Prostituées dans l'ambassade d'Ankara
Evincé au DDPS, Jean-Daniel Ruch serait tombé dans un piège sexuel

Comble de l'ironie: le spécialiste de la sécurité Jean-Daniel Ruch est devenu un risque pour la sécurité. Qui plus est, des fonctionnaires grassement payés ont échoué à le contrôler. Blick répond aux questions cruciales soulevées par ce cas.
Publié: 29.10.2023 à 12:38 heures
|
Dernière mise à jour: 29.10.2023 à 12:47 heures
Mitarbeieterportraits_Mai23_20.JPG
Raphael Rauch

Quelle est la situation actuelle?

L'ambassadeur suisse à Ankara, Jean-Daniel Ruch, ne sera finalement pas secrétaire d'Etat à la politique de sécurité au DDPS. La raison? Il serait exposé à du chantage. Il quittera son poste d'ambassadeur en Turquie à la fin de l'année et quittera le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) le 30 juin 2024. «L'ambassadeur Ruch ne recevra pas d'indemnité de départ. Mais il sera libéré à la fin de sa mission à Ankara pour la durée de son préavis», a fait savoir le DFAE.

Quelles sont les accusations en suspens?

«Il était également question de prostitution dans la résidence de l'ambassadeur», a écrit le «Tages-Anzeiger». Comme le confirment des cercles proches du Conseil fédéral chez Blick, les faits reprochés se sont notamment déroulés dans la succursale de Tel Aviv, où Jean-Daniel Ruch a représenté la Suisse en Israël de 2016 à 2021. C'est donc précisément dans un lieu critique de la politique mondiale – avec un risque sécuritaire élevé et de nombreux services secrets – que l'ancien envoyé spécial pour le Proche-Orient s'est possiblement rendu vulnérable au chantage.

Un ambassadeur suisse a-t-il le droit d'avoir des relations sexuelles avec des prostituées?

Ce n'est pas interdit. Mais le code de conduite pour les collaborateurs du DFAE à l'étranger impose des restrictions: l'«achat de services sexuels» est interdit «s'il s'agit d'exploiter des personnes qui se trouvent dans une situation de détresse ou de dépendance». Il est difficile de tracer une ligne claire sur ce point. Le code n'aborde pas directement le thème de l'extorsion. On peut seulement y lire que les employés du DFAE doivent «s'abstenir de tout ce qui pourrait nuire à l'exercice de leur activité professionnelle».

Jean-Daniel Ruch devait devenir secrétaire d'État au DDPS. Mais il n'en sera rien.
Photo: zVg
1/5

Que dit Jean-Daniel Ruch lui-même?

«Jean-Daniel Ruch ne s'exprimera pas davantage sur ce sujet», a déclaré le DFAE.

Pourquoi le candidat n'a-t-il pas été soumis à une enquête avant sa nomination?

Cette question continue de hanter la Confédération. Le dernier contrôle de sécurité de Jean-Daniel Ruch date de juin 2019. Celui-ci était valable au maximum cinq ans, soit jusqu'en juin 2024. On ne sait pas pourquoi la conseillère fédérale Viola Amherd a renoncé à un nouveau contrôle.

Quelles sont les questions posées lors du contrôle de sécurité?

Un juriste nommé par le Conseil fédéral a rapporté à Blick qu'il a été cuisiné pendant des heures à Berne par une femme et un homme. «Avez-vous des relations extraconjugales? Fréquentez-vous des prostituées?» Une fonctionnaire de haut rang raconte qu'on lui a également posé des questions dans ce sens. «La première fois, j'ai été choquée et j'ai retourné la question: combien d'hommes prostitués connaissez-vous?» Des hauts fonctionnaires racontent que les profileurs mandatés par le Conseil fédéral ont également posé des questions sur l'application de rencontres hétérosexuelles Tinder ou l'application gay Grindr.

Les conseillers fédéraux doivent-ils aussi répondre à des questions intimes?

Celui qui est élu par le Parlement n'est pas soumis à une enquête préalable. Les conseillers fédéraux ne sont pas tenus d'exposer leur vie intime, pas plus que le chef du Ministère public de la Confédération, par exemple. De telles règles seraient problématiques dans une démocratie et donneraient encore plus de pouvoir à l'administration.

Qui est particulièrement critiqué en ce moment?

Viola Amherd bien sûr, mais aussi le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, qui ne maîtrise pas ses diplomates et la commission de sélection de Viola Amherd. Celle-ci était composée de fonctionnaires, comme la cheffe de Fedpol Nicoletta della Valle, le secrétaire général du DDPS Toni Eder ou le secrétaire général du DFAE Markus Seiler, qui gagnent tous 330'000 francs par an ou plus.

Pourquoi l'instauration d'un Secrétariat d'État à la politique de sécurité (SEPOS) est-elle si controversée?

La conseillère fédérale Viola Amherd est convaincue que les défis de l'avenir nécessitent un secrétariat d'Etat spécifique. D'autres départements se montrent méfiants face à son projet. Notamment le DFAE, qui est en pointe sur les questions géopolitiques. Des critiques émanent également de l'UDC, qui met en garde contre un rapprochement supplémentaire avec l'OTAN. Et les milieux de l'armée en veulent à Viola Amherd de renforcer le domaine civil de son ministère: «Avec le secrétariat d'Etat du DDPS prévu, la position de l'armée sera encore affaiblie et l'administration gonflée», critique Stefan Holenstein, président de la Fédération des sociétés militaires suisses. «J'exige de Madame Amherd un arrêt de marche. Elle doit annuler l'exercice SEPOS. Cela implique le développement urgent de la capacité de défense de l'armée avec une augmentation du budget».

Quelle est la suite des événements?

Viola Amherd maintient sa volonté de créer le Secrétariat d'État à la politique de sécurité. On ne sait pas si un remplaçant de Jean-Daniel Ruch sera trouvé d'ici janvier 2024. Blick a appris de source sûre que Pälvi Pulli ne devrait pas devenir secrétaire d'État. Actuelle responsable de la politique de sécurité, elle a obtenu les meilleurs résultats lors de l'évaluation sur le plan professionnel, mais pas en ce qui concerne les qualités de direction et les «social skills».

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la