Un couple lesbien témoigne
Olivia n'a pas le droit au nom de famille de ses mamans

Marlise et Anouck Hofmann forment l'un des premiers couples homosexuels à avoir bénéficié du «mariage pour tous». Quelle déception cependant quand elles ont appris qu'elles ne pourraient pas donner leur nom commun à leur enfant, rapporte le «Beobachter»!
Publié: 23.02.2023 à 06:22 heures
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Dernière mise à jour: 24.02.2023 à 08:40 heures
Jasmine Helbling (Beobachter)

Marlise et Anouck Hofmann se sont mariées le 1er juillet 2022, soit le jour de l'entrée en vigueur du «mariage pour tous». Ce jour-là, ni fête, ni invités, ni fanfare. Il n'en reste pas moins mémorable.

Les deux femmes sont en couple depuis onze ans et ont vécu en partenariat enregistré pendant six ans. Ce statut ne leur donnait pas les mêmes droits qu'aux couples hétérosexuels. C'est pourquoi elles ont saisi l'opportunité de se marier. «Nous espérions ainsi avoir moins de formulaires, de clarifications, de réglementations spéciales».

Le timing était parfait: Anouck était enceinte de cinq mois le jour de la cérémonie de mariage. Leur fille Olivia est née en novembre. Et avec elle est arrivé le cauchemar de la bureaucratie.

Marlise et Anouck Hofmann avec leur fille Olivia. Malgré le nom commun des mamans, la fille ne peut pas s'appeler comme elles.
Photo: Annick Ramp
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Rien à faire, c'est la loi

Quelques jours après la naissance, les jeunes mamans ont reçu un courrier de la part de l'Office de l'état civil de Haute-Argovie concernant la récente déclaration de naissance. Son contenu était pour le moins surprenant. «Le nom de famille que vous souhaitez ne peut pas être enregistré. En vertu du droit suisse, l'enfant doit porter le nom de jeune fille de sa mère», y figurait-il. Olivia ne pourrait donc pas porter le nom de ses mamans.

L'une riant, l'autre pleurant, ont trouvé cela «absurde». C'était justement pour éviter ce problème qu'elles avaient choisi un nom commun lors du mariage. Rien à faire, c'est la loi, leur a-t-on communiqué à l'Office de l'état civil. Les Hofmann n'étaient pas satisfaites de cette réponse. De quelle loi parle-t-on au juste? Est-ce qu'elle concerne uniquement les couples de même sexe? Ou est-ce une erreur? Beaucoup de questions restaient ouvertes. Pourtant, le code civil semblait leur donner raison: l'art. 270 al. 3 de ce dernier indique en effet que «[l]'enfant de conjoints qui portent un nom de famille commun acquiert ce nom». Pourquoi Olivia ne pourrait-elle pas porter leur nom alors?

«Seulement pour les enfants communs»

Une demande adressée à l'Office fédéral de justice et police a permis d'apporter un peu plus de clarté. Responsable de l'information à l'OFJ, Ingrid Ryser déclare qu'«il n'y a pas eu d'erreur [de la part de l'Office de l'état civil de Haute-Argovie]». «Le nom de famille commun ne vaut que pour les enfants communs». Tandis que les autres reçoivent le nom de jeune fille de leur mère biologique. La responsable est consciente que «dans des cas particuliers, cela conduit à des résultats qui ne sont pas toujours faciles à comprendre pour les personnes concernées». Les Offices d'état civil n'auraient cependant pas de marge de manœuvre.

L'origine du problème vient donc du fait que Marlise n'est pas la mère biologique d'Olivia. Dans ce contexte, elle n'aurait pu être reconnue officiellement comme sa maman, que si le couple avait procédé par une banque de sperme officielle pour concevoir leur fille.

«Olivia avant toute chose»

Or, l'accès à un tel service n'a été rendu possible, pour les couples homosexuels, qu'après l'entrée en vigueur du «mariage pour tous». Et la loi règle sévèrement qui peut être donneur de sperme. Chaque don est ensuite contrôlé et documenté.

Si l'on passe par une banque de sperme officielle néanmoins, les données du donneur ne sont rendues publiques qu'aux 18 ans de l'enfant. «Trop tard» ont estimé les Hofmann qui ont préféré pour cette raison passer par un donneur privé, venant de leur entourage. «Il sera dans la vie d'Olivia dès le début», pensait Marlise. Elle connaissait les conséquences d'une telle décision: elle ne pouvait adopter son enfant qu'un an plus tard. «Ça en valait la peine pour nous. Olivia avant toute chose.»

Malgré toute leur préparation et les recherches, le cadre légal sur le nom des enfants les a surpris. Il est en effet difficile pour les non-initiés de se procurer les informations qui s'appliquent à une relation homosexuelle. Pour les couples hétérosexuels, la réglementation est en revanche plus claire: le bébé reçoit le nom de célibataire de la mère si le couple n'est pas marié ou n'arrive pas à se mettre d'accord sur un nom de famille.

Bonne nouvelle

Une bonne nouvelle attend néanmoins les Hofmann: ce n'est qu'une question de temps avant qu'Olivia puisse obtenir ce nom de famille. Car en cas d'adoption de l'enfant du conjoint, cela se fait automatiquement. Seul bémol: la procédure pour y parvenir est longue et coûteuse. Un couple ne peut déposer sa demande qu'un an après la naissance, puis quelques mois supplémentaires s'écoulent encore jusqu'à l'autorisation, dans les cas les plus simples. Le Conseil fédéral s'est certes prononcé en mai 2022 en faveur d'une simplification de cette procédure, mais on attend encore qu'une réglementation correspondante entre en vigueur.

Mais ce n'est pas tout. La procédure coûte. Encore une fois. «Nous avons déjà dû payer pour transformer notre partenariat enregistré en mariage. Et maintenant, l'adoption de l'enfant du conjoint coûte encore 400 à 800 francs.» «Pour Olivia, nous prenons tout cela sur nous», témoignent les mamans. Il n'en reste pas moins un arrière-goût amer: la promesse d'égalité des droits que visait le «mariage pour tous» n'est dans les faits pas encore complètement là.

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