Thierry Burkart attaque Sergio Ermotti
«Ces excès de bonus détruisent la confiance de la population»

Le patron de l'UBS Sergio Ermotti a empoché un salaire de 14,1 millions de francs pour les neuf mois de l'année 2023, auxquels s'ajoutent 300'000 francs pour son plan de retraite. Même le chef du PLR Thierry Burkart s'insurge contre ce méga-salaire, et se défend sur X.
Publié: 28.03.2024 à 11:33 heures
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Dernière mise à jour: 28.03.2024 à 12:15 heures
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Martin Schmidt

Sergio Ermotti est revenu sur le trône de la direction d'UBS en 2023 après la reprise mouvementée de Credit Suisse. Pour le CEO, ce retour a été financièrement profitable: il a reçu une compensation totale de 14,1 millions de francs pour les neuf mois de poste, selon le rapport de gestion de l'UBS publié jeudi. A cela s'ajoutent 300'000 francs supplémentaires pour le plan de retraite de Sergio Ermotti.

Le prédécesseur du Tessinois, Ralph Hamers, gagnait encore 12,6 millions de francs au total en 2022. Outre son salaire fixe de 2,9 millions de francs, il avait reçu 9,7 millions de francs de bonus. A titre de comparaison, si l'on extrapolait le salaire de Sergio Ermotti sur une année, il aurait empoché 19,2 millions de francs.

Le salaire du CEO actuel se compose d'un salaire fixe de 2,1 millions et d'un salaire variable de 12,3 millions. La partie variable de ce revenu est liée à la réalisation d'objectifs internes au cours des cinq prochaines années. Si les décisions prises aujourd'hui par le CEO n'apportent pas de succès durable, cette somme pourrait diminuer.

Grand jour de paie pour le patron d'UBS Sergio Ermotti.
Photo: keystone-sda.ch
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Le chef du PLR Burkart se lâche

Les critiques du méga-salaire de Sergio Ermotti ne se font pas fait attendre. «Les excès de bonus présomptueux de certains top managers détruisent la confiance de la population dans l'économie dans son ensemble», s'énerve par exemple le président du PLR Thierry Burkhart sur X. Il ajoute que les banques, dont les risques commerciaux sont en fait supportés par la population, «devraient faire preuve de plus de modestie».

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Sergio Ermotti perçoit nettement plus que Noel Quinn, CEO de HSBC, comme le constate un autre utilisateur de X. Noel Quinn est tout de même le patron de la plus grande banque d'Europe et a perçu en 2023 l'équivalent de 12,1 millions de francs.

Un autre utilisateur propose un simple calcul: Sergio Ermotti empoche l'équivalent de 1,6 million par mois, soit plus de 80'000 francs par jour de travail. Le gain de Sergio Ermotti par jour de travail correspond donc à peu près au salaire annuel médian d'un employé à plein temps en Suisse. La moitié des employés à 100% du pays gagne moitié moins en une année que le patron d'UBS en un jour de travail…

«Rien ne justifie de tels salaires!»

La critique vient de tous les horizons politiques. Le conseiller national socialiste Matthias Aebischer balance sur X: «Les citoyens suisses ne peuvent plus payer leur loyer et leurs primes d'assurance maladie et Sergio Ermotti touche un bonus de 12,3 millions grâce aux milliards de cautionnement de ces citoyens suisses.» Avant de conclure: «Le pot est cassé, depuis longtemps.»

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Le conseiller national du centre Stefan Müller-Altermatt ne comprend pas non plus ce méga-salaire. Il s'amuse avec un petit calcul: avec son salaire de la dernière année, Sergio Ermotti pourrait dépenser 1500 francs par jour jusqu'à ses 90 ans. «Les gars, il a besoin d'argent, comprenez-le», constate-t-il avec ironie. 

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«Je ne doute pas de ses capacités, mais je continue à douter de la culture des bonus dans les grandes banques. Rien ne justifie de tels salaires!», écrit également sur X l'analyste politique et auteur de livres Mark Balsiger. Pour les autres membres de la direction, l'accord du CS a aussi été profitable: l'ensemble de la direction de la plus grande banque suisse a reçu 140,3 millions de francs en 2023, contre 106,9 millions l'année précédente.

Le salaire d'Ermotti va-t-il encore augmenter?

Thomas Minder, père de l'initiative contre les rémunérations abusives et ancien conseiller aux Etats schaffhousois (sans parti), estime que le salaire de 14,4 millions n'est qu'un début: «L'UBS va continuer à faire des milliards de bénéfices dans les années à venir et les salaires vont encore augmenter.» Les bénéfices élevés ne sont pas le fruit du travail de Sergio Ermotti et de ses collègues, mais une conséquence purement comptable du rachat du Credit Suisse «à un prix d'aubaine», selon Thomas Minder. «Ermotti n'a encore rien réalisé, l'intégration est encore en cours.»

Grâce à l'initiative de Thomas Minder, que les électeurs suisses ont clairement acceptée en 2013, les actionnaires de l'UBS pourraient théoriquement mettre un terme à cette rémunération de plusieurs millions lors de l'assemblée générale de fin avril. Mais c'est illusoire, admet l'ancier conseiller: «Les actionnaires voient les milliards de bénéfices, mais en comparaison, les 14,4 millions pour Sergio Ermotti semblent être des peanuts. Ils vont donc laisser passer ça.» A cela s'ajoute le cours de l'action: il a presque doublé depuis le rachat de Credit Suisse. Cela rend les actionnaires cléments.

Pour les autres membres de la direction, le deal de Credit Suisse a également été payant: l'ensemble de la direction de la plus grande banque suisse a reçu en 2023 un total de 140,3 millions de francs, contre 106,9 millions l'année précédente. Colm Kelleher, président du conseil d'administration de l'UBS depuis avril 2022, recevra 4,7 millions de francs pour sa deuxième année, jusqu'à la prochaine assemblée générale du 24 avril. La première année, il avait gagné 4,8 millions. L'ensemble du conseil d'administration a ainsi perçu 15,2 millions en 2023, y compris les frais dits de subvention (subsidiary fees), soit nettement plus qu'en 2022 avec 12,6 millions.

Bénéfice revu à la baisse

En ce qui concerne le bénéfice, la grande banque doit procéder à une correction à la baisse par rapport à la publication des chiffres d'affaires non révisés le 6 février. Finalement, il reste un bénéfice net de 27,8 milliards de dollars américains.

En février, un excédent de 29 milliards avait encore été annoncé. UBS justifie ce bénéfice inférieur par le goodwill évalué à la baisse qui lui revient suite à l'achat de son concurrent Credit Suisse. Celui-ci est apparu parce que le prix d'achat était clairement inférieur à la valeur comptable de la deuxième grande banque suisse de l'époque. Désormais, le goodwill de 27,7 milliards de dollars est inférieur de 1,2 milliard.

Selon UBS, les estimations faites au moment de l'acquisition ont été «affinées» conformément aux exigences comptables. Le résultat dilué par action est dorénavant présenté à 8,45 dollars. Cela a aussi des répercussions sur le ratio de fonds propres durs d'UBS à la fin 2023. Le ratio de fonds propres CET1 est de 14,4%, contre 14,5% encore présenté début février.

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