Recherche allié désespérément
Le PLR genevois fait (finalement) les yeux doux à l’UDC

Le rapprochement entre le PLR et l’UDC est en marche à Genève. Une réunion s’est tenue fin juillet entre les ténors des partis de droite. Ils ont défini les contours de leur future collaboration en prévision des élections cantonales de 2023.
Publié: 07.09.2021 à 17:15 heures
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Dernière mise à jour: 07.09.2021 à 22:34 heures

C’est l’histoire d’une réunion discrète qui risque fort de déboucher sur une révolution politique au bout du Léman. Alors que le Parti libéral-radical (PLR) n’en a jamais vraiment voulu, il semblerait qu’il revienne sur sa position et s’apprête à accorder à l’Union démocratique du centre (UDC) ce qu’elle réclame de longue date: un rapprochement dans le canton de Genève. Durant l’été, les directions des deux partis bourgeois se sont rencontrées et ont conclu un accord pour contrer la gauche. Un petit air de fiançailles.

Ce sont les leaders du PLR, l’influent conseiller national Christian Lüscher, et le président du parti, Bertrand Reich, qui s’y sont «collés», a appris Blick. Cette information figure noir sur blanc dans le compte-rendu de la dernière séance de direction du PLR qui s’est déroulée le 31 août dernier dans ses locaux du Boulevard Jaques-Dalcroze. En réalité, les deux ténors, avocats et politiciens redoutés du canton, auraient négocié un partenariat avec l’UDC en vue des élections cantonales et nationales en 2023, selon plusieurs sources proches du dossier.

L’effet Yvan Perrin à Genève

«J’ai rencontré avec Christian Lüscher l’UDC, on s’est mis d’accord sur un front commun contre la gauche même si on a des désaccords» (sic), stipule le document. Que se cache-t-il derrière cette citation pour le moins sibylline? Quand on leur tend le micro, les cadres du PLR ne sont pas vraiment diserts.

Les prochains mois s’annoncent mouvementés pour que la droite genevoise gagne du terrain dans les urnes.
Photo: D.R.

Pour glaner un peu plus d’informations, il faut se tourner vers le tout nouveau secrétaire de l’UDC genevoise, Yvan Perrin. Pour rappel, l’ancien vice-président de l’UDC suisse, également ex-conseiller d’Etat neuchâtelois et qui a fait carrière au Conseil national, ne cachait pas ses ambitions au moment de prendre ses fonctions à Genève.

«Le PLR a perdu sa boussole et ça serait peut-être la possibilité de remettre tout à plat pour chercher des points d’accord et cesser de mettre en évidence ce qui nous divise», confiait-il à Blick en juin dernier. Et d’ajouter: «Mais pour cela, il faut être plusieurs».

Yvan Perrin, qui tendait ainsi clairement la main au PLR, n’aura pas eu le temps d’attraper une crampe au bras, puisque la séance entre les deux partis s’est déroulée deux mois plus tard en présence des messieurs précités et de Céline Amaudruz, vice-présidente de l’UDC suisse et présidente de l’UDC Genève. «Christian Lüscher, Céline Amaudruz et moi-même avons travaillé à Berne ensemble. Nous nous connaissons bien et cela facilite nos relations», rappelle Yvan Perrin.

Mais alors, sur quoi porte le fameux accord clairement protocolé dans le PV du PLR? Sur un certain nombre de thèmes au sujet desquels PLR et UDC sont d’accord de travailler main dans la main jusqu’aux élections de 2023, relève en substance le Neuchâtelois sans vouloir donner davantage de détails. Plusieurs sources que nous avons contactées au sein du PLR nous confirment que le rapprochement est bel et bien en marche.

Un rapprochement inévitable pour remonter la pente

Qu’est-ce qui pousse ainsi le PLR dans les bras de l’UDC? N’ayons pas peur des mots: un état de déliquescence avancé. Le PLR n’arrive toujours pas à se remettre de l’affaire Maudet qui a passionné (ou désespéré, c’est selon…) les Genevois durant plus de 3 ans. L’éviction de l’ex-conseiller d’Etat, qui a quitté le gouvernement en mars dernier après avoir démissionné, a profondément divisé le parti.

Le PLR avait ensuite échoué à placer l’un des siens au gouvernement, taillant une voie royale à la Verte Fabienne Fischer, nouvelle ministre du département de l’économie et de l’emploi (DEE) qui a passé la rampe avec 40% des suffrages. La gauche se retrouvait donc renforcée et majoritaire au gouvernement.

Bertrand Reich, président du PLR genevois, est l'artisan du rapprochement avec l'UDC.
Photo: Keystone

Le soir même de la défaite du PLR à l’élection partielle, le 28 mars, Bertrand Reich annonçait sur Facebook sa volonté de créer une droite élargie sur Genève, lançant une invitation aux autres partis bourgeois. Mais la discussion n’a jamais eu lieu, probablement faute de vouloir s’associer à un parti rongé par les divisions et qui porte sur son front l’étiquette du perdant.

L’UDC n'est pas un allié de premier de choix

Le PLR qui flirte avec l’UDC: fruit d’un certain pragmatisme politique, la nouvelle va échauffer les esprits de la base. On en veut pour preuve un sondage interne réalisé auprès des 3000 membres PLR et 5000 sympathisants l’année dernière. Celui-ci démontrait clairement qu’en matière d’alliances, la base du PLR souhaite avant tout s’apparenter aux Vert’libéraux, ensuite au PDC et enfin à l’UDC.

Présent lors de la séance du 31 août aux aurores, l’ex-bâtonnier et membre de la direction du PLR Lionel Halpérin grinçait déjà quelque peu des dents ce matin-là: «Il serait faux de vouloir s’éloigner des Vert’libéraux. On les a pris pendant trop longtemps de haut, ce qui les a amenés à se mettre dans une posture d’opposition automatique vis-à-vis de nous», déclarait-il avec prudence.

Blick a contacté plusieurs membres de la base du PLR. Et ils ne cachent pas leur scepticisme. Gary Bennaim a longtemps joué un rôle décisif dans les coulisses du parti. Il est l’un des rares à oser exprimer son avis publiquement et relève que, «ce qui est important, c’est de s’accorder sur une vision de qualité de la société et avancer sur des projets communs. Je ne peux pas comprendre que certains élus UDC genevois n’aient en tête que des problématiques liées aux homosexuels ou aux Juifs alors qu’il y a tant à faire dans notre canton».

Jean Romain, membre hyperactif et député PLR nuance légèrement. Il n’est pas totalement contre le principe. Toutefois, il souligne qu’il «existe un point d’achoppement principal sur la question de l’Europe. Ce n’est pas un thème qui doit être abordé durant les élections».

Désintérêt du PDC

Dernier détail piquant: dans le document en possession de Blick, on apprend également que le premier choix de la direction du PLR n’était pas l’UDC, mais le Parti démocrate-chrétien (PDC). La tentative d’approche n’a toutefois rien donné car la présidente du PDC Delphine Bachmann a souhaité le statu quo. En clair, des rapports lointains qui sentent le divorce. Ce que regrette manifestement Bertrand Reich. «On ne doit pas être angélique et penser qu’on est tous amis, mais il n’empêche que les partis de droite ont tout à gagner de se montrer ensemble sur un certain nombre de sujets», relève-t-il, toujours dans le même document.

Delphine Bachmann, présidente du PDC genevois, n'a pas donné suite à l'invitation du PLR.
Photo: Keystone

Le dépôt des listes pour les élections cantonales est prévu en juin 2022. Le temps est compté et la pression monte sur le PLR qui doit à nouveau convaincre sur ses idées fondamentales: à savoir la prospérité de l’économie, un régime minceur pour les fonctionnaires de l’Etat, ainsi qu’entretenir de bonnes relations avec l’Union européenne. Les prochains mois s’annoncent mouvementés pour que la droite gagne du terrain dans les urnes. Les affiches des candidats dans les rues de Genève s’annoncent hautes en couleur: on risque fort de voir les têtes du PLR et de l’UDC faire campagne sur une liste commune. Une planche de salut pour le premier, une aubaine pour le second.

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