Trop compliqué à encadrer
À Genève, les cantines scolaires refusent les enfants qui font le ramadan!

Un civiliste affecté dans un foyer genevois s'est étonné que le resto scolaire d'un pensionnaire faisant le ramadan ne pouvait pas accueillir l'enfant durant son jeûne. Un choix personnel incompatible avec la mission d'accueil, se défend le groupement parascolaire.
Publié: 25.03.2024 à 06:11 heures
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Dernière mise à jour: 25.03.2024 à 10:46 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

«Un jeune du foyer où je travaille fait le ramadan. On a appris qu'il ne pouvait pas rester au restaurant scolaire s'il ne mange pas. On ne sait pas comment on va faire...» Un civiliste affecté à un foyer du canton de Genève a contacté Blick le 13 mars, choqué. L'établissement dans lequel il travaille s'est retrouvé au pied du mur lorsque le Groupement intercommunal pour l'animation parascolaire (GIAP) a refusé de prendre en charge l'un de leurs pensionnaires.

Au bout du Léman, le GIAP gère l'encadrement des restaurants scolaires. Or, ce jeune garçon, âgé de neuf ou dix ans, normalement inscrit, ne peut s'y rendre tant qu'il jeûne. «L'équipe et moi étions très surpris de cette décision. Le foyer accueille des enfants dont la situation familiale est compliquée», développe le civiliste.

Passer sa pause dans le bus

Il ajoute que le lieu de vie et l'école du jeûneur sont distants de presque une heure, en bus. Le garçon passerait donc ses deux heures de pause de midi à faire un aller-retour en transport. «Cette situation embarrassante se présente à chaque ramadan, soupire le jeune homme affecté au foyer. L'équipe doit trouver des solutions et c'est compliqué vu que ces enfants ont des contacts très restreints avec leurs parents.»

Tous les enfants peuvent être accueillis au parascolaire dès lors qu’ils participent au repas et activités prévus, explique Floriane Demont, directrice du groupement intercommunal pour l'animation parascolaire.
Photo: DR

Alors, pourquoi le GIAP ne peut-il pas s'occuper d'enfants déjà inscrits aux cuisines scolaires, mais qui ne mangent pas? Premièrement, la directrice du groupement, Floriane Demont, parle d'une «incompatibilité avec [sa] mission d'accueil collectif, qui concerne aujourd'hui près de 30'000 enfants inscrits».

Accueil individuel impossible

Les familles qui suivent des jeûnes, comme le carême ou le ramadan, prennent une décision individuelle, élabore la directrice. À l'échelle du canton, le GIAP ne peut pas accueillir des enfants qui ne participent pas aux repas et activités prévus par l'accueil parascolaire.

Cette décision est à la fois organisationnelle et dictée par l'intérêt de l'enfant. À midi, tous les bambins sont au réfectoire pour «un repas pédagogique collectif» partagé par le groupe et l'animatrice qui les encadre. Les enfants qui jeûnent auraient besoin d'un accueil spécifique et individuel que le GIAP ne peut pas offrir.

Bambins tentés de manger

Pire encore, ils risqueraient d'être stigmatisés, souligne la directrice. En étant assis à une table à part, où «ils regarderaient manger leurs camarades sans pouvoir en faire autant», s'inquiète Floriane Demont. Par ailleurs, il faudrait vérifier que les jeûneurs ne mangent pas dans les assiettes de leurs camarades. «Une surveillance accrue, particulièrement difficile à mettre en œuvre dans des réfectoires où mangent plusieurs centaines d’enfants», conclut-elle.

Un argumentaire qui ne convainc pas le civiliste consterné. «C'est tout à fait possible d'encadrer les jeunes qui ne mangent pas et de leur faire faire quelque chose, pas les mettre à une table séparée sans nourriture. Cela nécessite peut-être un éducateur de plus, mais c'est tout. C'est politique à ce niveau-là. Ça ne veut pas rien dire!»

Une attitude «pas inclusive»

Pour lui, les équipes du GIAP pourraient profiter de ce moment de pause pour éduquer les autres enfants au ramadan. «La pause purement 'alimentaire' est assez courte. Il y a clairement un manque de volonté qui ne permet pas à ces enfants de vivre leur religion. Cette attitude n'est pas inclusive», déplore le jeune homme.

Floriane Demont indique toutefois que les cas sont rares et traités «en bonne entente avec les familles». Actuellement, ses services ne connaissent aucune réclamation liée à la non-prise en charge d'un enfant.

Au foyer où est affecté le civiliste, la possibilité d'être accueilli par sa mère à midi se dessinait pour le jeune garçon. Par le passé, relate la directrice du GIAP, une fratrie placée en foyer avait dû être surveillée par les équipes de son lieu de vie durant la pause déjeuner.

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