Seniors, familles, agriculteurs et armée
La Confédération lance 60 mesures pour économiser des milliards

La Confédération doit faire des économies. La ministre des Finances Karin Keller-Sutter a donc mis en place une commission d'experts. Celle-ci présente des mesures d'économie drastiques.
Publié: 05.09.2024 à 16:00 heures
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Tobias Bruggmann et Tobias Ochsenbein

Le trou est énorme: les dépenses de la Confédération ont fortement augmenté ces dernières années. Sans mesures d'économie radicales, des déficits importants risquent d'apparaître dans les années à venir. La ministre des Finances Karin Keller-Sutter a donc chargé un groupe d'experts de passer le budget au crible et de trouver un potentiel d'économies.

Ainsi, le budget fédéral devrait être allégé de trois milliards de francs à partir de 2027 et de quatre milliards à partir de 2030. Elle propose 60 mesures qui offrent des économies possibles allant jusqu'à 3,9 milliards en 2027 et 4,9 milliards en 2030. Blick dresse la liste des principaux secteurs touchés par les coupes budgétaires. 

Climat et énergie

Pour sauver le climat et accélérer la transition vers les énergies renouvelables, la Confédération dépense beaucoup d'argent en subventions. Trop, selon le groupe d'experts. L'argent versé aux propriétaires immobiliers et aux entreprises pourrait être réduit. Le groupe propose de fixer des priorités, par exemple pour le Programme Bâtiments ou les fonds technologiques. Cela permettrait d'économiser environ 400 millions d'ici 2030. 

La Confédération a chargé un expert de lui faire des suggestions pour réaliser des économies.

Si cela ne permet pas d'atteindre complètement les objectifs climatiques, les experts recommandent de miser davantage sur les taxes sur le CO2, dont les recettes seraient toutefois redistribuées à la population. Ceux qui émettent moins de CO2 peuvent ainsi gagner de l'argent. Le peuple avait toutefois rejeté une telle taxe en 2021.

Transports

La Suisse est un pays ferroviaire. Pour le financer, il existe notamment le fonds d'infrastructure ferroviaire. Pour le groupe d'experts, il est envisageable d'y injecter 200 millions de moins par an. Le fonds pour les routes nationales pourrait également recevoir moins d'argent, à savoir 117 millions jusqu'en 2027. Pour cela, les projets d'extension prévus devraient être priorisés et éventuellement stoppés. En revanche, la réparation des voies ferrées et des routes ne devrait pas faire l'objet de coupes.

Mais les pendulaires pourraient aussi en faire les frais. En ce qui concerne le trafic régional, un financement plus important par les usagers «sous forme d'augmentation des tarifs» est probable. Les contributions fédérales pourraient ainsi être réduites de 5%. Les experts voient également un potentiel d'économies dans le trafic des marchandises et les trains de nuit.

Agriculture

Ils ont la réputation d'être des chasseurs de subventions: les agriculteurs reçoivent beaucoup d'argent de la Confédération. Mais les paiements directs valent-ils leur pesant d'or? La commission d'experts critique à plusieurs reprises l'efficacité des subventions aux agriculteurs. 

Elle propose ainsi de supprimer les aides à l'élevage et de réduire les contributions à la publicité, par exemple pour la viande suisse. Les taux de subvention devraient également être réduits pour les contributions à la qualité de l'agriculture. Rien que cela permettrait d'économiser 65 millions.

Asile et migration

La commission soutient que la Confédération doit davantage axer sa politique d'intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire sur leur intégration dans le marché du travail. Cela permettrait d'économiser des dépenses, notamment dans l'aide sociale. La Confédération ne devrait ainsi plus verser aux cantons qu'un forfait par réfugié ou par personne admise à titre provisoire pendant quatre ans, contre cinq et sept ans actuellement. 

Le groupe d'experts est convaincu que cette mesure pourrait réduire considérablement les transferts de la Confédération vers les cantons. D'ici 2027, la Confédération devrait être soulagée de 250 millions de francs, et d'ici 2030, de 500 millions de francs au total.

Seniors

La Confédération a introduit il y a quelques années une rente transitoire pour les personnes licenciées peu avant la retraite. Le groupe d'épargne n'aime pas cette mesure: elle l'estime non nécessaire. Il faut donc la supprimer et économiser jusqu'à 48 millions d'ici 2030.

Le groupe voit un plus grand potentiel d'économies dans le financement de l'AVS. La Confédération participe elle aussi aux coûts de l'AVS. Désormais, les contributions de la Confédération doivent être dissociées des dépenses de l'AVS et couplées par exemple à l'évolution de la TVA. Cela permettrait d'économiser 289 millions de francs en 2030.

Familles

Selon la commission d'experts, la Confédération devrait se retirer de domaines qui relèvent en fait de la responsabilité des cantons. L'accueil extrafamilial des enfants en est un exemple: la Confédération pourrait renoncer totalement aux prestations et à l'extension prévue. Le groupe d'experts estime que le potentiel d'économies est de 896 millions de francs d'ici 2030.

Formation

Le groupe d'experts propose aussi d'augmenter les taxes d'études. Il estime qu'il est réaliste de les doubler pour les étudiants suisses et de les quadrupler pour les étudiants internationaux. Les recettes ainsi obtenues devraient être utilisées pour réduire les subventions publiques aux EPF et aux hautes écoles cantonales. Le groupe d'experts propose en outre de réduire de 10% le soutien aux séjours d'étudiants à l'étranger.

En outre, la Confédération ne devrait plus débloquer de subventions pour la construction de hautes écoles. Cela permettrait d'économiser 34 millions de francs supplémentaires d'ici 2030. Le rapport propose également de réduire de 10% les dépenses de recherche du Fonds national suisse. Cela devrait permettre d'économiser 145 millions de francs.

Soutien aux cantons

La Confédération intervient régulièrement dans des domaines qui relèvent en fait de la compétence des cantons. Le groupe d'expert suggère d'y renoncer à l'avenir. Il s'agit par exemple des contrôles de la police fédérale dans les aéroports. La réduction de la compensation des charges socio-démographiques, une partie de la péréquation financière nationale, est un plus gros morceau. Celle-ci sert à compenser les différences de coûts de la pauvreté, de l'âge ou de l'intégration des étrangers dans les différentes régions. Plus de 140 millions pourraient ainsi être économisés.

Santé

Les coûts dans le domaine de l'assurance obligatoire des soins doivent être atténués par une action commune de la Confédération et des cantons. La Confédération doit fixer, en concertation avec les cantons, un objectif sur l'augmentation des coûts de la santé - comme le prévoit le contre-projet à l'initiative sur le frein aux coûts, adopté par le Parlement. Le potentiel d'économie est ici de 18 millions de francs d'ici 2027 et même de 80 millions de francs d'ici 2030.

Aide au développement

Les experts s'accordent à dire que l'aide au développement a déjà fait l'objet de nombreuses économies. Mais selon l'ampleur et la rapidité de la croissance de l'armée, l'aide au développement devrait elle aussi continuer à saigner. Selon le groupe d'experts, des coupes allant jusqu'à 313 millions sont envisageables.

Personnel fédéral

Au cours des quinze dernières années, les effectifs de la Confédération ont fortement augmenté. Alors qu'ils représentaient un équivalent de 33'100 postes à temps plein en 2009, ils étaient d'environ 38'600 l'année dernière. Le groupe d'experts propose de maintenir la stabilité des effectifs dans les années à venir et de profiter des départs à la retraite pour réaliser des gains d'efficacité. Les nouvelles tâches doivent être accomplies avec les ressources existantes plutôt que d'engager du personnel supplémentaire.

D'ici 2030, il est ainsi prévu d'économiser jusqu'à 300 millions de francs, dont environ deux tiers proviendront de licenciement du personnel. Comme le coût d'un poste est estimé en moyenne à 150'000 francs, cela signifie qu'environ 1300 postes (le 3% du total) devraient être supprimés.

Et les salaires des fonctionnaires pourraient également être touchés. Le groupe d'experts recommande de limiter les augmentations de salaires individuels annuels au niveau de l'économie privée.

Armée/dépenses de défense

C'était le grand coup de théâtre du début de l'année: le trou de plusieurs milliards de francs dans l'armée. Parallèlement, l'armée doit s'équiper en raison de la guerre en Ukraine et a besoin de plus d'argent pour cela. Mais le groupe d'experts va désormais dans une autre direction - du moins en partie. 

Il a demandé au Département de la défense de Viola Amherd ce que cela pourrait impliquer si les dépenses de l'armée n'augmentaient pas autant. La réponse: non justifiable. Malgré cela, le groupe d'experts présente maintenant une variante dans laquelle les dépenses de défense augmentent moins que prévu. Ceci en raison des efforts d'économie attendus dans les autres départements. Mais de vives discussions sont inévitables.

Recettes

En raison des possibilités d'économies, le groupe d'experts ne voit pas de nécessité urgente d'agir également sur les recettes. Il a néanmoins examiné quelques mesures visant à générer davantage de recettes fiscales. Leurs recommandations: 

  • Les allégements fiscaux injustifiés doivent être supprimés, par exemple en ce qui concerne l'impôt sur les huiles minérales et la taxe poids lourds. Cela pourrait générer des recettes supplémentaires de l'ordre de dizaines de millions.
  • L'imposition des retraits de capitaux des deuxième et troisième piliers, comme les rentes, ce qui rapporterait 200 millions par an à la Confédération.
  • Le taux de TVA unique de 6,8%, qui pourrait générer environ un milliard de recettes supplémentaires par an.
  • L'impôt sur les gains immobiliers pour les particuliers au niveau national, avec un potentiel d'environ un milliard de francs par an également.

Les mesures du groupe d'experts sont des propositions non contraignantes. Il est très peu probable que toutes les propositions soient mises en œuvre. Le Conseil fédéral a eu une première discussion lors de sa séance de mercredi. Ils doivent désormais consulter les cantons, les partis et les partenaires sociaux lors de tables rondes. Ce n'est que plus tard que le Conseil fédéral devra établir un plan d'économies définitif.

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