Un sociologue et un expert en relations publiques analysent
Le DFI s'excuse auprès du média étudiant vaudois «blacklisté»

Le Département fédéral de l'intérieur présente ses excuses à Caféine Média. La vidéo du média étudiant sur «le vrai» Alain Berset lui avait valu remontrances et refus d'entretien avec Elisabeth Baume-Schneider. Deux spécialistes analysent la polémique et son apaisement.
Publié: 13.07.2024 à 06:01 heures
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Dernière mise à jour: 13.07.2024 à 09:09 heures
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Léo MichoudJournaliste Blick

Le Département fédéral de l'intérieur (DFI) se rabiboche avec le média étudiant Caféine Média. Le 3 juillet dernier, Blick racontait les bisbilles de très jeunes journalistes avec Alain Berset et son service de communication, alors qu'il était encore chef du DFI. 

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Sur TikTok et Instagram, Caféine Média avait affirmé avoir été «blacklisté» par le DFI, à la suite de la publication d'une vidéo montrant les coulisses d'une interview avec Alain Berset. On y voit l'ex-président de la Confédération répondre sèchement aux jeunes journalistes lors des célébrations du 1ᵉʳ août 2023 à Lausanne, contrastant avec son image aimable.

Les excuses du DFI

Sans être oublié, le différend a vécu un dénouement. Ce mardi, dans «Le Courrier», le rédacteur en chef du média destiné aux 15-25 ans, Rayan Meldan, confie avoir «reçu les excuses» du coresponsable de la communication du DFI. Il précise à Blick: «Le responsable de la communication s'est montré très affecté par ce qui s'est passé. Il a reconnu avoir mal réagi.»

Le 1er Août, Alain Berset avait accordé une interview à Caféine Média, qui en avait dévoilé les coulisses. Le Département fédéral de l'intérieur leur avait d'abord refusé la rencontre avec Elisabeth Baume-Schneider.
Photo: Keystone
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Alain Berset avait notamment refusé d'expliquer son titre et sa fonction, un exercice relativement commun sur les réseaux sociaux. «On se doit de faire attention au jargon qu'on utilise, précise Rayan Meldan. Notre mission, c'est de vulgariser la politique pour ceux qui n'y connaissent rien.»

L'interview refusée aura bien lieu

La publication de la vidéo sur les réseaux sociaux, sept mois après, avait mené le DFI à refuser à Caféine Média une interview avec la successeure d'Alain Berset à l'Intérieur, Elisabeth Baume-Schneider. Caféine Média s'était justifié en invoquant l'intérêt public d'une telle publication. L'article de Blick narrant cette situation a mené le jeune député au Grand Conseil neuchâtelois Hugo Clémence à soutenir les journalistes en herbe.

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Contacté, Christian Favre, le porte-parole en question, ne donne pas d'éléments supplémentaires à ceux présents dans «Le Courrier». Dans les colonnes du quotidien, le communicant, épinglé par notre journaliste dans un commentaire, assure que le DFI ne tient pas de liste noire des médias. Pour Blick, il confirme simplement qu'«une interview (ndlr: avec Elisabeth Baume-Schneider) sera accordée à Caféine Média à la rentrée au sujet de la santé psychique des jeunes».

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Une fausse authenticité?

Romain Pittet, lui, est coprésident de la société romande de relations publiques (SRRP). Ce spécialiste de la communication institutionnelle est surpris de l'ampleur prise par ce qui n'était pas grand-chose. «Certes, on aurait pu attendre un peu plus d'indulgence de la part d'Alain Berset, qui a cette image sympa et proche de la population. Je ne trouve pas sa réaction gravissime, mais je trouve disproportionné de la part du DFI de pointer ce petit média. Cela a fait gonfler un problème qui n'en était pas un au départ.»

Le sociologue de l'Université de Genève (UNIGE) Sandro Cattacin, spécialiste de la politisation des jeunes en Suisse, est assez d'accord. Pour lui, cette courte altercation entre Alain Berset et Caféine Média est un «non-événement». Il y voit surtout la conséquence d'une société qui – chez les jeunes comme chez les politiciens – pratique une forme «d'authenticité mise en scène».

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«Cette tempête dans un verre d'eau révèle au public cette guéguerre entre journalistes et communicants»
Romain Pittet, coprésident de la société romande de relations publiques (SRRP)
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Le consultant en relations publiques Romain Pittet ajoute que «cette tempête dans un verre d'eau révèle au public cette guéguerre entre journalistes et communicants». Un antagonisme qui n'a généralement pas lieu d'être selon lui: «Certains communicants se méfient de ce que pourraient dire les journalistes et se mettent en mode contrôle, continue-t-il. Et les journalistes ont peut-être tendance à généraliser ce mode contrôle, qui me semble plutôt être activé par une minorité de communicants.»

Goliath contre David

Au fond, pour Sandro Cattacin, c'est surtout «une mauvaise communication» qui a mené au comportement d'Alain Berset: «On s'attend des politiciens suisses qu'ils restent proches du peuple. Pour moi, il est normal de faire très attention aux questions posées. Celui qui s'énerve, c'est le service de communication.»

Le fait que le Département fédéral de l'intérieur se soit excusé surprend agréablement nos deux interlocuteurs. «C'est plutôt une bonne stratégie que de ne pas s'enfermer dans une position hostile, analyse Romain Pittet. Plutôt que de passer pour un Goliath face à un David, le DFI choisit de faire la part des choses pour repartir sur de bonnes bases.» Il espère que Caféine Média saura «s'en satisfaire et faire preuve de maturité.»

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