Payer ses primes ou des cours de ski, il faut choisir....
«À l'étranger on irait manifester! Ici on reçoit la facture et on paye...»

Florian Corthésy, fribourgeois père de cinq enfants, témoigne de l'impact concret qu'aura la hausse des primes sur son quotidien, et celui de ses enfants.
Publié: 27.09.2023 à 19:15 heures
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Dernière mise à jour: 07.11.2023 à 12:05 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Une fois l'appel terminé, Florian Corthésy renvoie tout de suite un courriel. «1500 francs c'est une année d'assurance RC et la casco pour mon véhicule! C’est aussi une semaine de location d’un logement de vacances! Je n'arrête pas de trouver des comparaisons, c’est quand même un scandale une telle augmentation.»

Depuis l'annonce de la hausse des primes mardi par le Président et chef de la santé, Alain Berset, les chiffres fusent. On cartographie, on calcule des pourcentages. Mais qu'en est-il de l'impact de ces augmentations sur les gens? Les humains, ceux qui paient déjà des impôts et souffrent de l'inflation et des prix de l'énergie qui s'envolent?

Payer les primes ou les cours de ski

Pour Florian Corthésy, son épouse et leurs cinq enfants, la hausse représente un total annuel de 1562,30 francs. La famille avait d'autres projets pour dépenser cette somme. «On réfléchissait à offrir aux enfants des cours de ski. Peut-être leur apprendre un instrument de musique. On se prive de pas mal d'opportunités.»

La famille Corthésy et leurs cinq enfants, aujourd'hui âgé de 1 à 9 ans.
Photo: DR

Le Fribourgeois a monté son entreprise de box qui livre à domicile des produits du terroir suisse, HelvetiBox. Son épouse est enseignante à 50%. L'an dernier, le couple payait 9000 francs par an pour la couverture santé de la famille. En 2023, il devra débourser 10'500 francs, sans les complémentaires des enfants.

«On n'obtient rien en échange, pointe l'entrepreneur. Les assurances seront les mêmes. Elles sont déjà contraignantes pour moi et ma femme, avec l'obligation d'appeler une centrale avant d'aller chez le médecin, et la franchise est très haute.» Les enfants, eux, sont assurés sous le régime du médecin de famille.

Éviter de consulter

La petite famille vit dans un village limitrophe de Berne, et les parents ont tendance à éviter de consulter. «Je devrais aller chez le dermatologue, mais ça va me coûter 300 francs, alors je me dis que je n'ai rien», sourit Florian Corthésy au bout du fil.

Le père de famille se refuse à plaindre le sort de sa tribu. Leur budget, environ 2000 francs pour les loisirs et la nourriture, est «largement suffisant. Pour les vacances, on fait échange de maison, ça coûte presque moins cher d’être en vacances que de rester en Suisse.» Pour les sorties, il y a les musées gratuits.

Du 'racket'

Non, c'est plutôt pour son entreprise que Florian Corthésy a peur. Le Covid est passé par là, l'inflation en a remis une couche... les consommateurs font plus attention à leur porte-monnaie. L'amoureux des bons produits en est persuadé: «Cet argent qui est 'racketé' à la population par les acteurs de la santé, c’est de l’argent qui ne peut pas être dépensé dans d’autres secteurs. Les remontées mécaniques et le prof de ski, le prof de piano qui aura un élève en moins ou alors ma petite entreprise HelvetiBox qui aura plus de peine à convaincre de dépenser 50 francs par mois pour recevoir quelques spécialités du terroir.»

Manifester et bloquer des ronds-points

Le salaire de certains médecins est logiquement dur à avaler pour l'entrepreneur. «C'est ce que dit votre chef, pourquoi un neurochirurgien gagne 697'000 francs par an? (ndlr: Michel Jeanneret, rédacteur en chef de Blick, a publié une chronique à la suite de l'annonce d'Alain Berset mardi). On pourrait couper ce salaire en deux, ceux qui souhaitent devenir médecin le feraient quand même.»

Florian Corthésy se souvient encore avoir payé 30 euros une consultation pour une angine, en France, contre 180 francs en Suisse, six mois plus tôt. «J'ai ri au moment de régler, j'ai dit au médecin que c'était incroyable comme ça n'était pas cher. Il m'a dit qu'il gagnait autant qu'un coiffeur. Il y a sûrement un juste milieu entre leurs salaires et ceux de nos médecins.»

Mais le papa ne va pas lancer la révolution – il sait qu'à lui seul, difficile de faire tomber un système. «À l’étranger on irait manifester et bloquer des ronds-points, note-t-il tout de même. Ici, on reçoit des factures et on les paie… On nous vante la 'superbe qualité' suisse pour nous faire payer plus cher.»

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