotique avec l’UE: «J’espère que le gouvernement réfléchira mieux à ces plans, rapidement», reconnaissant que, si «la Suisse n’est pas membre de l’UE, elle a conclu plusieurs accords avec le bloc commercial et a accès au marché unique pour la plupart de ses industries».

Idem pour Jeremy Hunt, ancien ministre des Finances, pour lequel «Avoir un commerce sans entrave avec nos voisins et les pays du monde entier serait très bénéfique pour la croissance».

Labyrinthe diplomatique helvétique

Seulement voilà: le labyrinthe diplomatique constitué par la centaine d’accords bilatéraux, et l’impasse actuelle dans laquelle se trouve la Confédération face à la Commission européenne, ont été disséqués par le Foreign Office. Et l’appétit est d’autant moins au rendez-vous, coté britannique, que les «pourparlers exploratoires» menés par la secrétaire d’État Livia Leu à Bruxelles (où elle était encore le 11 novembre, sans ramener de résultats concrets) sonnent aux oreilles de Londres comme une victoire communautaire.

Rishi Sunak sait qu’il va lui falloir normaliser les relations avec l’Union. Mais il ne veut pas se retrouver, comme la Suisse, face à des bureaucrates européens, bunkerisés derrière des dossiers pleins de normes et de règles. Un colloque se tiendra d’ailleurs, mercredi 23 novembre à l’université de Genève sur le thème: «Et si l’UE devait oublier la Suisse?». Il fera le point sur le face à face Berne-Bruxelles depuis le rejet par le Conseil fédéral, le 26 mai 2021, du projet d'accord-cadre avec l'UE.

Dans le cas du Royaume-Uni, vu la taille de son économie et son importance, une impasse n'est guère tenable: «Sunak sait que le coût économique du Brexit est élevé analyse un diplomate. Mais aller à Bruxelles maintenant pour lui, le Brexiter convaincu et assumé, c’est s’exposer aux pires critiques.» Il vaut mieux par conséquent attendre. «Il pense avoir les moyens de jouer la montre. La guerre en Ukraine, l’inflation et la crise énergétique internationale ont ouvert d’autres fronts, plus urgents que le fameux protocole nord-irlandais qui doit délimiter la frontière douanière entre le Royaume-Uni et l’Irlande.»

Guillaume Tell a trouvé son maître, Même s’il est d’origine indienne, Rishi Sunak espère, vis-à-vis de Bruxelles et de sa population en proie à une crise sociale sans précédent, leur faire croire qu’il peut être un nouveau Robin des bois.

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