«Un danger pour le sport suisse»
Les fédérations sportives montent au front contre le dégraissage de la SSR

En s'attaquant à la redevance TV, le Conseil fédéral veut engager la SSR dans un vaste plan d'économie. Les associations sportives, elles, mettent en garde: une coupe budgétaire trop brutale serait un «danger pour l'ensemble du sport suisse».
Publié: 27.01.2024 à 19:08 heures
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Dernière mise à jour: 27.01.2024 à 19:09 heures
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Lea Hartmann

La nation était assise devant son poste de télévision: plus d'un million de personnes ont vibré sur SRF 2 lorsque la star du ski Marco Odermatt a remporté sa première victoire en Coupe du monde de descente au Lauberhorn, il y a deux semaines. 500'000 autres ont suivi la légendaire descente en streaming en ligne.

Peu de choses parviennent à attirer autant de téléspectateurs et de téléspectatrices devant leur téléviseur et leur smartphone que le sport. Mais aujourd'hui, les associations sportives tirent la sonnette d'alarme: elles craignent pour la retransmission d'événements de premier plan comme la course du Lauberhorn ou la Coupe du monde de football, à cause des plans d'économie de la SSR voulus par Albert Rösti, à la tête du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication.

La redevance TV, un sujet sensible

Cette année, le Parlement se penche sur l'initiative visant à réduire la redevance TV – dont une grande partie est versée à la SSR – à 200 francs par ménage. Albert Rösti, qui faisait lui-même partie du comité d'initiative jusqu'à son élection au Conseil fédéral, doit maintenant défendre cette position.

Les courses de Coupe du monde comme celle d'Adelboden en début d'année sont des événements majeurs pour la SRF.
Photo: Sven Thomann
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Le Conseil fédéral trouve l'initiative de réduction de moitié trop extrême, mais veut également contraindre la SSR à faire des économies. D'ici 2029, la redevance Serafe pour les ménages, actuellement de 335 francs par an, doit être abaissée en deux étapes à 300 francs, selon le plan. Albert Rösti veut également adapter le mandat de prestations à la SSR.

«Un danger pour l'ensemble du sport suisse»

Si les principaux acteurs de cette réforme ont jusqu'au milieu de la semaine prochaine pour prendre position, les réactions sont déjà vives du côté des sports. Swiss Olympic, l'association faîtière du sport suisse, qualifie en effet la baisse prévue de la redevance, mais surtout l'adaptation de la concession, de «danger pour les reportages sportifs de la SSR et donc pour l'ensemble du sport suisse».

Chaque année en effet, la SSR produit et retransmet environ 800 compétitions sportives: «Une entreprise de médias privée ne serait pas en mesure de supporter de tels coûts de production, car les reportages sportifs ne sont pas rentables en Suisse», fait remarquer l'association. La publicité et le sponsoring ne couvriraient en effet que 10 à 20% des coûts.

De nombreuses autres associations sportives ont, elles aussi, fait part de leur inquiétude au Conseil fédéral, comme Swiss-Ski ou l'Association suisse de football. Difficile en effet d'attirer des sponsors avec la fin des retransmissions de manifestations sportives. C'est l'existence de nombreux événements sportifs en Suisse qui serait en jeu, selon diverses organisations.

«SRF joue un rôle important pour la visibilité des petits évènements», explique Diego Züger, co-directeur général de Swiss-Ski. «Mais les grands rendez-vous comme la Coupe du monde de ski à Adelboden ou au Lauberhorn seraient également concernés.» Or de telles productions en plein air nécessitent d'énormes moyens: «Les retransmissions à la télévision donnent en outre une portée aux athlètes et stimulent la relève», explique Diego Züger.

Les cantons et les villes s'opposent également

Certes, la retransmission de grandes manifestations ne devrait pas être sérieusement menacée. Mais Albert Rösti a prévenu lors d'une conférence de presse en novembre dernier qu'il fallait économiser, en particulier dans les domaines du divertissement et du sport.

La SSR doit faire moins de concurrence au secteur privé et «axer davantage sa mission sur l'information, la formation et la culture», a-t-il expliqué. Mais les associations sportives souhaitent que le sport soit ponctionné le moins possible.

Plusieurs cantons et villes s'opposent également à la cure d'amaigrissement prévue pour la SSR. Mais pour d'autres raisons. Le canton des Grisons craint «des effets négatifs considérables sur le service public», tandis que le canton de Thurgovie met en garde contre «des conséquences étendues et difficilement prévisibles». 

Mais les régions rurales ne sont pas les seules à s'opposer à la baisse des taxes. L'Union des villes suisses s'oppose, elle aussi, «expressément» à cette coupe budgétaire.

Le Conseil fédéral statuera sur la réduction des taxes dans les prochains mois, après avoir pris en compte toutes les prises de position. Cela pourrait se faire sans que le Parlement n'ait son mot à dire. Il fixera également le mandat de prestations.

En clair; c'est le Conseil fédéral qui tient la télécommande entre ses mains. Pas les autres.

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