Rififi chez Lionel Dugerdil
Cambriolage qui dérape: les policiers sous enquête ne sont pas suspendus

Des policiers genevois sont sous enquête pour avoir livré son voleur à un vigneron au lieu de l'emmener directement au poste, le soir d'un cambriolage au domaine du Clos du Château. Ces agents sont aujourd'hui sous le coup d'une enquête administrative.
Publié: 08.06.2023 à 14:57 heures
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Dernière mise à jour: 06.07.2023 à 12:01 heures

Une histoire de cambriolage qui se solde par une plainte pénale contre les brigands — rien d'étonnant, jusque-là. Mais une histoire de cambriolage qui débouche sur l'ouverture d'une enquête contre les policiers intervenus sur place, accusés d'avoir «livré» le malfrat au propriétaire, ça, c'est bien plus insolite.

C'est pourtant ce qui s'est produit à la suite d'une nuit mouvementée sur le domaine du vigneron et député UDC genevois Lionel Dugerdil. Le 15 mai 2020, une poignée de malfrats ont pénétré dans les bâtiments du Clos du Château, comme nous le révélions dans un précédent article. Le propriétaire des lieux a rapidement vu arriver des agents de police à son secours. À l'issue d'une course poursuite, seul l'un des brigands a été capturé près de la frontière française, selon nos informations.

Problème: au lieu de l'embraquer directement au poste, les policiers présents auraient emmené le délinquant devant le vigneron, après l'avoir «secoué» et «brusqué», selon les dires du voyou. Selon lui, ils auraient également forcé le voleur à s'allonger sur le sol, pendant dix ou quinze minutes, tout en lui mettant les pieds sur le dos s'il bougeait. Finalement, il aurait été emmené dans la grange, puis laissé seul avec un Lionel Dugerdil confus et (très) en colère, qui a avoué l'avoir violenté.

Une procédure administrative a été ouverte contre trois agents, mais ces derniers n'ont pas été suspendus, d'après nos informations. (Image d'illustration)
Photo: keystone-sda.ch

Les policiers suspendus?

Personne n'a porté plainte contre Lionel Dugerdil, à la suite de cet épisode. Il ne paraît donc pas devoir faire face à des conséquence pour les coups donnés (qui ne constituent pas une infraction assez grave pour être poursuivie d'office).

La version des faits livrée par le cambrioleur a, en revanche, déclenché l'ouverture d'une procédure administrative contre trois agents, diligentée par le Département des institutions et du numérique (auparavant le Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé), d'après nos sources proches de l'État-Major.

Le dossier «traîne» depuis 2021 déjà, le Ministère public genevois nous ayant indiqué que «la procédure est toujours en cours».

Que risquent ces agents? La procédure administrative peut déboucher sur une dégradation, une retenue sur salaire, ou même une révocation. Autrement dit, l'une des trois sanctions évoquées dans la loi genevoise sur la police (LPol).

«Toujours en service»

En attendant que leur sort soit scellé, qu'est-il advenu de ces policiers? Ont-ils été suspendus, ou courent-ils toujours les rues de Genève?

D'après nos informations, les policiers en question sont toujours en service. Car la nature de la faute qui leur est reprochée doit encore être déterminée et, apparemment, celle-ci n’entrave pas la poursuite de leurs activités. Par ailleurs, le degré d’implication des trois policiers ne serait pas le même.

À noter que Blick a notamment mis la main sur les procès-verbaux qui relèvent la version des faits de Lionel Dugerdil. Nous n'avons pas pu connaître celle des policiers. Contacté pour commenter cette affaire, le Ministère public se refuse à toute déclaration. À l'instar du Service de communication et de relations publiques de la police genevoise. La présomption d'innocence s'applique naturellement.

L'argent du contribuable

Un fonctionnaire lié au Ministère public, qui a souhaité préserver son anonymat, nous indique ne pas être surpris du fait que ces agents soient encore en service. Au contraire.

Il explique: «Nous payons les policiers avec l'argent du contribuable. Si un policier est suspendu — ou plutôt libéré de l’obligation de travailler, pour utiliser la bonne terminologie — il est littéralement payé à ne rien faire.»

À cette source d'ajouter: «Donc, pour que ça vaille la peine de suspendre quelqu'un avant la fin d'une enquête le concernant, il faut vraiment que son activité professionnelle soit susceptible d’entraver l’enquête en cours.» Ou qu’il présente un vrai danger (pour lui-même ou pour autrui).

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