«Un site de merde!»
Le petit guide de l'électeur vaudois complotiste est en ligne

Un site internet anonyme anti-mesures sanitaires veut influencer les élections cantonales vaudoises. Il indique pour quelles personnalités il faut voter et épingle, au contraire, «les candidats dangereux». À gauche comme à droite, on s'élève contre ce procédé.
Publié: 04.03.2022 à 15:54 heures
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Dernière mise à jour: 04.03.2022 à 16:12 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Peut-être l’avez-vous vu passer sur vos écrans ces derniers jours. Un site internet anonyme anti-mesures sanitaires, www.pass-candidat.ch, est de plus en plus partagé sur les réseaux sociaux. Sa raison d’être? «Rectifier le tir» lors des élections cantonales vaudoises du 20 mars prochain. Rien que ça.

Sur la page d’accueil, le ton est martial. «Au vu du résultat des référendums sur la loi Covid, près de quatre personnes sur dix désapprouvent la politique sanitaire coercitive des autorités», y est-il notamment écrit en introduction.

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La suite ne manque pas de sel. «Cette population n’est absolument pas représentée, ni dans les médias, ni dans le monde politique, qui suivent aveuglément la version officielle prétendant que la suspension de nos droits fondamentaux est absolument indispensable, voire l’étayent de leur mieux en alimentant la peur, en culpabilisant ceux qui expriment leurs doutes et en multipliant les références éthiques douteuses pour justifier cette ligne totalitaire.»

Pierre Dessemontet, cosyndic socialiste d'Yverdon-les-Bains, député au Grand Conseil et vice-président du parti à la rose vaudois, fait partie des «candidats dangereux», selon le site anonyme.
Photo: Keystone

Le discours dévie rapidement sur le port du masque et sur le vaccin. «Absolument personne n’a le droit de vous forcer à vous voiler le visage ou à vous injecter une quelconque substance. Votre corps vous appartient. Ne votez surtout pas pour des gens qui trouvent normal que certaines personnes soient considérées comme inférieures à d’autres sous prétexte qu’elles refusent de renoncer à leur droit le plus fondamental!»

Les candidats anti-pass n’y seraient pour rien

Plus loin, les choses se corsent encore. En se basant négligemment sur les profils Smartvote des candidates et candidats aux élections cantonales, le site livre ses recommandations de vote: «Soutenons les bons et écartons les mauvais». Sans réelle surprise, la seule formation à ne voir aucun de siens biffés par les opposants aux mesures sanitaires masqués est l’Alliance des libertés, une liste «proche des complotistes», titrait «Le Temps».

Sa figure tutélaire, Lynn Dardenne, jure à Blick qu'elle n'est pas derrière la plateforme. «Je n’en avais jamais entendu parler», glisse dans la foulée au téléphone la restauratrice, qui vient d’être condamnée pour ne pas avoir contrôlé le pass sanitaire de ses clients. Celle qui brigue un siège au Conseil d’État estime que ce sont peut-être les positions médiatiques sans équivoque de son groupe qui lui valent le soutien du site.

Des soutiens étonnants

Parmi les autres candidatures adoubées, des noms intriguent. Dans le district d’Aigle, Quentin Racine est l’un des deux seuls libéraux-radicaux à ne pas être rayé d’un trait gris. Comment l’explique-t-il? «D’aucune manière, rétorque celui qui est aussi vice-président du Parti libéral-radical (PLR) vaudois. Visiblement, le but de cette page est de pointer du doigt ceux qui ont défendu la loi Covid et le pass sanitaire. Or, elle me soutient alors que j’avais voté pour ces mesures, estimant que le certificat Covid était la moins mauvaise des solutions dans la situation que nous vivions. La méthode de ces personnes est biaisée et mélange tout, c’est regrettable.»

Quentin Racine, vice-président du Parti libéral-radical vaudois et candidat au Grand Conseil.
Photo: D.R.

Même explication du côté de Valérie Dittli, candidate du Centre au Conseil d’État, elle aussi recommandée par le site sulfureux. «Je me suis engagée publiquement pour la loi Covid, donc je ne comprends pas ces résultats, tonne-t-elle. Les instigateurs de cette démarche ont visiblement des problèmes de méthodologie pour établir leurs consignes de vote.»

Valérie Dittli, candidate du Centre au Conseil d'État.
Photo: Keystone

Ce n’est finalement pas tant de voir leur profil affiché — avec pour sous-entendu qu’ils sont opposés aux mesures sanitaires — qui dérange Quentin Racine et Valérie Dittli. Mais plutôt la rubrique nommée «Candidats dangereux». «Qu’on soit clair: aucun candidat aux élections vaudoises n’est un candidat dangereux, malgré les divergences d’opinions entre les différentes familles politiques, s’agace le cadre du PLR. Je déplore cette mentalité digne du Far West, où les uns sont montés contre les autres.» Valérie Dittli abonde: «C’est un manque de respect évident et nous devons toutes et tous nous ériger là-contre.»

«Un site de merde»

Une réaction qui devrait un peu apaiser Pierre Dessemontet, cosyndic socialiste d’Yverdon-les-Bains, député au Grand Conseil et vice-président du parti à la rose vaudois. «Ce site anonyme, où il n’y a aucun moyen de contact, est un site de merde», fulmine le sortant qui figure justement parmi «les candidats dangereux». «On ne devrait même pas s’y intéresser», peste-t-il.

Pierre Dessemontet, vice-président du Parti socialiste vaudois et député sortant.
Photo: Keystone

Le Nord-Vaudois riposte: «Contrairement aux personnes derrière cette plateforme, j’assume parfaitement les positions que j’ai prises durant la pandémie, qui n’est d’ailleurs pas terminée. Je suis très heureux que les mesures sanitaires aient pu être levées, d’avoir pu revivre quelques jours normalement avant que les événements en Ukraine nous replongent dans l’incertitude. Mais je n’hésiterai pas, si la situation l’exige, à appuyer à nouveau des mesures de santé publique nécessaires.»

Loin de se débiner, il dégaine une dernière fois: «Je suis heureux d’être dans les néfastes et je vois d’ailleurs que je suis bien accompagné. Je dénonce la lâcheté du procédé… Oui, ses auteurs sont des lâches. Moi, je suis droit dans mes bottes. Comme les autres personnes qui ont voté comme moi et dont les sensibilités politiques vont de l’extrême gauche à la droite dure.» Et vlan!

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