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La Suisse menacée par l'embargo sur le gaz russe

Après le massacre de Boutcha, de nouvelles sanctions contre la Russie devraient suivre cette semaine. Pour la première fois, les États de l'UE discutent sérieusement d'un éventuel embargo sur le gaz. Un problème pour la Suisse, selon l'expert en énergie Andreas Tresch.
Publié: 05.04.2022 à 09:11 heures
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Dernière mise à jour: 05.04.2022 à 09:18 heures
Nicola Imfeld

Ce week-end, les atrocités commises par l’armée russe à Boutcha, en Ukraine, ont fait le tour de la planète. En conséquence, les pressions sur l’Occident pour l’application de sanctions plus sévères se sont encore accrues ce week-end. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exigé de l’Union européenne (UE) un embargo complet sur le gaz russe.

La mesure est considérée comme radicale et pourrait toucher durement la population européenne, notamment allemande, qui en dépend fortement pour chauffer ses maisons.

Les Allemands réagissent

Il n’empêche, le chancelier Olaf Scholz a annoncé ce week-end la préparation de nouvelles sanctions contre la Russie. «Nous allons décider de nouvelles mesures avec nos alliés dans les prochains jours, a-t-il déclaré. Poutine et ses soutiens subiront les conséquences de leurs actes.»

Couper complètement le gaz russe? Le scénario est de moins en moins improbable.
Photo: keystone-sda.ch
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La ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, a même évoqué pour la première fois un arrêt des livraisons de gaz russe. Cette mesure devrait être «discutée ensemble» entre ministres de pays de l’UE. Les Italiens, par exemple, réfléchiraient également à arrêter de se fournir en gaz russe.

Problèmes d’approvisionnement

Que signifierait un embargo sur le gaz pour la Suisse? Notre dépendance aux matières premières russes est conséquente: un ménage helvétique sur cinq se chauffe au gaz et 15% des besoins énergétiques nationaux sont couverts par la même source d'énergie, dont la moitié provient de Russie.

«La Suisse serait confrontée à un véritable problème si cela devait arriver», a déclaré à Blick Andreas Tresch, de la société de conseil Enerprice. L’expert en énergie s’explique: «Si l’Allemagne ne veut plus s’approvisionner en gaz auprès de la Russie, elle devra sans doute déclarer l’état d’urgence. Le premier niveau d’alerte pour l’approvisionnement en gaz a déjà été déclaré.»

«Il faut s’attendre à ce que la Suisse ne reçoive plus de gaz»

Berlin et les autres pays de l’UE concernés disposeraient d’un certain délai de transition, notamment grâce à leurs stocks de gaz ainsi qu’aux alternatives à l’approvisionnement: le gaz norvégien et du gaz naturel liquéfié en provenance du Qatar et des États-Unis. Ils disposent ainsi d’un avantage considérable par rapport à la Suisse.

Andreas Tresch prévient toutefois: «Dès que la demande en chauffage reviendra, début octobre 2022, les flux de gaz et les niveaux de stockage existants ne suffiront plus.» Selon lui, un fiasco dans les commandes de gaz menace donc tôt ou tard la Suisse. «Il faut s’attendre à ce que les États de l’UE décident d’un arrêt des exportations avec l’introduction d’un embargo et que les États tiers comme la Suisse ne reçoivent plus de livraisons de gaz.»

Devrons-nous soutirer du gaz aux Italiens?

Concrètement, cela signifie que les pipelines qui mènent jusqu’en Suisse pourraient être vides dès la fin 2022. «Le seul atout dont dispose la Suisse, c’est la conduire de transit de l’axe nord-sud européen qui mène à l’Italie», analyse Andreas Tresch.

«En cas d’urgence, la Suisse pourrait soutirer du gaz aux Italiens, révèle-t-il. Cela pourrait être politiquement très délicat et si Berne envisage cette démarche, elle devrait le justifier d’une manière ou d’une autre, par exemple en achetant dès maintenant des réservoirs européens.»

Les prix de l’électricité vont exploser

L’expert en énergie doute cependant qu’on en arrive à un embargo total sur le gaz. «Le gaz russe est plus important pour nous que pour le Kremlin, relève-t-il. La seule manière de nuire à Poutine, c’est plutôt de renoncer aux livraisons de pétrole russe. C’est la matière première qui rapporte le plus d’argent au Kremlin. Mais là aussi, le danger guette. Poutine pourrait décider, dans ce cas de figure, de couper le robinet du gaz en rétorsion.»

Quelle que soit l’issue, les Suisses ressentiront la guerre en Ukraine et la politique de sanctions dans leur porte-monnaie. «Les prix du gaz naturel explosent déjà, même pour les ménages suisses. Et les prix de l’électricité suivront avec un peu de retard en 2023, en raison de la réglementation», explique Andreas Tresch.

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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