Querelles sanglantes et meurtrières
Des cas de vengeance au nom d'une tradition albanaise en Suisse

La Suisse a été plusieurs fois le théâtre de querelles brutales et sanglantes, menées selon la loi de l'expiation. La loi Kanun est une tradition issue du droit coutumier médiéval albanais. Blick a rassemblé les cas les plus marquants.
Publié: 04.11.2022 à 09:31 heures
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Dernière mise à jour: 04.11.2022 à 18:21 heures
Tobias Ochsenbein

Le Kanun, droit coutumier médiéval albanais datant du XVème siècle, est une ancienne tradition qui se transmet à l'oral. Elle réglait autrefois les conflits fonciers et les querelles d'héritage, ou certaines peines en cas de vol, d'adultère féminin ou de meurtre.

Le Kanun codifie principalement quatre aspects: l'hospitalité, la loyauté, la rectitude et l'honneur. Et c'est précisément pour ce dernier que le droit coutumier autorise les vendettas. Si une personne d'un clan est assassinée, celui-ci a le droit de se venger en prenant la vie d'un membre du groupe rival.

Encore présent dans certains clans

Aujourd'hui encore, dans certains clans, le Kanun est utilisé pour régler des litiges concernant des terres, de l'argent ou des dettes. Il suffit parfois d'une parole méchante contre un membre d'une famille pour que l'honneur soit bafoué. En Suisse aussi, des vendettas ont été menées.

En 2014, dans une mosquée de Saint-Gall, un homme tire par derrière sur un homme en train de prier. Celui-ci s'effondre. Sept balles dans le corps.

Par exemple, en août 2019, une mère d'origine albanaise de quatre enfants vivant à Dietikon (ZH) se fait assassiner. La cause? S'être séparée de son mari. Ce dernier l'aurait battue, maltraitée et soumise à une pression massive pendant des années. Il l'a assassinée dans son propre appartement. L'homme était convaincu que sa femme n'avait pas le droit de vivre sans lui et de le quitter.

Un homme abattu dans une mosquée

Ou, en 2014, lorsqu'un tueur fait irruption dans la mosquée de Saint-Gall. Il tire, par derrière, sur un homme qui était en train de prier. Celui-ci s'effondre. Sept balles dans le corps. Il meurt sur le coup.

Des années auparavant, le frère du tueur avait été poignardé à Walenstadt (SG) lors d'une dispute entre trois hommes d'origine albanaise - l'accusé, son frère et la future victime. L'homme tué est devenu un ennemi parce que, selon l'accusation, il ne s'est jamais efforcé de respecter ce que l'on appelle la Besa (serment de paix selon le Kanun).

Un autre cas s'est produit en 1997. Un jeune Kosovar a abattu le membre d'une famille ennemie à Gipf-Oberfrick (AG) par vengeance du sang. Il se rend en Suisse pour se venger de la mort de son oncle selon les règles du Kanun. Avec son cousin, il traque un membre de la famille ennemie à Gipf-Oberfrick, tue la victime de dix-sept balles et défigure son visage jusqu'à le rendre méconnaissable. Exactement comme cela avait été le cas pour l'oncle. Dans les années 1980, les clans kosovars s'étaient déchirés dans leur pays d'origine à propos de droits d'extraction de gravier.

Assassinats en série

En 2013, le meurtre d'un père de famille à Frasses (FR) avait choqué la population. Un acte commis de sang froid, alors que l'homme rentrait chez lui accompagné de sa femme et ses quatre enfants. Une longue enquête de Mise au Point a révélé une série d'assassinats au nom de la vendetta entre la Suisse et le Kosovo.

Les différents journalistes ayant participé à l'enquête ont révélé plus de 23 meurtres et 38 blessés. Tous au nom du droit coutumier médiéval. Cette série de meurtres éclate souvent entre deux clans, ou deux familles. Et tous sont motivés par la soif de vengeance. Œil pour œil, dent pour dent.

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